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L’accès aux technologies israéliennes freiné par l’absence de convention fiscale et d’accord de libre-échange ?


Rédigé par Julien Nouchi le Mardi 8 Novembre 2022



Julien Nouchi, fiscaliste au sein du cabinet Gide Loyrette Nouel Casablanca et membre de la chambre de commerce Israël-Maroc
Julien Nouchi, fiscaliste au sein du cabinet Gide Loyrette Nouel Casablanca et membre de la chambre de commerce Israël-Maroc
Si les synergies entre les deux pays semblent nombreuses (énergies renouvelables, hydrocarbures, agriculture, irrigation, traitement des eaux usées, désalinisation, cybersécurité, etc), l'un des principaux freins réside dans l'absence d'un cadre juridique propice au développement des échanges.

L'absence de convention fiscale génère des situations de double imposition, tandis que les tarifs douaniers à l'importation viennent grever la compétitivité des entreprises israéliennes qui souhaitent répondre à des appels d'offres émis par des opérateurs marocains.

Cette situation bloque l'accès des entreprises marocaines (publiques ou privées) à de nombreuses technologies israéliennes.

Peu d'accords bilatéraux concrets en vigueur

Contrairement aux idées reçues, le Royaume du Maroc n'est pas partie aux accords d'Abraham : ceux-ci ont été signés le 15 septembre 2020 sous l'égide des Etats-Unis d'Amérique par Israël, respectivement avec les Emirats Arabes Unis (EAU) et Bahreïn. Le renouveau des relations entre le Maroc et Israël découle d'une déclaration conjointe entre les Etats-Unis, le Maroc et Israël le 22 décembre 2020.

Cette déclaration ne prévoit pas expressément la négociation d'une convention fiscale ou d'un accord de libre-échange (ALE), mais indique que les parties s'engagent à promouvoir "la coopération économique et commerciale bilatérale de façon dynamique et innovante".

Un protocole d'accord portant sur la coopération dans le secteur de la finance et des investissements a été signé par Nabyl Lakhdar (directeur général de l'administration des douanes) le 22 décembre 2020. Celui-ci exprime la volonté des deux Etats d'entrer en négociation pour la signature d'une convention fiscale.

Des officiels des deux pays se sont rencontrés en février 2022 afin de poursuivre les négociations de la convention fiscale. Toutefois, depuis cette date, aucune information publique n'est disponible quant au statut des négociations.

Une convention fiscale pour éviter la double-imposition

L'absence de convention fiscale entre les deux Etats génère des situations de double-imposition quasi-permanentes. En effet, une entreprise israélienne remportant par exemple un appel d'offres au Maroc est tenue d'immatriculer une filiale ou une succursale afin d'y payer notamment l'impôt sur les sociétés (IS) sur les bénéfices réalisés au Maroc.

En l'absence de convention fiscale, les revenus de ce marché sont également imposables en Israël, aboutissant à une situation de double-imposition rendant ce contrat peu rentable. Lorsqu'une convention fiscale sera en vigueur, celle-ci répartira le droit d'imposition entre les deux Etats, en fonction de critères objectifs (notamment la durée de réalisation du marché).

S'agissant de projets temporaires (marchés de construction ou de travaux), les sociétés israéliennes opteront généralement pour la création d'une succursale. Dans ce cas, les profits après paiement de l'IS au Maroc seront remontés en Israël après application d'une retenue à la source (RAS) de 15% payée au Maroc.

A l'heure actuelle, ce revenu est donc doublement imposé : 15% de RAS au Maroc et imposition à l'IS en Israël, sans imputation de crédit d'impôt. Dans ces conditions, de nombreuses sociétés israéliennes renoncent à répondre à des appels d'offres au Maroc.

Afin d'éviter cet écueil, il serait opportun que les futures dispositions de la convention fiscale prévoient, non seulement l'octroi d'un crédit d'impôt, mais également un taux réduit de RAS pour les profits remontés des succursales, à l'instar de ce qui est généralement prévu pour les dividendes versés aux actionnaires.

Pas de convention fiscale en vigueur avant 2024 ?

La négociation d'une convention fiscale constitue un processus long et fastidieux censé refléter (i) le rapport de force entre les deux Etats et (ii) leur volonté de fluidifier les échanges. Une convention fiscale ne produit aucun effet suite à sa seule signature par les deux pays. Plusieurs étapes sont nécessaires pour garantir son entrée en vigueur.

S'agissant d'un traité international, les deux Etats doivent généralement procéder à la ratification de la convention, suivant la procédure constitutionnelle applicable. Au Maroc, une loi doit être votée par le Parlement avant d'être ratifiée par le Roi. Tant que le traité n'a pas été dûment ratifié par les deux Etats, la convention fiscale n'entre pas en vigueur et les entreprises ne peuvent se prévaloir de ses dispositions.

Si une convention fiscale est signée puis ratifiée par les deux Etats au cours de l'année 2023, elle n'entrera en vigueur que le 1er janvier 2024.

Un accord de libre-échange pour booster les échanges

L'absence d'ALE constitue également un frein important aux échanges commerciaux. L'accord signé en février 2022 ne prévoit une exonération de droits de douane que lors d'importations temporaires, par exemple en matière d'exposition artistique ou pour des échantillons de produits destinés à être présentés lors d'événements commerciaux.

Dès lors que les flux de marchandises entre les deux pays ne bénéficient d'aucune baisse ou exonération des tarifs douaniers, le coût d'importation des marchandises en provenance d'Israël les rendra souvent moins compétitives que celles bénéficiant d'un ALE conclu avec le Maroc (Union Européenne, Turquie, Etats-Unis, etc).

A ce jour, seuls les grands projets de plus de 50 millions de dirhams bénéficient d'une exonération de TVA et des droits de douane lorsque le maître d'ouvrage aura signé une convention d'investissement avec le gouvernement.

A titre de comparaison, les EAU et Israël - ayant établi des relations bilatérales en même temps que le Maroc - ont signé un ALE le 31 mai 2022.


Julien Nouchi est fi
scaliste au sein du cabinet Gide Loyrette Nouel Casablanca et membre de la chambre de commerce Israël-Maroc



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