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Interview avec Lalla Badr Saoud Alaoui : " Les khettaras bénéficient d’une reconnaissance internationale "


Rédigé par Wolondouka SIDIBE Jeudi 18 Avril 2024

A quatre jours de l’ouverture du Salon international de l’Agriculture du Maroc (SIAM2024), prévu du 22 au 28 avril, Mme Lalla Badr Saoud Alaoui, présidente de la Fondation Miftah Essaad pour le Capital immatériel du Maroc, nous parle des avantages du savoir-faire du Royaume, lequel bénéficie indiscutablement de la reconnaissance internationale. Il s’agit d’une pratique agropastorale traditionnelle utilisée dans le Royaume depuis des siècles, aujourd’hui considérée comme une des solutions face au stress hydrique, afin de favoriser l’agriculture malgré ces années de sécheresse. Explications.



  • Vous militez pour l’appropriation des techniques traditionnelles dans ce contexte de stress hydrique et de rareté de l’eau. Quelle est la valeur ajoutée de ce savoir-faire ? 

Nous vivons dans un monde moderne, un monde à vive allure, mais qui a plus que jamais besoin de regarder dans le rétroviseur, afin de ne pas oublier le meilleur de ce qu’il a pu réaliser dans le passé. Cela nous permettra d’avancer vers le futur avec moins d’incertitudes. Au Maroc, pour faire face à ce stress hydrique, le savoir-faire traditionnel des « khettaras » est plus que nécessaire. Je rappelle que la « khettara » est un système de conduit d’eau souterraine, creusé par l’Homme, pour l’irrigation et l’usage domestique, dans les zones oasiennes. La « Khettara » est utilisée depuis des millénaires par plusieurs civilisations à travers le monde. C’est le cas en Afrique du Nord, notamment au Royaume du Maroc, depuis l’époque des Almoravides, au XIème siècle. Son efficacité réside dans sa capacité à non seulement préserver l’eau, mais aussi à la redistribuer efficacement et équitablement. Et face à ce stress hydrique, nous avons plus que jamais besoin d’un savoir-faire agricole économe en eau et efficace. C’est pourquoi nous appelons à restaurer et moderniser ces « Khettaras » afin de les faire jouer un rôle important, à l’heure où la question du stockage de l’eau est devenue vitale. 
 
  • Est-ce que des initiatives publiques ont été lancées en vue de la préservation et de la restauration de ces « Khettaras » ?
 
Cela fait plusieurs années que notre Fondation œuvre et sensibilise sur l’importance de restaurer les « Khettaras ». Et c’est l’occasion pour moi de saluer l’oreille attentive dont nous bénéficions auprès des autorités publiques, à tous les niveaux. A commencer d’abord par le Chef du Gouvernement, ainsi que les différents départements ministériels concernés par la question. Cela a permis un recensement des « Khettaras », dans l’optique de leur restauration. Au niveau des régions également, nous saluons l’important travail accompli, notamment dans des zones qui abritent les « Khettaras » en nombre à l’image de la région d’Errachidia, avec laquelle nous avons mené de nombreuses initiatives en faveur des sites des « khettaras », mais aussi des dépositaires de ce savoir-faire que sont les « Chioukh des Khettaras », c’est-à-dire les maîtres des « Khettaras ». 
 
  • Sur le plan international, comment est perçue la promotion de ce savoir-faire marocain ?

Là aussi, nous sommes mobilisés depuis plusieurs années pour l’inscription du savoir-faire des « Khettaras » sur la liste du patrimoine universel de l’UNESCO. Le dossier suit son cours et nous nous félicitions de l’appui dont il bénéficie de la part des autorités marocaines et des différentes parties impliquées. D’ailleurs, ce savoir-faire est d’ores et déjà inscrit sur la liste du patrimoine islamique de l’ISESCO. Cela montre à quel point il est important de redonner aux « khettaras » tout le rôle qu’elles peuvent jouer dans la lutte contre le stress hydrique. En plus de ce rôle de préservation de l’eau et de développement agricole, cet outil peut aujourd’hui servir d’attrait touristique, surtout que le monde entier fait de la question de la disponibilité de l’eau une préoccupation majeure. 
 
  • Est-ce qu’au niveau académique, vous sentez un intérêt pour enseigner et faire connaitre aux générations actuelles l’importance de ce savoir-faire ? 

C’est un débat très important que vous posez. Au niveau de la Fondation, nous accordons une importance à la transmission de ce savoir-faire, non seulement au niveau des régions où ces outils sont encore localisés, mais surtout au niveau académique. C’est dans ce cadre que nous avons co-organisé en mars dernier à Rabat, le Premier Sommet arabe académique sur l’eau. Cet important événement, mené en partenariat avec la Faculté des Sciences de Rabat et l’Ambassade de l’eau, basée à Paris, nous a permis de mettre en lumière l’importance de ces « khettaras », leur prise en compte par le monde scientifique, ainsi que l’ensemble des moyens qui peuvent contribuer à la préservation de l’eau dans notre pays et notre région. 
 
  •  Justement, quelles ont été les conclusions de ce Premier Sommet arabe académique sur l’eau ?
De nombreuses recommandations ont été émises par les participants venus des pays arabes et d’ailleurs. Il y a eu un partage d’expériences dans ce sens. Mais l’un des acquis majeurs de ce sommet académique porte l’appel à la création au Maroc d’un Secrétariat Permanent entre les pays arabes, chargé d’assurer la continuité et la promotion des initiatives en faveur de l’eau, au niveau académique et de la société civile. Je pense que c’est un pas en avant important qui place le Maroc au cœur des questions relatives à la gestion des ressources hydriques dans notre région. Si nous réussissons à mutualiser sur cet outil, notre pays réussira non seulement à trouver des solutions efficaces sur la problématique de la disponibilité de l’eau, mais réussira aussi à se positionner de façon incontournable sur les politiques de gestion d’eau dans le monde arabe. 
 
Propos recueillis par Wolondouka SIDIBE








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