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Interview avec Nasser Abdessamad : “La presse traditionnelle n’a pas encore perdu la bataille face aux médias alternatifs ”


Rédigé par Anass MACHLOUKH Lundi 23 Juin 2025

Ancienne vedette d’Al-Jazeera, Nasser Abdessamad a définitivement tourné la page de son divorce avec la chaîne qatarie. Il porte un regard critique sur la scène médiatique nationale qui a besoin, selon lui, de renaissance face à l’essor des médias alternatifs. Entretien.



Nasser Abdessamad, ancien journaliste vedette d’Al-Jazeera.
Nasser Abdessamad, ancien journaliste vedette d’Al-Jazeera.
 

-Après votre départ d’Al-Jazeera, comptez-vous mener une nouvelle aventure médiatique au Maroc, surtout qu’on vous attribue une volonté de créer votre propre chaîne ?

 

Comme vous le savez, je suis revenu à la mère patrie après une longue carrière à l’étranger. Les circonstances de mon retour furent compliquées. Ce ne fut pas simplement un changement géographique ou professionnel, mais une véritable occasion pour méditer mon avenir et ma vie personnelle et familiale. C’est extrêmement ardu de devoir tout repenser et de planifier son avenir après avoir voué une bonne partie de sa carrière à une chaîne de télévision. Pour ce qui est de mes projets futurs, je vous avoue que je demeure confronté à plusieurs pressions de la part de mon entourage, y compris mes amis, mes confrères journalistes, sur ma prochaine destination professionnelle. Je me retrouve pris dans un tourbillon de spéculations alors que je m’évertue à me concentrer sur ma vie personnelle et familiale. Tous les ragots me concernant qui ont circulé sont de la pure imagination.

Pour l’instant, je préfère rester à l’écart du paysage médiatique et ne rien annoncer tant que je ne suis pas pleinement prêt pour reprendre une nouvelle aventure. Maintenant, il m’est plus prioritaire de me consacrer à moi-même, à ma famille et à mes proches. Toute décision nécessite beaucoup de réflexion. J'envisagerai de reprendre ma carrière journalistique sous quelque forme que ce soit quand les conditions seront réunies. Le moment venu, je n’hésiterai pas à l’annoncer.

 

Tous les ragots me concernant qui ont circulé sont de la pure imagination.

 

Entre-temps, j’ai besoin de comprendre pleinement la réalité du paysage médiatique marocain, tel qu’il est aujourd'hui et en saisir les défis et les opportunités après plus d’un quart de siècle d’absence. Vous n’êtes pas sans savoir que le journalisme au Maroc aujourd’hui est très différent aujourd’hui de ce qu’il était avant mon départ en mai 1997.

 

-Comment trouvez-vous le paysage médiatique marocain aujourd’hui ?

 

Personnellement, je trouve que la presse nationale a subi des régressions regrettables. Le journalisme marocain a besoin de restructuration pour le purger des nombreux instrus qui l’ont infiltré pendant des années. C’est ce qui explique en grande partie le recul qu’ont subi les médias traditionnels, notamment la presse écrite. Le paysage médiatique actuel est truffé de nouvelles plateformes indigentes avec un contenu prosaïque, ce qui porte visiblement atteinte à la qualité de l’information. J’en parle souvent avec nos confrères qui partagent ce constat amer. Je ressens leur amertume et leur inquiétude face à l’état actuel du journalisme, dominé par ces plateformes prétendument journalistiques qui transgressent toutes les règles déontologiques. Aujourd’hui, il y a un vide qui a renforcé le poids des réseaux sociaux en tant que source de l’information et un des relais de l’opinion publique. Les médias officiels ont stagné et n’ont pas pu s’adapter aux évolutions du paysage audiovisuel malgré des changements de façade.

Le paysage médiatique actuel est truffé de nouvelles plateformes indigentes avec un contenu prosaïque

 

Toutefois, je reste personnellement optimiste vu que le changement est inévitable. Le Maroc se prépare à accueillir de grands événements internationaux, notamment la Coupe du Monde 2030, et connaît des mutations politiques et économiques qui en feront un pays influent et acteur régional de premier plan. Cela nous oblige à honorer notre rendez-vous avec l’Histoire. La presse nationale n’a d’autre choix que d’être à la hauteur des défis, ô combien nombreux.

 

-Vous semblez très pessimiste. Pensez-vous que les médias nationaux sont capables de se réinventer ?

 

Heureusement, la scène médiatique regorge de talents et de journalistes intègres fidèles à leurs principes et qui ne font pas leur métier par passion. Ils tiennent bon malgré les contraintes. Ils méritent qu’on redonne justice au journalisme marocain avec une nouvelle vision après tant d’années d’incurie et de déclin. Les citoyens aspirent aussi à une presse nationale de nouvelle génération, capable de défendre pleinement l’image du Maroc sur la scène internationale au moment où le conflit du Sahara s’achemine vers un règlement définitif. Quant au citoyen, il aspire à une nouvelle phase, à des mesures sérieuses qui propulsent les médias marocains à un niveau digne du Maroc, de son développement, de la dynamique de sa société et de ses politiques.

 

-Les médias traditionnels ont-ils les moyens de faire face à la concurrence des réseaux sociaux ?

 

J’en suis convaincu. La presse nationale est capable de s’adapter et coexister avec les médias alternatifs. Encore faut-il revoir entièrement notre conception des médias et de leur rôle. Il faut reconnaître que les médias traditionnels peinent à rivaliser avec les réseaux sociaux qui sont aujourd’hui une des principales sources d’information, surtout pour les jeunes. Ils sont nombreux à s’informer uniquement via des applications comme TikTok, Instagram, Facebook ou Snapchat.

 

Pour leur part, les médias traditionnels manquent de nombreux atouts. Il ne suffit plus de se contenter de diffuser et transmettre l’information, aussi exclusive soit-elle. Il faut aller plus vers l'interprétation, l'analyse et le débat de l'actualité. Car les médias alternatifs rapportent déjà les faits. Il incombe aux médias professionnels de les vérifier et les décortiquer pour démêler le vrai du faux et donner un sens à l’actualité sans céder à la quête du buzz pour des contraintes d’audience. Cependant, les médias traditionnels n’ont pas perdu la bataille, de même que les médias alternatifs ne l’ont pas gagnée. La presse traditionnelle a encore un public à gagner pourvu qu’elle progresse et change de paradigme pour rester une source indispensable de l’information crédible. Sinon, tout échec laisserait le champ libre à des plateformes moins professionnelles mais plus influentes. Cela signifierait évidemment un désordre médiatique incommensurable.

 

Les médias traditionnels manquent de nombreux atouts. Il ne suffit plus de se contenter de diffuser et transmettre l’information, aussi exclusive soit-elle. Il faut aller plus vers l'interprétation, l'analyse et le débat de l'actualité.


-La presse nationale demeure un acteur majeur et indispensable pour défendre les causes nationales, notamment celle du Sahara face aux campagnes hostiles et la désinformation permanente. Pensez-vous qu’elle joue pleinement son rôle ?

 

Soyons objectifs et réalistes. Certes, les médias nationaux essaient tant bien que mal de défendre l'intégrité territoriale du Royaume face aux campagnes étrangères, mais leur discours manque d’audace dans la batailles des narratifs. On se contente de réagir dans un contexte marqué par l’intensification des campagnes hostiles. Il est temps de passer plus à l’offensive et à l'initiative volontariste. Je pense qu’on manque d’une stratégie médiatique nationale intégrée pour que la presse nationale soit un renfort à la diplomatie marocaine en ce qui concerne la question du Sahara.
 

On se contente de réagir dans un contexte marqué par l’intensification des campagnes hostiles.
 

Nos adversaires consacrent d’énormes budgets pour leur propagande anti-marocaine. Nous ne triompherons d’eux si nous n'investissons pas dans un contenu médiatique destiné à l’international, Entre temps, il est essentiel de contrer les rhétoriques hostiles à notre intégrité territoriale et les campagnes mensongères avec un discours documenté et des analyses approfondies. La cause nationale est si légitime qu’il existe différents instruments pour la défendre. Pourvu que nos médias prennent davantage d'initiatives pour lutter contre les fake news relayées en permanence par nos adversaires.

 








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