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Investissements : Equation d’une manne encore sous-exploitée [INTÉGRAL]


Rédigé par Mohammed ARHRIB Samedi 9 Août 2025

Pour encourager la diaspora à investir au Maroc, le gouvernement a, entre autres, simplifié pas moins de 22 procédures administratives permettant de réduire de 45% le nombre de documents exigés aux investisseurs. Ces mesures sont-elles suffisantes pour orienter la manne des MRE vers l’investissement productif ? Éléments de réponse.



Investissements : Equation d’une manne encore sous-exploitée [INTÉGRAL]
Estimés à plus de cinq millions d’individus, les Marocains résidant à l’étranger (MRE) apportent une contribution majeure à l’économie nationale, principalement avec leurs transferts de devises qui ont dépassé en 2024 les 117 milliards de dirhams (MMDH). Un montant supérieur à celui généré par le tourisme, pourtant secteur clé de l’économie du pays. Les MRE constituent ainsi une richesse nationale précieuse, longtemps sous-exploitée dans le processus de développement du Royaume, entraînant un important manque à gagner au niveau des investissements. Conscient de cet enjeu, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a appelé, à l’occasion du discours de la Marche Verte de l’année dernière, à revoir en profondeur les mécanismes d’accompagnement de cette communauté afin de libérer tout le potentiel qu’elle représente, tant en compétences qu’en capital. Cependant, malgré des ambitions affirmées et une volonté politique clairement exprimée, les MRE souhaitant revenir au pays pour entreprendre ou investir se heurtent encore à de nombreux obstacles d’un système rouillé. La méconnaissance du fonctionnement du marché local, tout comme celle de certaines réalités culturelles et administratives, rend souvent leur parcours semé d’embûches. La réussite de l’intégration de la diaspora dans le circuit des investissements passe ainsi par la mise en place d’un mécanisme adapté aux besoins de cette communauté, dont l’essentiel de leurs transferts de fonds est destiné aux familles.
 
Fin de la bureaucratie ?

Pour les inciter à investir au sein de la mère patrie, El Mehdi Ferrouhi, professeur d’économie et de finance à la Faculté d’Economie et de Gestion, Université Ibn Tofail de Kénitra, soulève l’importance d’un cadre légal et des procédures administratives adaptées aux spécificités de nos concitoyens qui, dans la majorité des cas, ne viennent qu’une fois par an au Maroc. A cela s’ajoute « la protection de leurs investissements, leur accompagnement ainsi que la mise en place de financement adéquat à leur besoin », indique l’économiste.Karim Zidan, ministre délégué auprès du Chef du gouvernement, chargé de l’Investissement, de la Convergence et de l’Évaluation des politiques publiques, qui affirme dans ce sens que le gouvernement a simplifié 22 procédures administratives liées à l’investissement. Cette réforme a permis de réduire de 45 % le nombre de documents exigés aux investisseurs, dans l’objectif de renforcer la contribution des Marocains du Monde au développement de l’investissement productif.

Dans sa réponse à une question parlementaire écrite, le ministre a précisé que ces démarches de simplification ont également été accompagnées par une mise en œuvre concrète de la déconcentration administrative. Quinze procédures ont ainsi été déléguées au niveau local afin d’accélérer la prise de décision et de fluidifier le parcours des investisseurs sur le terrain.

Le gouvernement a également lancé une feuille de route stratégique pour la période 2023-2026, visant à améliorer les conditions structurelles de l’investissement et à lever les obstacles entravant son développement. Cette stratégie s’inscrit dans le cadre plus large de l’amélioration du climat des affaires, levier essentiel pour encourager les investissements nationaux, étrangers, et notamment ceux des Marocains résidant à l’étranger (MRE).

Un modus operandi axé sue l’amélioration des conditions structurelles de l’investissement et de l’entrepreneuriat et le renforcement de la compétitivité nationale à travers un meilleur accès au financement, au foncier et aux énergies renouvelables. A cela s’ajoute le développement d’un environnement favorable à l’innovation, sans oublier la promotion de l’éthique, de la transparence et de la prévention de la corruption. Des initiatives louables, mais Rami Bouchaïb, Président du Club des investisseurs marocains de l’étranger (CIME), soulève également la prospection des investissements. Pour le CIME, il faut aller chercher les investissements des MRE et non pas les attendre passivement, notamment à travers la mise en place de caravanes d’appels à l’investissement qui mettraient en avant les potentialités des 12 régions du pays. Ces campagnes de communication pourraient également servir à promouvoir la nouvelle Charte de l’investissement, qui prévoit une batterie de mesures spéciales aux investisseurs étrangers. Le ministère de l’Aménagement du Territoire National, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la Ville a franchi le pas en ce mois d’août en lançant une caravane pour accompagner et rapprocher ses services aux MRE, conformément aux hautes instructions royales. Une initiative, qui devrait néanmoins être généralisée sur tous les secteurs et tous les départements ministériels. La feuille de route comporte 46 initiatives, dont 98 % ont déjà été lancées, avec un taux de réalisation global atteignant 60 % à ce jour.

Par ailleurs, la ministre de tutelle a indiqué que son département, en coordination avec les secteurs concernés, a ouvert un important chantier de simplification et d’amélioration du parcours de l’investisseur, de son début à sa finalisation. Ce chantier vise à rendre les démarches plus fluides et à améliorer la qualité des services fournis aux investisseurs. L’un des objectifs clés est de réduire les points de contact directs entre les investisseurs et l’administration pour l’obtention des autorisations nécessaires. Des travaux sont en cours pour restructurer en profondeur les circuits administratifs concernés.
 
Accompagnement des talents

Pour ce qui est de l’accompagnement des compétences et talents marocains de l’étranger, le ministre rappelle que le gouvernement a mis en place une commission thématique dédiée à la promotion des investissements des MRE. L’idée étant d’élaborer une feuille de route spécifique pour améliorer leur accompagnement à travers tous les acteurs institutionnels, dans l’ensemble des régions et provinces du Royaume.

Dans un autre registre, un effort d’assainissement au niveau de l’administration publique est de mise, selon Rami Bouchaïb. Même son de cloche du côté d’El Mehdi Ferrouhi, économiste, chercheur au sein de l’Université Ibn Tofail, qui affirme que le renforcement du cadre juridique relatif à l’investissement et à la lutte contre la corruption est nécessaire pour inciter à l’investissement. Les incidences de la corruption sur l’investissement ont même été évoquées dans des rapports de Bank Al-Maghrib, qui note que celle-ci est « un fléau qui affaiblit la visibilité pour les opérateurs et les investisseurs ». D’où la nécessité d’un renouveau de la gouvernance publique aussi bien au niveau local que central. 

Mohammed ARHRIB

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Communication : La tutelle cherche plus de proximité 


Pour renforcer l’investissement des MRE, Karim Zidan, ministre délégué auprès du Chef du gouvernement, chargé de l’Investissement, de la Convergence et de l’Évaluation des politiques publiques a indiqué dans sa réponse écrite que le ministère de l’Investissement mène une action continue et réactive en vue de faciliter leurs projets et lever les divers obstacles qu’ils peuvent rencontrer. Parmi les actions entreprises, on note le renforcement de la communication avec les MRE, afin de leur faire connaître les opportunités d’investissement disponibles dans leur pays d’origine, ainsi que les incitations prévues par le nouveau Pacte national pour l’investissement. Le ministère reste ainsi en contact régulier avec des milliers d’investisseurs marocains à l’étranger, dans divers secteurs économiques porteurs.

En outre, Zidan a précisé que le ministère organise, à l’occasion de chaque tournée de promotion à l’étranger, des rencontres spécifiques avec les MRE, et œuvre à renforcer les structures d’accueil, de conseil et de soutien. À cet effet, une cellule dédiée a été créée au sein de l’Agence marocaine de développement des investissements et des exportations (AMDIE) sous l’intitulé « Desk Marocains du Monde ». En parallèle, les centres régionaux d’investissement (CRI) ont été mobilisés en désignant des points de contact dédiés aux Marocains résidant à l’étranger.

Pour accompagner cette dynamique, le ministère travaille actuellement au développement de ses plateformes numériques, afin de mieux répondre aux besoins spécifiques des MRE. Il veille également à la résolution rapide des difficultés entravant la mise en œuvre de leurs projets, en coordination étroite avec les autres ministères concernés.
 

3 questions à Yassine El Yattioui : « Une réforme globale de l’environnement des affaires et une gouvernance unifiée s’imposent »

Yassine El Yattioui, SG et chercheur associé à NejMaroc (Centre Marocain de Recherche sur la Globalisation), Enseignant-chercheur à l’Université Lumière Lyon 2 (France), a répondu à nos questions.
Yassine El Yattioui, SG et chercheur associé à NejMaroc (Centre Marocain de Recherche sur la Globalisation), Enseignant-chercheur à l’Université Lumière Lyon 2 (France), a répondu à nos questions.
  • Malgré les réformes engagées, quels sont les principaux obstacles que rencontrent encore les MRE investisseurs ?

Malgré les réformes engagées, les MRE investisseurs continuent de faire face à de nombreux obstacles freinant leur intégration dans l’économie marocaine. Les lourdeurs administratives, la lenteur des procédures, la fragmentation institutionnelle et le manque de numérisation entravent sérieusement leurs démarches. Le cadre juridique et fiscal, perçu comme instable et opaque, renforce leur insécurité juridique, tandis que l’obtention du quitus fiscal demeure un frein majeur. L’accès au foncier est limité par la rareté des terrains aménagés, les conflits de propriété et les risques de spoliation. Les dispositifs d’accompagnement manquent de coordination et l’absence de guichets transversaux aggrave la complexité du parcours d’investissement. Les offres bancaires restent aussi peu adaptées à leurs besoins, limitant l’accès au crédit. 

Ces difficultés traduisent un écart significatif entre la volonté politique affichée et la réalité de terrain. Une réforme globale de l’environnement des affaires et une gouvernance unifiée s’imposent pour transformer la volonté politique en réalité tangible.
 
  • Les procédures d’octroi de foncier ou de financement sont-elles suffisamment agiles et transparentes pour attirer les porteurs de projets MRE ?

Malgré des réformes annoncées, les procédures d’octroi de foncier et de financement au Maroc restent peu agiles et peu transparentes pour les MRE porteurs de projets. L’accès au foncier est entravé par une complexité administrative liée à la diversité des statuts juridiques des terrains, une coordination défaillante entre les niveaux central et local, et une transparence limitée dans les critères d’attribution. Les CRI, pourtant censés fluidifier les démarches, souffrent d’une efficacité inégale selon les régions. Sur le plan du financement, les dispositifs incitatifs comme “Daam Sakane” manquent de clarté et sont difficilement accessibles. Les banques, quant à elles, restent frileuses à financer les projets des MRE, surtout en l’absence de garanties locales. Le système bancaire peine à proposer des instruments financiers adaptés aux profils transnationaux. La culture du risque est faible et l’ingénierie financière pour les diasporas quasi inexistante. L’absence de stratégie de long terme, le manque de numérisation des procédures, ainsi que le déficit d’accueil culturellement adapté renforcent le sentiment d’exclusion des MRE. L’opacité des décisions, le recours à des intermédiaires et la lenteur administrative freinent l’investissement. Des guichets spécialisés, la transparence des données et une numérisation réelle s’imposent pour restaurer la confiance.
 
  • Quelles garanties le gouvernement peut-il apporter aux MRE pour sécuriser leurs investissements au Maroc à long terme ?

Pour sécuriser les investissements des MRE à long terme, il faut un cadre juridique stable, prévisible et équitable. Cela passe par l’application rigoureuse de la Charte de l’investissement, la mise en place d’un pacte de stabilité fiscale, et la suppression du quitus fiscal, souvent source d’arbitraire. Le gouvernement gagnerait à créer une Autorité nationale dédiée aux MRE investisseurs, dotée de pouvoirs transversaux pour coordonner les dispositifs et garantir un traitement homogène sur l’ensemble du territoire. Le renforcement de la justice économique, via des tribunaux spécialisés et des mécanismes d’arbitrage efficaces, est également crucial, tout comme le développement d’outils d’assurance contre les risques juridiques et économiques. Par ailleurs, une diplomatie économique proactive, des représentations consulaires formées aux enjeux d’investissement, et des mesures de régionalisation avancée permettraient un accompagnement adapté aux réalités locales. L’intégration institutionnelle des MRE dans les instances économiques nationales, ainsi qu’un portail numérique unique, multilingue et actualisé, seraient des leviers puissants pour restaurer la confiance. Il s’agit de construire une relation structurée et durable entre l’État et sa diaspora, fondée sur des garanties concrètes et une gouvernance modernisée. 

Communication : La tutelle cherche plus de proximité

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