Le rapport rappelle d’abord les principaux chiffres qui traduisent les tensions profondes du marché du travail marocain. Début 2025, le taux de chômage national s’élève à 13,3 %, un niveau supérieur à la moyenne régionale. Mais derrière cette moyenne se cachent des disparités plus graves : 37 % chez les jeunes et 20 % chez les femmes, ce qui révèle des difficultés persistantes d’intégration de ces catégories dans l’activité économique.
La faible participation globale constitue une autre alerte. Le taux d’activité économique ne dépasse pas 43 % de la population en âge de travailler, l’un des plus bas dans la région MENA et au niveau international. La participation féminine, inférieure à 18 %, traduit un potentiel humain immense mais inexploité.
À cela s’ajoute une qualité d’emploi dégradée. Le phénomène du sous-emploi touche environ 1,25 million de personnes, tandis que le secteur informel concentre près des deux tiers de la main-d’œuvre, privant des millions de Marocains de protection sociale et de perspectives de carrière stables.
Ces chiffres ne sont pas, selon le rapport, de simples indicateurs statistiques. Ils traduisent « un modèle économique qui n’a pas encore permis un véritable décollage », limité par une croissance fragile et dépendante de l’extérieur.
Trois menaces majeures pèsent directement sur cette dynamique. D’abord, les politiques de relocalisation industrielle menées par l’Union Européenne, qui privilégient la production locale, en particulier dans le domaine des véhicules électriques, réduisent la marge de manœuvre du Maroc. Ensuite, la transition mondiale vers l’électromobilité impose des investissements colossaux dans les batteries et les composants électroniques, des segments où le Royaume n’a pas encore acquis une avance décisive. Enfin, l’entrée en vigueur du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) risque d’affaiblir la compétitivité des exportations marocaines si l’industrie nationale ne parvient pas à accélérer sa décarbonation et à aligner ses standards sur les exigences environnementales européennes.
Le rapport souligne que tout ralentissement économique en Europe, ou tout durcissement réglementaire, pourrait provoquer une contraction brutale de la demande et menacer des centaines de milliers d’emplois au Maroc.
Quant au tourisme et au BTP, la perspective de la Coupe du Monde 2030 crée un souffle artificiel : 250.000 emplois temporaires devraient être créés dans la construction, et 100.000 postes semi-permanents dans l’hôtellerie et le tourisme. Mais le rapport avertit : sans planification « post-2030 », ces emplois risquent de disparaître brutalement, générant une crise sociale dans ces secteurs.
La faible participation globale constitue une autre alerte. Le taux d’activité économique ne dépasse pas 43 % de la population en âge de travailler, l’un des plus bas dans la région MENA et au niveau international. La participation féminine, inférieure à 18 %, traduit un potentiel humain immense mais inexploité.
À cela s’ajoute une qualité d’emploi dégradée. Le phénomène du sous-emploi touche environ 1,25 million de personnes, tandis que le secteur informel concentre près des deux tiers de la main-d’œuvre, privant des millions de Marocains de protection sociale et de perspectives de carrière stables.
Ces chiffres ne sont pas, selon le rapport, de simples indicateurs statistiques. Ils traduisent « un modèle économique qui n’a pas encore permis un véritable décollage », limité par une croissance fragile et dépendante de l’extérieur.
Une dépendance inquiétante vis-à-vis de l’Europe
Si l’industrie automobile est devenue la vitrine du Maroc – premier fournisseur de voitures de l’Union Européenne –, ce succès s’avère fragile. Plus de 80 % des exportations du secteur dépendent de la France et de l’Espagne. Trois menaces majeures pèsent directement sur cette dynamique. D’abord, les politiques de relocalisation industrielle menées par l’Union Européenne, qui privilégient la production locale, en particulier dans le domaine des véhicules électriques, réduisent la marge de manœuvre du Maroc. Ensuite, la transition mondiale vers l’électromobilité impose des investissements colossaux dans les batteries et les composants électroniques, des segments où le Royaume n’a pas encore acquis une avance décisive. Enfin, l’entrée en vigueur du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) risque d’affaiblir la compétitivité des exportations marocaines si l’industrie nationale ne parvient pas à accélérer sa décarbonation et à aligner ses standards sur les exigences environnementales européennes.
Le rapport souligne que tout ralentissement économique en Europe, ou tout durcissement réglementaire, pourrait provoquer une contraction brutale de la demande et menacer des centaines de milliers d’emplois au Maroc.
Services et tourisme : La bulle de 2030
Les vulnérabilités ne se limitent pas à l’industrie. Le secteur des centres d’appels, qui emploie environ 90.000 jeunes Marocains (dont 80 % liés au marché français), est directement menacé par une nouvelle loi en France limitant les appels commerciaux à froid, prévue pour 2026. Quant au tourisme et au BTP, la perspective de la Coupe du Monde 2030 crée un souffle artificiel : 250.000 emplois temporaires devraient être créés dans la construction, et 100.000 postes semi-permanents dans l’hôtellerie et le tourisme. Mais le rapport avertit : sans planification « post-2030 », ces emplois risquent de disparaître brutalement, générant une crise sociale dans ces secteurs.
Les grandes transformations à venir
Outre les vulnérabilités immédiates, le Maroc doit également se préparer à des mutations de fond qui redéfiniront durablement son marché du travail. Le rapport du CAESD met en avant deux transformations majeures : d’une part, l’essor de l’Intelligence Artificielle et de la robotique, qui menace de remplacer une large part des tâches administratives et routinières, tout en générant une demande accrue en compétences technologiques, créatives et analytiques.Cette évolution fait planer le risque d’un véritable « fossé des compétences » si l’éducation et la formation professionnelle ne s’adaptent pas avec célérité. D’autre part, la transition climatique impose de nouveaux défis, en fragilisant des secteurs clés comme l’agriculture et le tourisme balnéaire, directement exposés aux sécheresses et à l’érosion côtière. Mais cette contrainte peut aussi devenir une opportunité : l’économie verte, fondée sur les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, le recyclage et le transport durable, recèle un potentiel considérable de création d’emplois durables, à condition que le Maroc sache opérer une réorientation stratégique et mobiliser les investissements nécessaires.
Recommandations stratégiques
Le rapport trace une feuille de route articulée autour de trois horizons temporels. À court terme, sur une période d’un à trois ans, il recommande de mettre en place un plan préventif pour l’après-2030, afin d’anticiper la fin du cycle lié à la Coupe du Monde et de reconvertir les travailleurs du BTP et du tourisme vers des métiers liés aux infrastructures vertes et à la maintenance urbaine. Dans le même esprit, il appelle à diversifier sans délai les marchés d’exportation en se tournant vers l’Afrique, le Moyen-Orient et les Amériques, afin de réduire la dépendance excessive à l’Europe.Le document propose également la création d’un fonds de reconversion du secteur des services, alimenté conjointement par l’État et les entreprises, destiné à redéployer les employés des centres d’appels vers des activités numériques à forte valeur ajoutée telles que l’analyse de données, la cybersécurité ou le cloud. En outre, il insiste sur la nécessité d’un encadrement juridique du travail sur plateformes, en vue de garantir aux livreurs, chauffeurs et freelances numériques un socle minimal de droits sociaux.
À moyen terme, sur un horizon de quatre à dix ans, le rapport recommande une transformation structurelle du marché du travail marocain. Il préconise d’abord une réforme en profondeur du Code du travail afin d’y intégrer la notion de « droits sociaux portables », c’est-à-dire des protections qui suivent le travailleur quel que soit son statut ou son employeur. Il insiste également sur l’accélération de la réforme de la formation professionnelle, notamment à travers le développement des Cités des Métiers et des Compétences, en veillant à intégrer de manière systématique la pensée critique, les compétences numériques et les métiers liés à la transition verte.
Dans le même esprit, il plaide pour une industrialisation locale des composants stratégiques tels que les batteries et les semi-conducteurs, afin de préserver la compétitivité du secteur automobile face aux mutations internationales. Le rapport encourage également un renouveau du mouvement syndical, capable d’adapter ses structures et ses revendications aux nouvelles réalités du travail indépendant et des plateformes numériques, en incluant des enjeux inédits comme les droits digitaux et la transparence des algorithmes.
À long terme, au-delà d’une décennie, le rapport du CAESD invite à repenser en profondeur les fondements mêmes de l’organisation du travail. Il propose d’expérimenter des dispositifs de revenu de base ciblés, destinés en priorité aux jeunes et aux travailleurs fragilisés par l’automatisation, afin de leur offrir un filet de sécurité et de faciliter leur transition vers de nouveaux métiers. Il recommande ainsi d’explorer des modèles innovants de gestion du temps de travail, notamment la semaine de quatre jours, qui permettrait de mieux partager les gains de productivité tout en améliorant la qualité de vie des salariés.
Enfin, il insiste sur la nécessité de bâtir un véritable système national d’apprentissage tout au long de la vie, reposant sur des comptes personnels de formation et des plateformes numériques accessibles à tous, afin de garantir l’adaptation continue des compétences dans un monde du travail en mutation permanente.
Vers un nouveau contrat social ?
Au-delà des réformes techniques, le CAESD appelle à l’émergence d’un véritable contrat social capable de répondre aux mutations en cours. Ce nouveau pacte devrait d’abord assurer une protection effective des travailleurs des secteurs du BTP, du tourisme et des services, particulièrement exposés aux fluctuations qui suivront la Coupe du Monde 2030. Il devrait ensuite garantir que la technologie reste un outil au service de l’humain, en évitant qu’elle ne devienne une source supplémentaire de précarité ou d’exclusion. Enfin, il s’agirait de faire de la transition écologique non pas seulement un moteur de croissance économique, mais aussi un instrument de justice sociale, afin que les bénéfices du virage vert profitent à l’ensemble de la société et réduisent les inégalités.
La conclusion est sans ambiguïté : il s’agit de passer de la gestion des crises à la construction de l’avenir, en conjuguant courage politique, vision stratégique et dialogue sociétal. Faute de quoi, le Maroc risque de rester prisonnier d’un modèle fragile, perpétuellement exposé aux chocs exogènes.
La conclusion est sans ambiguïté : il s’agit de passer de la gestion des crises à la construction de l’avenir, en conjuguant courage politique, vision stratégique et dialogue sociétal. Faute de quoi, le Maroc risque de rester prisonnier d’un modèle fragile, perpétuellement exposé aux chocs exogènes.