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Culture

Magazine : La FCM, sans outrecuidance


Rédigé par Anis HAJJAM le Dimanche 14 Novembre 2021

Du 5 au 7 novembre, l’ESAV a remis sur les rails la Fête du cinéma de Marrakech (FCM) après deux années d’absence. En collaboration avec l’Institut français, le Cinéma Colisée, la Fondation Dar Bellarej et Es Saadi Resort, l’évènement qui est à sa troisième édition a tenu ses promesses entre projections, débats, séances pour juniors et un bel hommage à l’irrésistible interprète Raouia.



Raouia, émue, lors de son hommage.
Raouia, émue, lors de son hommage.
Le cinéma à Marrakech en un mois de novembre, cela renvoie immanquablement au Festival international du film. Seulement, cette année encore, la grosse machine du cinéma-paillettes reste muette.

Entre-temps, après un retrait forcé de deux éditions, «La Fête du cinéma de Marrakech» refait surface, l’espace d’un doux week-end. Un happening convivial, parfois intimiste, souvent généreux. Un évènement à taille humaine où les échanges passionnés sont teintés d’heureuses retrouvailles. Nous sommes ici dans l’approche académique de facture privée, dans le débat qui drague des lendemains de suivi, dans le devoir du soutien à la création, dans l’amour d’un art qui demeure convaincu de vouloir refaire le monde, le peindre et le sculpter au rythme de battements de coeurs de rêveurs inconsolables, ceux qui croient à raison que le cinéma pèse et apaise.

Ce monde est, définitivement, un bel endroit. «La Fête du cinéma de Marrakech» est un ensemble d’expressions où se mêlent avec efficacité des plongées et ses contres, des zooms et des larges, des fixes et des travelings, des nets et des flous… La vie, en somme.Le cinéma à Marrakech en un mois de novembre, cela renvoie immanquablement au Festival international du film.

Seulement, cette année encore, la grosse machine du cinéma-paillettes reste muette. Entre-temps, après un retrait forcé de deux éditions, «La Fête du cinéma de Marrakech» refait surface, l’espace d’un doux week-end. Un happening convivial, parfois intimiste, souvent généreux. Un évènement à taille humaine où les échanges passionnés sont teintés d’heureuses retrouvailles.

Nous sommes ici dans l’approche académique de facture privée, dans le débat qui drague des lendemains de suivi, dans le devoir du soutien à la création, dans l’amour d’un art qui demeure convaincu de vouloir refaire le monde, le peindre et le sculpter au rythme de battements de coeurs de rêveurs inconsolables, ceux qui croient à raison que le cinéma pèse et apaise. Ce monde est, définitivement, un bel endroit. «La Fête du cinéma de Marrakech» est un ensemble d’expressions où se mêlent avec efficacité des plongées et ses contres, des zooms et des larges, des fixes et des travelings, des nets et des flous… La vie, en somme.

Enjamber pour mieux s’élancer

Cette fête du réel-fiction brode avec acuité le songe qui tisse en amont la rencontre, qui façonne en aval la déconstruction. L’un lorgnant l’autre et c’est la célébration de l’essoufflé qui retrouve son souffle, de l’aphone qui récupère sa voix, sous l’oeil d’une épidémie dite «cinéma» que nous espérons généralisée, sans remède aucun. Un voyage où la destination essuie des arrêts pas prêts à rendre l’âme. Le terminus n’est jamais une fin de parcours mais le catalyseur d’une hauteur à enjamber pour mieux s’élancer. Trois jours pendant lesquels différentes expressions se claquent la bise, se prennent par la main, s’engueulent en sourdine.

Le documentaire, la fiction et le film d’animation se livrent au regard variablement apprécié par un public jouant le chaleureux après la frilosité de près de deux pénibles années où l’art se fait rare, où le cinéma perd son aura. Les projections s’enchaînent avec, en ouverture, «L’Automne des pommiers» (2020) du cérébral Mohamed Mouftakir et qui fait office d’avant-première. Aux côtés du réalisateur lors de la brève présentation du film, deux de ses principaux rôles, la fraîche députée RNIste Fatima Khaïr et son époux Saâd Tsouli. Une fresque mouvementée, soutenue par des plans-tableaux riches en beautés aussi prenantes que douloureuses.

Dans cet élan de fictions, on évoque le nouveau-né d’Ismaël Ferroukhi «Mica» (2020), l’histoire d’un enfant du peuple qui fréquente, en garçon à tout faire, un club casablancais de tennis et qui rêve de devenir champion de la discipline. Et puis, il y a le multi-primé «Les femmes du pavillon J» (2019) de Mohamed Nadif qui relate le quotidien de filles séjournant dans un hôpital psychiatrique et que seule la liberté les fait revivre. Sans oublier ce coup de poing intitulé «Zanka Contact» d’Ismaël El Iraki réalisé en 2020 (lire plus loin).

Raouia, Derkaoui et Lagtaâ

«La Fête du cinéma de Marrakech» étale son plaid sur le documentaire urbain avec l’excellent «Dima Punk» (2019) conçu et réalisé par la sociolinguiste Dominique Caubet, présente à l’évènement avec son héros Stof (Mostafa Sid Salah). Lui emboite le pas, l’intrigant Kamal Hachkar, auteur de «Dans tes yeux, je vois mon pays» sorti la même année. On cite aussi «Nayda ?» (2019) du palabrant Hicham Lasri et le rassurant «L’Ecole de l’espoir» (2021) de Mohamed El Aboudi.

A ces créations s’ajoutent des courts métrages, fruits de belles souffrances consommées entre 2019 et 2021 par les étudiants de l’Ecole supérieure des arts visuels (ESAV) de Marrakech sous la houlette de Roland Carrée, directeur artistique du FCM, enseignant-chercheur à l’ESAV et docteur en cinéma. Les pendants du FCM se résument en une table ronde sur «Le cinéma documentaire marocain contemporain, entre ruptures et prolongements» où on frissonne d’incompréhensions.

L’organisation choisit également de consacrer ces Marocains issus de l’école cinématographique polonaise sous l’accroche «Patrimoine, voyage». D’anciens jeunes et pas des moindres y prennent part : Mostafa Derkaoui et son frère Abdelkrim, Abdelkader Lagtaâ… Hors conférence, leurs échanges sont chargés d’une nostalgie frappée du sceau de l’ironie collective.

Au présent, ils évoquent le passé en triturant le lendemain, en déclassant le futur. Ils rappellent leurs faits et méfaits, se jouent de l’avenir puisqu’il est incontrôlable. A l’image de la farceuse Raouia, comédienne hors du temps sous sa trouble force de frappe. L’hommage que cette Fête lui rend la touche, la bouleverse comme elle l’exprime le soir de l’ouverture : «Arrêtez, je vais pleurer !» Et elle écrase quelques larmes avant de partir en courant, droite dans des baskets surmontés d’un jeans et rehaussés d’un pull façon jeune fille. Trois films mettent en scène la dextérité enveloppant ses prestations : «Les yeux secs» (2003) de Narjiss Nejjar, «Rock the Casbah» de Laïla Marrakchi et «Lhajjates» de Mohamed Achaouer.

Parmi les coquetteries de la star, monter la première dans le bus, attendre que tout le monde soit là pour se rappeler qu’elle doit aller chercher une veste dans sa chambre. Du coup, tout le monde dit au chauffeur qui s’impatiente : «On attend Raouia !» Gagné, grande interprète. Avec une réserve à l’endroit de l’affiche qui la met en vedette : comment peut-on écraser sa belle photo en lui «ajustant» sur le visage le logo qui, lui non plus, ne doit pas être altéré ? En somme, cette rencontre de trois jours est un bain de jouvence, un plongeon dans le possible. La croyance en la culture ne peut être évanescente.


Anis HAJJAM







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