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Interview avec Michael Cutts : Les non-dits de la nouvelle «alliance verte» entre le Maroc et l’Australie


Rédigé par Anass MACHLOUKH Mardi 13 Décembre 2022

Après l’inauguration officielle de son ambassade au Maroc, l’Australie fait du Royaume l’un des piliers de sa nouvelle politique africaine et veut saisir les opportunités de coopération. Energies renouvelables, lutte contre le terrorisme, commerce et investissements, l’ambassadeur d’Australie au Maroc, Michael Cutts, dresse le tableau de ce à quoi ressembleraient les relations entre Rabat et Canberra dans les années à venir. Entretien.



Crédit Photo : Nidal
Crédit Photo : Nidal
- L’Ambassade a été officiellement inaugurée suite à la visite du ministre Tim Watts, la première en Afrique du Nord, quelle place occupe le Maroc dans la politique africaine de l’Australie ?

- La décision d’ouvrir une ambassade permanente a été prise, il y a cinq ans. C’était déjà un tournant majeur dans les relations entre les deux pays. La visite du ministre adjoint des Affaires étrangères a été une occasion de poser les jalons d’une nouvelle relation plus solide, vu que c’est une façon de faire rencontrer les politiciens pour qu’ils se connaissent mieux et apprennent à coopérer ensemble. Comme l’a très bien expliqué M. Watts, les échanges qu’il a eus avec les responsables marocains, dont le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, lui ont permis de mieux comprendre la perspective unique du Maroc sur le monde. Pour répondre à votre question, l’inauguration officielle de l’ambassade reflète la profondeur des liens entre nos deux pays et une volonté d’aller de l’avant vers une coopération plus étroite dans plusieurs domaines.


- Il s’agit de la première ambassade australienne au monde construite hors-site à Sydney, sous forme de modules qui ont ensuite été acheminés et assemblés au Maroc, pourquoi ce choix ?

- En fait, nous avons ramené les composantes dans des conteneurs depuis l’Australie et qui ont été acheminés vers Casablanca. Le transfert a pris du temps à cause des restrictions dues à la pandémie. Nous avons aménagé l’ambassade de telle sorte à ce que l’architecture reste fidèle au style australien. C’était un véritable travail d’ingénierie.


- Quelle est la plus-value de la visite du ministre Tim Watts ?

-Cette visite a été l’occasion pour le ministre de rencontrer les parties prenantes. Il a pu observer de première main les avancées du Maroc et partager les analyses des experts du côté marocain et australiens. Il est important de retenir que le ministre a choisi le Maroc comme point de départ de sa tournée africaine qui l’a mené ensuite à d’autres pays tels que le Ghana et l’Afrique du Sud. Ceci montre à quel point le Royaume est important aux yeux du gouvernement australien qui s’intéresse de plus en plus au continent africain. La visite de M. Watts a été porteuse d’un message clair : l’Australie et le Maroc font face à des défis similaires qui transcendent les frontières, à savoir le changement climatique et la menace terroriste. Des défis, je rappelle, qui nécessitent une coopération plus étroite et une réponse commune.


- Le ministre a évoqué les énergies renouvelables comme nouveau champ de coopération bilatérale. Comme vous savez, le Maroc veut devenir un leader régional en la matière, et l’Australie, pour sa part, est connue pour être un grand réservoir d’énergies renouvelables. Comment développer une coopération mutuellement bénéfique ?

- En matière de transition énergétique, il y a énormément d’opportunités de coopération que les deux pays peuvent saisir d’autant qu’ils partagent la volonté d’accélérer, le plus rapidement possible, la volonté d’accroître la part des énergies vertes dans leur mix énergétique. Les deux pays ont énormément de potentiel à exploiter, surtout dans l’hydrogène vert, et le Maroc a fait part de sa volonté d’en développer une offre 100% nationale. C’est là une véritable aubaine. L’Australie devrait partager son expérience afin d’accompagner le Royaume pour atteindre cet objectif ambitieux.

Je souhaite personnellement que d’ici les cinq prochaines années, les deux pays avancent concrètement dans le développement de l’hydrogène vert. Nous sommes maintenant dans une phase embryonnaire avec des projets timides ici ou là. Il serait souhaitable de voir des projets communs ou des usines de production d’hydrogène issues d’un partenariat maroco-australien.
« le développement d’une offre marocaine d’hydrogène vert peut donner un coup d’élan à une coopération concrète entre le Maroc et l’Australie»

- Existe-t-il des projets en cours de discussion actuellement ?

- En effet, des entreprises australiennes ont d’ores et déjà commencé à prospecter le marché marocain et ont entamé, depuis deux ans, des discussions avec les responsables marocains afin d’examiner les opportunités. Verbatim : « Il serait souhaitable de voir des projets communs ou des usines de production d’hydrogène issues d’un partenariat maroco-australien ».


- Le ministre a déclaré que l’Australie veut approfondir la coopération avec le Maroc dans la lutte contre le terrorisme, que peut offrir le Royaume dans ce domaine ?

- Là aussi, il s’agit d’un défi qui nécessite une réponse internationale, d’où l’utilité d’une meilleure coordination entre nos deux pays qui, je rappelle, encourent les mêmes périls terroristes. Nous avons été victimes d’attentats comme le Maroc, dont l’expérience et l’expertise dans le démantèlement des groupuscules terroristes est saluée dans le monde entier. Comme a cité le ministre à titre d’exemple, Cette année marque le 20e anniversaire des attentats de Bali en 2002 au cours desquels 202 personnes, dont 88 Australiens, ont été tragiquement tuées et de nombreuses autres blessées. Je tiens par ailleurs à saluer le leadership du Maroc et les efforts concrets dans ce domaine. Nous avons donc intérêt à coopérer davantage et échanger les expériences dans ce domaine. Peut-être chaque pays aura des choses à donner à l’autre.

Il existe également des dossiers aussi complexes où l’expertise marocaine pourrait nous être extraordinairement utile. Je parle du rapatriement des anciens combattants et leurs familles des foyers de terrorisme au Moyen Orient.

Comme vous savez, l’Australie a commencé à envisager aussi le rapatriement de ses propres ressortissants. Nous sommes intéressés par le modèle marocain en matière de programme de déradicalisation et de réinsertion des personnes rapatriées.
« Nous avons commencé le rapatriement des combattants terroristes et leurs familles du Moyen Orient, l’expertise du Maroc dans ce domaine nous est précieuse»

- Parlons du commerce et des investissements qui demeurent très faibles et en deçà  des aspirations des deux pays, peut-on s’attendre à un sursaut dans les années qui viennent, compte tenu de la dynamique à laquelle on assiste actuellement ?

- Certes, le commerce n’est pas très développé, mais nous ne sommes qu’en début de parcours. Le niveau actuel des échanges, aussi modeste puisse-t-il paraître, ne signifie guère qu’il n’y a pas de potentiel, sachant que le Maroc et l’Australie partagent le même engouement de faire du business dans le cadre de projets communs. Il y a des choses qui se font actuellement et qui méritent d’être mentionnées.

J’en cite l’investissement du groupe Worley qui a réussi à investir dans le leader de l’ingénierie Jacob Engineering (JESA), dans le cadre d’une joint-venture avec l’OCP. C’est un investissement prometteur qui peut ouvrir la voie à d’autres initiatives pareilles dans le futur. Je rappelle aussi que Worley a également obtenu le contrat d’étude d’ingénierie avant-projet du gazoduc Maroc-Nigeria.

Ceci dit, c’est un succès qu’une entreprise australienne soit partie prenante d’un projet aussi gigantesque. Les investissements australiens sont également présents dans le domaine agricole, notamment dans des usines de production de myrtilles dans la région de Larache. Pour moi, accélérer le rythme des échanges et la coopération économique est une priorité.

Mon rôle en tant qu’ambassadeur est de déceler des opportunités d’investissement et les faire connaître aux investisseurs australiens qu’on met en contact avec les autorités marocaines compétentes dès qu’il y a un projet intéressant. Une mission qui m’est chère et qui accapare une partie importante de mon agenda.


- Le nouveau gouvernement de Anthony Albanese est-il plus intéressé par le Maroc en tant que partenaire en Afrique que son prédécesseur ?

- Il va sans dire que la visite de M. Watts est une façon pour le gouvernement australien actuel de manifester tout l’intérêt qu’il porte au Maroc et à l’Afrique.




Recueillis par Anass MACHLOUKH









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