- À l'aube de la CAN, et avec les perspectives du Mondial 2030, comment décririez-vous l'état actuel du football marocain ?
- Le football marocain s’inscrit aujourd’hui dans une dynamique ascendante qui dépasse la seule sphère sportive pour toucher aux champs géopolitique et diplomatique. Le Maroc se positionne progressivement comme un hub majeur, à la croisée des mondes africain, méditerranéen et arabe, et ambitionne de devenir une plateforme incontournable du football mondial, tant sur le plan événementiel qu’institutionnel, infrastructurel et sportif.
Cette trajectoire contribue à renforcer l’image d’un État doté d’une continuité historique de plus de douze siècles, désormais co-organisateur d’un événement planétaire d’une portée exceptionnelle, celui du centenaire de la Coupe du Monde. Le projet des Grands Stades témoigne de cette ambition. Dans leur grande majorité, les infrastructures respectent, voire dépassent, les standards requis par la FIFA, avec des performances notables en matière d’hébergement, de transport, de festivals des supporters et de dispositifs commerciaux. Certaines villes, à l’instar de Tanger ou Fès, nécessitent néanmoins des ajustements afin de consolider cette excellence.
L’étape décisive demeure la construction du Grand Stade Hassan II de Benslimane, appelé à devenir la plus vaste enceinte de la compétition, la plus importante du Royaume et l'une des plus grandes enceintes sportives au monde. Un symbole de l’ancrage durable du Maroc dans la cartographie du football mondial.
- Comment l'organisation de la CAN 2025 peut-elle servir de laboratoire et de répétition pour le Maroc, non seulement en termes de performance sportive, mais aussi logistique et d'infrastructure, en vue du Mondial 2030 ?
- La CAN 2025 constitue une opportunité unique de tester en conditions réelles les capacités organisationnelles du Royaume. Cet événement régional se présente comme un laboratoire grandeur nature permettant de réaliser une analyse SWOT complète afin d’identifier les forces, les faiblesses, les opportunités et les menaces qui se présenteront lors du Mondial 2030. Au-delà de la dimension sportive, l’enjeu réside dans la mise à l’épreuve de l’appareil logistique, de la gestion des flux humains et de l’efficacité des infrastructures.
Toutefois, un point crucial demeure insuffisamment exploité : la mobilisation du capital humain, notamment de la jeunesse. L’organisation de la CAN aurait pu s’appuyer davantage sur un dispositif structuré de volontariat, associant jeunes Marocains nationaux et membres de la diaspora, sous l’égide des représentations consulaires.
Un tel schéma aurait renforcé le sentiment d’appartenance et élargi l’impact social de l’événement. Pour le Mondial 2030, il sera essentiel de corriger cette lacune afin de maximiser l’effet mobilisateur et patriotique de la jeunesse, tout en consolidant un capital organisationnel durable.
- Le football marocain est un pilier de la diplomatie sportive du Royaume. À quel point les succès récents ont-ils concrètement renforcé l'influence du Maroc sur la scène sportive africaine et mondiale ?
- Le Maroc a su inscrire le football au cœur de sa diplomatie sportive, mobilisant ce levier comme instrument d’influence et de rayonnement. Le Royaume met en avant une identité culturelle plurielle : africaine, berbère, arabe, méditerranéenne et andalouse qui confère à sa diplomatie une singularité et une légitimité régionales et globales.
Cette diversité culturelle s’accompagne d’un renforcement institutionnel : Rabat a désormais un bureau de la FIFA depuis quelques semaines, Marrakech abrite un siège de la Confédération Africaine de Football, et l’Université Mohammed VI Polytechnique devient l’hôte d'événements internationaux majeurs comme le World Football Summit, confirmant la montée en puissance du Maroc dans l’architecture mondiale du football.
Sur le plan continental, le Maroc incarne un modèle de coopération « gagnant-gagnant », notamment à travers la signature de plus de quarante accords de partenariat avec d’autres fédérations africaines depuis 2014, sous l’impulsion de la présidence de Fouzi Lekjaa. Ce réseau témoigne d’une volonté d’aller au-delà des intérêts nationaux pour promouvoir une dynamique collective. La future coopération marocaine à l’organisation des Jeux Olympiques de la Jeunesse 2026 à Dakar illustre cette approche win-win, positionnant le Royaume comme porte-étendard du potentiel africain.
- Au-delà des stades, quels sont les investissements intangibles cruciaux qui doivent être consolidés maintenant pour garantir un héritage durable après 2030 ?
- La réussite du Mondial 2030 ne pourra être pérenne que si elle repose sur des investissements intangibles structurants. En premier lieu, l’hébergement et la diversification de l’offre hôtelière doivent être renforcés, en particulier dans des pôles encore en deçà de leur potentiel, tels que Tanger ou Fès. Ensuite, la question des transports constitue un chantier prioritaire. Le Maroc doit dépasser la prédominance du modèle des taxis agréés pour favoriser une libéralisation encadrée, protégeant les usagers tout en permettant l’émergence de nouveaux acteurs, tels que : des plateformes nationales inspirées d’Uber, susceptibles de générer des emplois pour la jeunesse diplômée et de stimuler l’ingénierie numérique.
Parallèlement, les transports en commun doivent être modernisés, notamment à Tanger, Fès et Casablanca, avec des solutions innovantes comme le téléphérique ou le métro, afin de réduire les embouteillages chroniques et d’inscrire ces infrastructures dans une logique de développement durable. L’héritage du Mondial doit également inclure une structuration solide de l’économie du sport, encore marginale dans le PIB marocain. La valorisation des compétences formées dans les instituts des sciences du sport est cruciale pour transformer ce secteur en moteur de croissance et de diversification économique.
- Quel est l'impact économique direct et indirect attendu de la CAN 2025 sur des secteurs connexes comme le tourisme, l'hôtellerie et le BTP, en particulier dans les villes hôtes ?
- L’impact économique de la CAN 2025 s’annonce considérable, tant sur le plan direct qu’indirect. Selon les estimations de la CGEM, les investissements publics d’ici 2030 atteindront 1.000 milliards de dirhams, soit l’équivalent du PIB annuel du Royaume. Ces investissements visent une modernisation multidimensionnelle : infrastructures ferroviaires, autoroutières, portuaires, aéroportuaires, couverture 5G et équipements sportifs. Ils doivent également stimuler l’innovation, en mobilisant entreprises locales et startups, afin de digitaliser les services et d’optimiser l’expérience des spectateurs.
Le secteur touristique constitue un levier central de cette stratégie. En 2024, le Maroc a atteint un record continental avec 17,4 millions de visiteurs. Pour capitaliser sur cette dynamique, le gouvernement investit 8 milliards de dirhams dans la modernisation et la diversification de l’offre, avec l’objectif de décentraliser le tourisme et de valoriser les potentialités du monde rural.
Cette redistribution spatiale des flux touristiques permettra d’augmenter le panier moyen, encore insuffisant (environ 5.500 dirhams par touriste), et de repositionner le secteur comme moteur durable de développement. La CAN servira ainsi de catalyseur pour renforcer le maillage territorial, diversifier les retombées économiques et consolider la compétitivité du Maroc sur le marché international.
- Vous évoquez souvent le sport comme un levier stratégique de développement. De quelle manière concrète les succès du football marocain servent-ils de "Nation Branding" pour attirer de nouveaux investissements étrangers non sportifs dans le Royaume ?
- Le football, au-delà de son caractère compétitif, constitue un outil puissant de nation branding et de diplomatie économique. L’organisation du Mondial du centenaire offre au Maroc une vitrine unique pour affirmer sa singularité civilisationnelle, marquée par une continuité étatique pluriséculaire et une stabilité politique incarnée par une monarchie disposant d’une vision stratégique proactive.
Le Royaume devient le deuxième pays africain à accueillir la Coupe du Monde et le premier à organiser, conjointement avec l’Espagne et le Portugal, un Mondial transcontinental. Cette singularité confère une visibilité accrue au Maroc, non seulement sur le plan sportif, mais aussi en tant que destination privilégiée pour les investissements étrangers directs.
La jeunesse marocaine, représentant près de la moitié de la population et disposant de compétences linguistiques diversifiées (arabe, français, anglais, espagnol), constitue un atout stratégique pour attirer des capitaux multisectoriels. Les succès du football viennent ainsi légitimer le Maroc comme un acteur fiable et attractif, transformant l’image sportive en levier d’opportunités économiques globales.
- Le football marocain s’inscrit aujourd’hui dans une dynamique ascendante qui dépasse la seule sphère sportive pour toucher aux champs géopolitique et diplomatique. Le Maroc se positionne progressivement comme un hub majeur, à la croisée des mondes africain, méditerranéen et arabe, et ambitionne de devenir une plateforme incontournable du football mondial, tant sur le plan événementiel qu’institutionnel, infrastructurel et sportif.
Cette trajectoire contribue à renforcer l’image d’un État doté d’une continuité historique de plus de douze siècles, désormais co-organisateur d’un événement planétaire d’une portée exceptionnelle, celui du centenaire de la Coupe du Monde. Le projet des Grands Stades témoigne de cette ambition. Dans leur grande majorité, les infrastructures respectent, voire dépassent, les standards requis par la FIFA, avec des performances notables en matière d’hébergement, de transport, de festivals des supporters et de dispositifs commerciaux. Certaines villes, à l’instar de Tanger ou Fès, nécessitent néanmoins des ajustements afin de consolider cette excellence.
L’étape décisive demeure la construction du Grand Stade Hassan II de Benslimane, appelé à devenir la plus vaste enceinte de la compétition, la plus importante du Royaume et l'une des plus grandes enceintes sportives au monde. Un symbole de l’ancrage durable du Maroc dans la cartographie du football mondial.
- Comment l'organisation de la CAN 2025 peut-elle servir de laboratoire et de répétition pour le Maroc, non seulement en termes de performance sportive, mais aussi logistique et d'infrastructure, en vue du Mondial 2030 ?
- La CAN 2025 constitue une opportunité unique de tester en conditions réelles les capacités organisationnelles du Royaume. Cet événement régional se présente comme un laboratoire grandeur nature permettant de réaliser une analyse SWOT complète afin d’identifier les forces, les faiblesses, les opportunités et les menaces qui se présenteront lors du Mondial 2030. Au-delà de la dimension sportive, l’enjeu réside dans la mise à l’épreuve de l’appareil logistique, de la gestion des flux humains et de l’efficacité des infrastructures.
Toutefois, un point crucial demeure insuffisamment exploité : la mobilisation du capital humain, notamment de la jeunesse. L’organisation de la CAN aurait pu s’appuyer davantage sur un dispositif structuré de volontariat, associant jeunes Marocains nationaux et membres de la diaspora, sous l’égide des représentations consulaires.
Un tel schéma aurait renforcé le sentiment d’appartenance et élargi l’impact social de l’événement. Pour le Mondial 2030, il sera essentiel de corriger cette lacune afin de maximiser l’effet mobilisateur et patriotique de la jeunesse, tout en consolidant un capital organisationnel durable.
- Le football marocain est un pilier de la diplomatie sportive du Royaume. À quel point les succès récents ont-ils concrètement renforcé l'influence du Maroc sur la scène sportive africaine et mondiale ?
- Le Maroc a su inscrire le football au cœur de sa diplomatie sportive, mobilisant ce levier comme instrument d’influence et de rayonnement. Le Royaume met en avant une identité culturelle plurielle : africaine, berbère, arabe, méditerranéenne et andalouse qui confère à sa diplomatie une singularité et une légitimité régionales et globales.
Cette diversité culturelle s’accompagne d’un renforcement institutionnel : Rabat a désormais un bureau de la FIFA depuis quelques semaines, Marrakech abrite un siège de la Confédération Africaine de Football, et l’Université Mohammed VI Polytechnique devient l’hôte d'événements internationaux majeurs comme le World Football Summit, confirmant la montée en puissance du Maroc dans l’architecture mondiale du football.
Sur le plan continental, le Maroc incarne un modèle de coopération « gagnant-gagnant », notamment à travers la signature de plus de quarante accords de partenariat avec d’autres fédérations africaines depuis 2014, sous l’impulsion de la présidence de Fouzi Lekjaa. Ce réseau témoigne d’une volonté d’aller au-delà des intérêts nationaux pour promouvoir une dynamique collective. La future coopération marocaine à l’organisation des Jeux Olympiques de la Jeunesse 2026 à Dakar illustre cette approche win-win, positionnant le Royaume comme porte-étendard du potentiel africain.
- Au-delà des stades, quels sont les investissements intangibles cruciaux qui doivent être consolidés maintenant pour garantir un héritage durable après 2030 ?
- La réussite du Mondial 2030 ne pourra être pérenne que si elle repose sur des investissements intangibles structurants. En premier lieu, l’hébergement et la diversification de l’offre hôtelière doivent être renforcés, en particulier dans des pôles encore en deçà de leur potentiel, tels que Tanger ou Fès. Ensuite, la question des transports constitue un chantier prioritaire. Le Maroc doit dépasser la prédominance du modèle des taxis agréés pour favoriser une libéralisation encadrée, protégeant les usagers tout en permettant l’émergence de nouveaux acteurs, tels que : des plateformes nationales inspirées d’Uber, susceptibles de générer des emplois pour la jeunesse diplômée et de stimuler l’ingénierie numérique.
Parallèlement, les transports en commun doivent être modernisés, notamment à Tanger, Fès et Casablanca, avec des solutions innovantes comme le téléphérique ou le métro, afin de réduire les embouteillages chroniques et d’inscrire ces infrastructures dans une logique de développement durable. L’héritage du Mondial doit également inclure une structuration solide de l’économie du sport, encore marginale dans le PIB marocain. La valorisation des compétences formées dans les instituts des sciences du sport est cruciale pour transformer ce secteur en moteur de croissance et de diversification économique.
- Quel est l'impact économique direct et indirect attendu de la CAN 2025 sur des secteurs connexes comme le tourisme, l'hôtellerie et le BTP, en particulier dans les villes hôtes ?
- L’impact économique de la CAN 2025 s’annonce considérable, tant sur le plan direct qu’indirect. Selon les estimations de la CGEM, les investissements publics d’ici 2030 atteindront 1.000 milliards de dirhams, soit l’équivalent du PIB annuel du Royaume. Ces investissements visent une modernisation multidimensionnelle : infrastructures ferroviaires, autoroutières, portuaires, aéroportuaires, couverture 5G et équipements sportifs. Ils doivent également stimuler l’innovation, en mobilisant entreprises locales et startups, afin de digitaliser les services et d’optimiser l’expérience des spectateurs.
Le secteur touristique constitue un levier central de cette stratégie. En 2024, le Maroc a atteint un record continental avec 17,4 millions de visiteurs. Pour capitaliser sur cette dynamique, le gouvernement investit 8 milliards de dirhams dans la modernisation et la diversification de l’offre, avec l’objectif de décentraliser le tourisme et de valoriser les potentialités du monde rural.
Cette redistribution spatiale des flux touristiques permettra d’augmenter le panier moyen, encore insuffisant (environ 5.500 dirhams par touriste), et de repositionner le secteur comme moteur durable de développement. La CAN servira ainsi de catalyseur pour renforcer le maillage territorial, diversifier les retombées économiques et consolider la compétitivité du Maroc sur le marché international.
- Vous évoquez souvent le sport comme un levier stratégique de développement. De quelle manière concrète les succès du football marocain servent-ils de "Nation Branding" pour attirer de nouveaux investissements étrangers non sportifs dans le Royaume ?
- Le football, au-delà de son caractère compétitif, constitue un outil puissant de nation branding et de diplomatie économique. L’organisation du Mondial du centenaire offre au Maroc une vitrine unique pour affirmer sa singularité civilisationnelle, marquée par une continuité étatique pluriséculaire et une stabilité politique incarnée par une monarchie disposant d’une vision stratégique proactive.
Le Royaume devient le deuxième pays africain à accueillir la Coupe du Monde et le premier à organiser, conjointement avec l’Espagne et le Portugal, un Mondial transcontinental. Cette singularité confère une visibilité accrue au Maroc, non seulement sur le plan sportif, mais aussi en tant que destination privilégiée pour les investissements étrangers directs.
La jeunesse marocaine, représentant près de la moitié de la population et disposant de compétences linguistiques diversifiées (arabe, français, anglais, espagnol), constitue un atout stratégique pour attirer des capitaux multisectoriels. Les succès du football viennent ainsi légitimer le Maroc comme un acteur fiable et attractif, transformant l’image sportive en levier d’opportunités économiques globales.