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Culture

Le rire, la dérision : Muhammad Aladdin brise la mentalité du tabou


Rédigé par Faris LOUNIS le Mercredi 26 Octobre 2022



« Cependant, un jour viendra où j’écrirai un vrai roman, qui sera publié par une des grandes maisons d’édition de ce pays. Un jour viendra où je décrocherai le Prix Nobel et où ils préciseront dans ma notice biographique que j’ai commencé ma carrière en écrivant des textes érotiques payés trois dollars pièce ».

Un homme qui ne rit pas, qui n’a pas le sens de l’humour, est qualifié par Rabelais d’« agélaste ». Pour certains écrivains, le rire est considéré comme le point de départ du roman, un point à partir duquel l’écrivain s’essaie de penser l’existence et le monde dont la vérité ne cesse de lui échapper. Le rire, qui est l’une des sources intarissables de la création romanesque, est cette sagesse critique qui dérange et ébranle les dogmes et les idées reçues.

« Un chien de rue bien entraîné » du romancier égyptien Muhammad Aladdin est l’oeuvre d’un anti-agélaste dont la maîtrise du rire casse les idées reçues sur l’Égypte contemporaine (celle de l’Homo islamicus par exemple) – et de surcroît sur l’ensemble de l’espace arabophone – avec la force d’un marteau herculéen.

Licencié en lettres et orphelin de mère dès sa naissance, Ahmed a vécu une grande partie de son enfance chez sa grand-mère maternelle pour aller ensuite s’installer, le moment de l’université venu, chez son oncle dont la femme ne cesse d’éveiller et de susciter ses fantasmes. Peinant à gagner sa vie de son diplôme de lettre, Ahmed, s’adressant respectueusement à son cher « ami lecteur », se présente ainsi : « j’écris des récits érotiques pour un site que je ne connais pas, et qui m’envoie de l’argent en contrepartie ».

Ahmed aspire à devenir un grand écrivain en transmettant « dix récits [érotiques] par jour » à Rusika, probablement l’un des plus importants responsables de ce site obscur. Il rêve d’écrire un jour son chef-d’oeuvre à la manière de celui de ‘’Nadia Lafesse’’.

Quand Ahmed culpabilise sur ce temps perdu à écrire des récits érotiques, il se console en se « disant que Dostoïevski avait écrit ses romans les plus géniaux pour payer ses dettes de jeu ». Tout compte fait, la carrière d’Ahmed, en tant que pornographe encyclopédiste, a pris son essor avec ce site en envoyant « l’histoire de la femme qui se fait violer sur le périphérique et qui y trouve du plaisir », histoire inspirée de sa récente aventure sexuelle avec Névine – une jeune cairote dont les aventures libres avec les hommes nourrissent la progression du récit – dans sa voiture, sur le périphérique cairote : « …j’étais bien décidé à faire le récit de cette journée pour l’envoyer au site web qui loue mes talents ».

Il est difficile pour une personne provenant de l’espèce arabophone de ne pas être sensible aux mots et au style de Muhammed Aladdin et, aussi, à sa franchise. D’Ahmed, le héros des chiens de rue bien entraînés a vécu avec cette sagesse : « la meilleure des vertus était la lâcheté, et que meilleure encore que cette vertu-là était celle qui consistait à avouer franchement la sienne ».
 

Faris LOUNIS



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