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Culture

Magazine : Clôture de Jazzablanca… classe et grâce


Rédigé par Anis HAJJAM le Dimanche 10 Juillet 2022

Une 15e édition aux tons colorés, aux sons mêlés, aux mélanges délicieusement dosés. Un come-back bourré de beaux lendemains dans un espace juché aux cimes des bonnes ondes. Trois jours de challenge dans un Anfa Park métamorphosé.



Gilberto Gill et sa famille sur la scène de Jazzablanca le 2 juillet. Ph : Sife ELamine.
Gilberto Gill et sa famille sur la scène de Jazzablanca le 2 juillet. Ph : Sife ELamine.
Une livraison multiraciale, une programmation cosmopolite, des prestations troublantes de sensibilités… A l’arrivée, carton plein pour un évènement resté muet pendant deux grosses années. Son retour est à applaudir, sa tenue est à saluer au lendemain de laborieuses promesses finalement tenues. Et des espaces qui traduisent le rêve en réalité. Trois scènes entretiennent des mélomanes au coeur fondant, au jazz « généraliste ». La fête prend ses quartiers dans une ville où la culture festive perd progressivement ses repères.

Quelques semaines avant la tenue du festival, son promoteur Moulay Ahmed Alami, se confie ainsi sur les colonnes de L’Opinion : « Organiser Jazzablanca est un mélange de challenge, de risque mais aussi de fierté. Chaque édition est un nouveau sommet à gravir et comme je suis ambitieux pour le festival et pour ma ville, je mets la barre toujours plus haut. Lorsqu’on vous nomme ambassadeur de Casablanca, vous avez l’impression que vous n’avez pas fait ça pour rien. Que la réussite de Jazzablanca soit un modèle culturel et économique à dupliquer dans d’autres villes ! C’est un mélange de fidélité, de résilience, d’équilibre entre payant-gratuit, entre riches et moins bien gâtés. On a tellement de choses à prouver aux gouvernements qui se succèdent pour qu’ils investissent le champ culturel. Je rêve d’ouvrir des salles dédiées aux jeunes talents qui n’ont pas de lieux pour se produire tous les jours, d’un lieu également pour accueillir les stars marocaines et internationales qui ne font pas de Casablanca une plateforme pour leurs tournées. Il faut donc que Jazzablanca réussisse pour continuer à investir ce champ culturel. »

Aujourd’hui, à sa quinzième édition, le festival qui marie un public payant à Anfa Park et un autre gracieusement servi en ville, s’inscrit dans l’animation faisant appel à la communion.

Élan subjectif et efficace

Et puis voilà. Le festival ouvre ses portes et on s’y engouffre. Les « good vibes » prennent à la gorge. On ne peut pas encore jurer de sa véritable efficacité, mais l’élan est là, subjectif et efficace. Est-on bien partis ou attend-t-on le son qui fait mouche ? En ce vendredi d’ouverture, un joyeux Bab L’Bluz local suivi de l’étonnante force artistique et physique du gourou jazz éthiopéen Mulatu Astatke donnent le ton d’une édition métissée. S’ensuit un court répit avant de rejoindre la grande scène, l’occasion de déambuler dans un village, ciment convivial du festival (lire l’humeur). Le vaste parterre de l’espace Casa Anfa se remplit lentement mais sûrement.

L’heure est à une fusion maroco-française, fruit d’une résidence insoupçonnée. Hamid El Kasri et son combo reçoivent avec générosité le trompettiste français Erik Truffaz. El Kasri séduit, Truffaz donne la réplique grâce à des envolées aussi aériennes que sculptées dans le dur. Pour clore la soirée et en guise de tête d’affiche, le Franco-Libanais Ibrahim Maalouf que Jazzablanca reçoit une première fois en 2014. Le retour du trompettiste qui fait un crochet par les Musiques sacrées de Fès quelques jours auparavant n’est pas à déplaire au public. L’homme est carré même lorsqu’il se ballade dans le boulevard sinuant du jazz-rock. Un set fort en sons fluctuants.

Au fur des textes, à mesure des sons

Par une gueule de bois née d’une curieuse solidarité avec les victimes subsahariennes du drame survenu à Melilla, l’intéressant et méconnu (au Maroc) fils du père de l’afro-beat Fella Kuti annule sa venue au festival. Le Nigérian Seun Kuti (ainsi s’intitule-t-il) est à l’affiche de la Scène 21 le samedi 2 juillet. Sa prestation est remplacée à pied levé par un ethnic modern jazz des Rbatis Urban Folklore.

La formation passe ensuite la main à une Natacha Atlas orientalisante qui commence par chanter pour finir en poussant des cris stridents ne sachant qu’elle est en délire vocal proche de l’incongru, loin de l’apaisement. Elle est de retour à Casablanca, « marhaba » alors. Cap plus tard sur la scène principale où l’un des plus internationaux musiciens brésiliens s’apprête à un pèlerinage familial sur des planches qui s’astiquent au fur de ses textes, à mesure de ses sons : Gilberto Gil.

L’ancien rebelle politique et antérieurement ministre de la Culture investit la scène flanqué d’enfants et de petits enfants. Un répertoire jonché de reggae avec des clins d’oeil notamment aux Beatles constitue un patchwork plus grand public que pour amateurs du latino jazz. Mais la maestria est encore là, à près de 80 printemps. Pour fermer la marche, c’est l’Israélien Asaf Avidan qui s’engage dans des exhibitions hautes perchées d’une voix régulièrement rauque. Le pianiste-harmoniciste-guitariste se glisse dans d’heureux mélanges rock, blues et folk. Et le dimanche 3 juillet sonne la fin de ces belles hostilités.

Après un passage par la Scène 21 où le trio jazz lyonnais EYM fait résonner son piano, sa batterie et sa contrebasse avec beaucoup de conviction, après une magnifique prestation de Majid Bekkas et son quartet de circonstance donnant le la du prochain album « Joudour », on déambule de nouveau avant de gagner l’espace Casa Anfa.

A l’affiche, un retour et une déflagration. Oum qui chante pour la première fois au Maroc et avec délicatesse son album « Daba » paru en 2019, Ben Harper qui débarque avec le groupe The Innocent Criminals qu’il retrouve après l’aventure Relentless Seven. La première est au nirvana avec un look quasi Dalaï-lama (tenue orange et cheveux teintés blonds coupés ras faute de boule à zéro), le second alignant ses plus grands succès en injectant quelques curiosités. Un chaleureux au-revoir qui renvoie à juin 2023, du 22 au 24. Et que la folie ne baisse pas pavillon.



Anis HAJJAM