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Le long chemin du Maroc vers une puissance émergente à l’horizon 2035 (rapport)


Rédigé par L'Opinion Mercredi 19 Novembre 2025

Yasmina Asrarguis, chercheuse associée à l’université de Princeton, explore la capacité du Maroc à devenir une puissance émergente d’ici 2035. L’émergence est possible pourvu qu’elle soit plus inclusive. Décryptage.



L’année 2035 est gravée dans l'imaginaire collectif comme celle des grands challenges. D’ici là, le Nouveau Modèle de Développement (NMD) devra livrer ses résultats. La recette de la task-force de Chakib Benmoussa est censée propulser le Royaume dans le chemin du décollage économique pour rejoindre le club des économies émergentes au moment où le Royaume ne cache pas son ambition de s’affirmer comme une puissance régionale au sens propre du terme. 

On parie sur un sursaut de croissance tant attendue et mieux répartie avec une conversion vers l'État social pour y parvenir. Mais le chemin reste long et jonché d’épines. Sécheresse, inégalités territoriales, services publics défectueux… les défis sont nombreux. 

La longue quête pleine de défis vers l’émergence 

À quoi ressemblera le Royaume d’ici dix ans ? Yasmina Asrarguis, chercheure associée à l’université Princeton, tente de donner un aperçu dans son rapport intitulé : “Maroc 2035 : De l’émergence économique à la puissance-pivot ?”. Elle met à l’épreuve la capacité du Maroc à se transformer en puissance-pivot. 

Depuis le début du millénaire, le Maroc s’est modernisé aux rythmes d’un investissement massif dans les infrastructures et de la mise à niveau de plusieurs secteurs, notamment l’industrie automobile, aéronautique et militaire. Le pays est parvenu à plus que doubler son PIB (140 milliards de dollars). Le NMD parie sur une croissance soutenue de 6% (un objectif auquel on s’approche cette année avec une estimation de 4,8%) et des services publics de qualité, notamment dans la Santé et l'Education. Bref ! L’Etat-Providence protecteur digne d’un pays avancé.  

Aujourd’hui, la dynamique économique est indéniable. Le pays avance à pas assurés avec des infrastructures de pointe (Tanger Med, Nador West Med, TGV, large réseau autoroutier, stations d’énergies solaires…) et de grandes ambitions au point d’être un acteur central dans la chaîne de valeur mondiale et un foyer incitatif pour les investissements internationaux. 

Encore faut-il que cela génère assez de croissance et que celle-ci soit plus inclusive. “À l’horizon 2030, la question ne sera donc pas seulement celle de la croissance, mais de sa qualité, de sa soutenabilité, et de sa capacité à renforcer la cohésion dans un pays où les aspirations sociales s'intensifient au même rythme que l’ouverture économique, explique la chercheuse, rappelant que le Maroc en actuellement en train de “corriger les déséquilibres nés de deux décennies de croissance soutenue mais inégalement répartie” dans le cadre d’un tournant social majeur. Allusion faite à la conversion à l'État social après la pandémie dont la généralisation de la couverture sociale est l’incarnation. “En fixant ainsi un cap vers un État social moderne, Mohammed VI entend inscrire la croissance dans un horizon plus inclusif, réduire les fractures héritées du cycle de développement précédent, et consolider la cohésion nationale comme socle de stabilité et de prospérité”, estime la même source. 

Maintenant, l’enjeu est de poursuivre ce chemin de modernisation sans rupture tout en restant assez solide pour ne pas défragmenter. Yasmina Asrarguis rappelle que le Maroc, à l'instar des pays émergents, n’échappe pas aux paradoxes des inégalités. “Il avance vite, mais pas partout. Il s’intègre davantage au monde, mais au prix d’un désajustement intérieur”, écrit-elle. 
 
Si la croissance n’est pas partagée, elle devient soupçon !

La lutte contre les inégalités, qu’elles soient territoriales ou sociales, devient un impératif. Si la croissance n’est pas partagée, elle devient soupçon, estime la chercheuse, rappelant que “les écarts entre Casablanca-Settat et le reste du pays, entre littoral et arrière-pays, entre villes et campagnes, demeurent le miroir des déséquilibres de la modernisation et de l’hyper-mondialisation”.

Selon elle, la question sociale au Maroc est avant tout territoriale. Raison pour laquelle les régions marginalisées ne se sentent pas associées ou concernées par cette émergence promise. Cela dit, le chemin vers 2035 sera centré sur cette dialectique entre  ambition économique et exigence d’équité nationale.

Triple transformation requise 

Dans ce sens, le Maroc est face à  une triple transformation du pays : territoriale, industrielle et sociale. “Territoriale, parce qu’il faut reconnecter les marges au centre ; industrielle, parce qu’il faut convertir la compétitivité en souveraineté ; sociale, parce qu’aucune modernisation ne dure sans redistribution”, résume Mme Asrarguis. L’objectif est de parvenir à un équilibre retrouvé entre vitesse et profondeur d’ici 2035. 

Cette objectif est érigé en priorité nationale avec la création d’un fonds dédié au développement territorial dans le projet de loi des finances 2026. Le gouvernement fait la course contre la montre pour réhabiliter les régions qui n’ont pas eu leur part de développement et de croissance.  Le discours royal du Trône a été catégorique. Il est inadmissible que le Maroc marche à deux vitesses avec des régions ultra prospères et modernes et d’autres dépourvues des services publics les plus élémentaires. “L’Histoire du pays, longue et mouvementée, montre que cette ambition n’est pas irréaliste”, juge Yasmina Asrarguis à cet égard. 

Selon l’auteure du rapport, ce travail incombe au prochain gouvernement qui sera issu des urnes en 2026. « Le prochain Exécutif sera donc chargé de continuer de faire vivre ce modèle sur le plan opérationnel, notamment pour réduire les inégalités territoriales et de revenus, et rééquilibrer la nature de la croissance marocaine afin de la rendre plus inclusive et plus soutenue », affirme-t-elle, ajoutant : “C’est précisément pour éviter toute tentation de récupération politicienne que le mécanisme de suivi du modèle de développement a été placé auprès de la plus haute autorité du pays, à savoir le Roi du Maroc”.  

L’atout de la Coupe du Monde 

Par ailleurs, dans cette longue route vers l’émergence, l'organisation de la Coupe du Monde est perçue comme un coup d’accélérateur loin d’être un simple événement sportif.  Les bénéfices sont d’ores et déjà mesurables. “Le Mondial pourrait attirer au Maroc plus d’un million et demi de visiteurs supplémentaires, injectant entre deux et trois milliards de dollars dans les recettes touristiques. Un choc positif qui, à moyen terme, se traduirait par une hausse annuelle du PIB de 0,5 à 1%, durant et après la compétition”, rappelle Yasmina Asrarguis, soulignant que “le tournoi offrira, de surcroît, la vitrine idéale pour mettre en lumière des pôles tels que Marrakech, Agadir, Tanger ou Fès”. “Les droits de diffusion et de parrainage représenteront également une source majeure de revenus, portés par une communication déployée sur les plateformes numériques et télévisuelles. Ce maillage d’activités et d'investissements devrait engendrer entre 50.000 et 80.000 emplois, temporaires ou durables, dans les secteurs de la construction, du tourisme et des services. Pour Rabat, l’enjeu dépasse largement le simple coup de pouce conjoncturel : il s’agit d’inscrire les nouvelles infrastructures et l’image projetée à l’international dans une dynamique durable afin d’assurer au Maroc la pérennité d’un flux de revenus stabilisé au-delà de la durée du tournoi”, poursuit la chercheuse, qui voit aussi dans le Mondial un levier diplomatique et d’intégration. 

En gros, le rapport met un parallèle entre l’ambition marocaine et le modèle du Qatar. Selon l’auteure, le Maroc inscrit sa candidature dans une logique qui dépasse le seul registre des tactiques politiques ou des stratégies économiques. Organiser une Coupe du Monde devient ainsi le levier d’une série de réformes structurelles profondes.  







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