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Interview avec Mohammed Mehdi Salmouni Zerhouni: “Le projet de loi n°95/17 me semble être contraire à la Constitution”


Rédigé par Safaa KSAANI Dimanche 11 Avril 2021

Maître Mohammed Mehdi Salmouni Zerhouni, Conseiller en Propriété Industrielle agréé près de l’OMPIC, fustige le Parlement qui, selon lui, est incompétent pour voter le projet de loi N°95/17 sur l’arbitrage”



Interview avec Mohammed Mehdi Salmouni Zerhouni: “Le projet de loi n°95/17 me semble être contraire à la Constitution”

L'Opinion: Que pensez-vous du projet de loi n° 95-17 relatif à l’arbitrage et la médiation conventionnelle au Maroc, modifiant et complétant la loi n° 08/05, régissant actuellement l’arbitrage, adopté le 5 mars dernier par le Conseil de gouvernement ?


Ce projet sur l’arbitrage au Maroc est excellent. Il répond aux attentes des investisseurs nationaux et étrangers lassés par la lenteur des procédures judiciaires et administratives. Or, le commerce national et international exige une rapidité dans le traitement des affaires, contentieuses. Je ne vais pas aborder les différents volets du projet de loi 95/17 qui est soumis à l’heure actuelle au Parlement marocain. Toutefois, ce projet de la loi n°95/17 me semble être contraire à la
Constitution.

L'Opinion: Ce projet de la loi n° 95/17 violerait-il la Constitution du Royaume ?


- L’article 71 de la Constitution de 2011 détermine avec précision le domaine de la loi c’est-à-dire du Parlement. En lisant cet article, vous allez vous rendre compte que l’arbitrage n’y figure pas. Par contre, sont du domaine du parlement l’organisation judiciaire, la création de nouvelles catégories de juridictions, la procédure civile et la procédure pénale. En droit comparé, on constate que l’article 34 de la constitution française n’inclut pas l’arbitrage dans la compétence de la loi. L’arbitrage en France est régi par le décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011 portant réforme de l’arbitrage, ce qui prouve que l’arbitrage relève du pouvoir réglementaire. L’article 72 de notre nouvelle constitution dispose que "Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi appartiennent au domaine réglementaire". La même disposition existe dans la constitution française et notamment l’article 37 qui précise que "Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire".

L'Opinion: Si j’ai bien compris le Parlement est incompétent pour voter ce projet de loi N°95/17 sur l’arbitrage.


- En effet, ce texte aurait dû être un projet de décret soumis au Chef du Gouvernement et non un projet de loi soumis au Parlement.

L'Opinion: Cette situation va-t-elle créer un contentieux important sur la constitutionnalité de la loi n° 95/17 ?


- Bien sûr, le Gouvernement a deux solutions : soit il retire le projet de loi n° 95/17 et le soumet au Chef du Gouvernement, soit il laisse voter ce projet et dans ce cas faire application de l’article 73 de la constitution qui prévoit que les textes pris sous forme législative peuvent être modifiés par décret après avis conforme de la Cour Constitutionnelle, lorsqu’ils seront intervenus dans un domaine dévolu à l’exercice du pouvoir réglementaire. Il appartient aux initiateurs de ce projet de trouver une solution rapidement pour rassurer les opérateurs économiques et les investisseurs étrangers.

L'Opinion: Que pensez-vous de la lettre de Monsieur le Wali, Directeur Général des collectivités territoriales du 25 mars dernier optant pour l’arbitrage ?


- Cette lettre appelle de ma part deux remarques. Premièrement, Monsieur le Directeur Général et Wali a raison d’inciter les collectivités territoriales et les institutions rattachées à elles à faire appel à l’arbitrage. La loi 08/05 actuellement en vigueur permet de soumettre à l’arbitrage des contestations pécuniaires résultant d’une relation avec l’Etat et les collectivités locales. Par contre, sont exclus de l’arbitrage, les actes unilatéraux de l’Etat, les collectivités locales ou autres organismes dotés de prérogatives de puissance publique. Le recours à l’arbitrage va soulager les juridictions judiciaires et administratives d’une
partie du contentieux qui sera soumis à des arbitres compétents. Deuxièmement, Monsieur le Directeur Général et Wali coiffant les collectivités territoriales a également raison de les inciter à faire appel au Centre International de Médiation et d’Arbitrage de Casablanca. Le CIMAC a été créé en 2016 pour devenir un centre à vocation nationale,
internationale, africaine et maghrébine en matière d’arbitrage. Le problème qui va se poser est le manque de spécialistes. Nous avons au Maroc plusieurs centres prestigieux d’arbitrage, mais ce qui manque :
ce sont des arbitres maîtrisant les langues telles que le français, l’anglais, le russe, le chinois ou le japonais par exemple; ce sont des spécialistes en propriété industrielle, en droit maritime, en droit aérien, en droit nucléaire, en droit des obtentions végétale par exemple ;
Ce sont des juristes maîtrisant le droit africain, le droit chinois, le droit allemand, le droit européen, le droit français, le droit américain, le droit canadien. A l’heure actuelle, à travers le monde il existe la Cour d’arbitrage de la CCI de Paris France dont le comité marocain avec son siège à Casablanca, est très actif au Maroc capable de rassembler de
nombreuses compétences internationales et nationales. Le Centre International d’Arbitrage et de Médiation de Casablanca est un centre qui jouera un rôle important en arbitrage et le ministère de l'Intérieur est libre de le choisir pour régler les contentieux.

L'Opinion: Qu’en est-il de l’arbitrage en matière de propriété industrielle ?


- Le Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) est une institution mondiale dédiée à la résolution des litiges en matière de la propriété intellectuelle d’une façon générale. Il faut que les opérateurs économiques marocains et les investisseurs indiquent dans leurs contrats internationaux de transfert de technologie la désignation de ce centre comme tribunal arbitral. Ce centre dispose de compétences multiples et d’une crédibilité juridique et arbitrale reconnue sur le plan mondial. D’ailleurs, l’Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale collabore d’une façon étroite avec ce Centre d’Arbitrage et de Médiation. Madame Noufissa Belcaid, la Directrice Générale de l’OMPIC qui est une femme de grande compétence, est sensible au problème de l’arbitrage en matière de propriété industrielle et commerciale. Cet intérêt s’est concrétisé par l’organisation d’une conférence sur la médiation en matière de propriété industrielle le 23 mars dernier. Il est à souligner que les cadres supérieurs de l’OMPIC peuvent jouer un rôle important dans la résolution des litiges en matière de propriété industrielle. L’OMPIC dispose maintenant d’une expertise et d’une expérience faisant de lui l’un des plus importants Offices de propriété industrielle dans la région et en Afrique.