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Interview avec le Marocain qui a décroché un « Oscar de la pensée managériale »

Entretien avec Hamid Bouchikhi, expert en entrepreneuriat et innovation managériale


Rédigé par Safaa KSAANI Mercredi 27 Janvier 2021

Le Marocain Hamid Bouchikhi réussit à imposer son style, dans un domaine en pleine
effervescence. Le classement annuel publié par “Thinkers50” le confirme.



Hamid Bouchikhi
Hamid Bouchikhi
-Vous venez d’être sélectionné parmi les 30 chercheurs les plus éminents dans le domaine de la gestion, l’entrepreneuriat et la pensée managériale, par le site Thinkers50 dans son classement annuel. Quelles sont les qualités nécessaires d’un bon manager ? 
- Un chercheur, en management ou dans d’autres domaines, doit être curieux, humble et patient. Je mets la curiosité en premier car c’est elle qui attire l’attention sur des phénomènes et qui fait poser des questions. L’humilité est indispensable car l’objet de recherche en gestion, à savoir les organisations humaines, résiste toujours aux schémas explicatifs produits par le chercheur. Si l’objet ne suffit pas à rendre le chercheur humble, ses pairs s’en chargent dans le processus de publication et lui infligent des rejets ou de multiples révisions de manuscrits. Enfin, le chercheur doit être patient. La publication d’une recherche scientifique est un parcours du combattant qui peut durer deux, voire trois ans. La reconnaissance des pairs et du public, quant à elle, peut prendre plusieurs années, voire des décennies, ou ne jamais advenir. 

- Comment comptez-vous impacter l’évolution de la théorie du management ?
- Je préfère le verbe contribuer, moins prétentieux. La recherche en management se trouve aujourd’hui dans un état assez paradoxal. D’une part, elle a conquis le statut de discipline scientifique à part entière, presque au même titre que les autres sciences sociales comme la sociologie, l’économie ou la psychologie dont elle s’est d’ailleurs beaucoup nourrie. On n’en compte pas le nombre de revues. Les jeunes chercheurs en gestion jonglent avec des méthodes de recherche et des modèles formels de plus en plus sophistiqués. Mais, la constitution de la recherche en gestion en champ scientifique s’est faite dans un mouvement qui l’a éloignée de la réalité de son objet de recherche. Je contribue à rapprocher la recherche en gestion de son objet et fait partie d’une minorité de chercheurs qui croient, encore, dans les vertus de l’engagement avec la réalité des organisations et veulent redonner ses lettres de noblesse à la recherche action, ou recherche clinique, qui a été éclipsée par l’académisme croissant de la recherche en gestion.

- Comment avez-vous pu acquérir les bonnes idées et les bons réflexes en termes de management ?
- Ma formation intellectuelle doit beaucoup au Centre de Recherche en Gestion (CRG) de l’Ecole Polytechnique qui fut mon laboratoire d’accueil pour la préparation de mon doctorat. Le CRG pratiquait la recherche-action. Les projets de recherche devaient être ancrés dans un terrain. Le chercheur devait mettre en dialogue des phénomènes et des concepts et renvoyer aux acteurs une lecture nouvelle et différente de leurs vécu et pratiques. Toutes les recherches que j’ai menées, dont plusieurs en collaboration avec mon collègue et ami John Kimberly, professeur émérite à la Wharton School, sont ancrées dans un terrain et proposent une conceptualisation de phénomènes observés.

- Vous êtes depuis 2019 doyen de Solbridge International School of Business basée à Daejeon. En quoi le modèle de la Corée du Sud vous inspire-t-il ?
- Pour le moment, je découvre la Corée et ses pratiques de management, plus diverses que ce qu’on pense de loin. Je pratique, comme on dit, de l’observation participante en tant que dirigeant d’une organisation coréenne, posture et privilège très rares. Je rendrai compte de cette expérience à la fin de mon séjour au “pays du matin calme”, qui est tout sauf calme tant il déborde d’énergie et d’activité. La Corée est une société paradoxale, comme d’autres, avec ses forces et ses zones obscures. A ce stade de mon expérience, je suis impressionné par le volontarisme, le pragmatisme et la discipline. Je suis plus réservé sur d’autres aspects de l’organisation sociale et du management. Il y aura un temps pour s’en rendre compte.

- Que proposez-vous pour réconcilier les Marocains avec le management ?
- Je ne savais pas que les Marocains étaient fâchés avec le management. Boutade à part, les organisations marocaines, publiques et privées, gagneraient beaucoup à reconnaître que le management est une profession, à part entière, qui requiert des compétences particulières pour construire et développer des organisations humaines performantes. Il faut aussi rompre avec une culture qui considère l’accès à des rôles de management comme un privilège qui se mesure au salaire, à la prime, à la voiture de fonction, à la surface du bureau, etc. Le management est une lourde responsabilité qui pèse sur les épaules du dirigeant et un pouvoir de faire, non pas un pouvoir sur les autres.
 
Recueillis par Safaa KSAANI 

Portrait

L’un des plus éminents théoriciens du management 
Hamid Bouchikhi, qui fut fondateur et directeur du centre d’entrepreneuriat de l’ESSEC Business School, en France, est considéré par ce classement comme l’un des chercheurs qui auront un impact sur l’évolution de la théorie du management par leurs idées et leurs travaux de recherches. Il a été sélectionné grâce à ses travaux portant sur la théorie organisationnelle, l’esprit d’entreprise et l’innovation managériale, travaux qui ont fait l’objet d’un ouvrage intitulé « L’âme de l’entreprise: comment gérer l’identité de votre société », signé en commun avec le chercheur américain John Robert Kimberly. H. Bouchikhi a réussi à démontrer comment comprendre l’identité d’une entreprise, et a mis en avant les différentes stratégies de prise de décision et d’exploitation faisant en sorte de garantir un succès de son activité à long terme.

Rappelons que le chercheur marocain est né en 1959 à Aïn Sfa près de la ville d’Oujda. Il a fait ses études à l’ISCAE et a passé son service civil au ministère d’État chargé de la Coopération. Il a ensuite obtenu son doctorat en sciences de gestion à l’École polytechnique en France, avant d’obtenir le titre de docteur de l’université Paris Dauphine. Actuellement, il fait office de doyen de « Solbridge International School of Business », basée à Daejeon en Corée du Sud.

Grâce à son statut et à son parcours méritoire, il fut nommé en 2019 membre de la Commission spéciale sur le nouveau modèle de développement, dont le rapport sera présenté à SM le Roi Mohammed VI cette année.
A. M

Repères

Bouchikhi classé parmi les théoriciens du management les plus influents
Dans son classement annuel « Thinkers-radars 2021 », le site Thinkers50 a sélectionné le chercheur marocain Hamid Bouchikhi, expert en entrepreneuriat et innovation managériale, et membre de la commission spéciale sur le nouveau modèle de développement (CSMD), comme l’un des théoriciens du management et d’entrepreneuriat les plus éminents.
GEM 2020 : le Maroc gagne 13 places dans le classement
Le Maroc a gagné 13 places dans le classement du rapport mondial 2019/2020 du Global Entrepreneurship Monitor (GEM) présenté à Miami le 3 mars dernier. L’étude révèle une forte accélération de la dynamique entrepreneuriale passant de 6,7% à 11,4%. Le pays améliore ainsi de manière significative son classement à l‘échelle internationale (24ème/50 pays) et continue à présenter des indicateurs assez élevés en matière de culture entrepreneuriale bien que 27% seulement de la population adulte active (18-64 ans) estime qu’il est facile de créer une entreprise au Maroc.
La transformation digitale est tributaire de la volonté des managers
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