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Interview avec Hicham Lahlou, fondateur de l’Arab Design Organization : « Le Maroc aura besoin d’un plan stratégique en matière de design »


Rédigé par Mina ELKHODARI Jeudi 9 Février 2023

A l’heure où le Maroc cherche à diversifier ses secteurs d’activité en quête d’une croissance économique durable, le design s’avère plus que jamais un moteur de croissance à plusieurs égards. Hicham Lahlou, fondateur de l’Arab Design Organization, nous éclaire sur les défis à relever dans les temps à venir pour promouvoir le design au Maroc.



Comment a germé chez vous l’idée de créer l’Arab Design Organization (AADO), surtout dans le contexte actuel ? Et comment êtes-vous arrivé à donner corps au projet ? 
 
Ce sont trois projets en un grand. Il s’agit de l’Africa Design Organization, la Morocco Design Organization, l’Arab Design Oganization, tous ces projets seront placés sous la casquette d’une fondation.
L’idée est venue spontanément d’un homme de métier pour fédérer les initiatives qui sont en faveur du design, surtout au Maroc, en Afrique et dans le monde arabe. Ces Organisations joueront, en effet, le rôle de pôle de sensibilisation du public au sujet du design à travers la tenue d’événements et de rencontres en la matière.
Nous envisageons, à cet effet, d’organiser le Prix panarabe du design (Arabe Design Awards), premier du genre, mais aussi la Semaine du design arabe, le Prix marocain du design et la Semaine marocaine du design.  Ces initiatives participeront, d’une part, à la promotion du multiculturalisme du monde arabe, de l’Afrique et de la culture amazighe et, d’autre part, à la valorisation des talents existants dans le domaine du design. La Fondation nous permettra également de financer des projets ambitieux en matière de design en vue d’encourager les professionnels à la création.
 
Dans les coulisses, le travail se poursuit pour pouvoir constituer une équipe en bonne et due forme afin de décider où nous allons implanter notre Fondation.

 
D’après votre expérience de professionnel, le design est-il suffisamment valorisé au Maroc ?
 
Malheureusement, non. Certes, il est valorisé à travers le secteur de l’artisanat, ce qui est très bien, mais si on l’associe à l’artisanat seulement, je pense qu’on allait rater quelque chose d’important, surtout avec le développement que connaît cette discipline à travers le monde.
 
Le design est un domaine transversal stratégique qui touche toutes les disciplines et tous les domaines. Aujourd’hui, notre défi est de taille, c’est quelque chose pour laquelle je milite beaucoup, celui de pouvoir organiser une rencontre avec les décideurs pour s’ouvrir sur cette discipline et envisager les portes de croissance qu’elle pourrait ouvrir pour notre pays.

 
Où en est-on au Maroc par rapport à la formation en matière de design ?
 
Dans l’Université marocaine, qu’elle soit publique ou privée, la filière 100% design n’existe pas à part certaines écoles privées qui font un travail énorme en enseignant certaines matières relatives au design. Or, il ne faut pas oublier que ce domaine englobe plusieurs disciplines, notamment le design de produit, le design industriel, le design interactif. Ces disciplines qui sont le moteur et l’essence même de l’innovation et de la consommation numérique ne sont pas encore présentes dans nos Facultés. 
 
Ce constat ne témoigne, en effet, que du retard important que nous devrons rattraper dans les jours à venir, objectif même de notre projet.

 
D’après vos constatations, quels sont les difficultés qui pourraient freiner de telles initiatives au Maroc ?
 
Je dirai principalement l’absence de la culture participative. Par exemple, lorsque j’étais nommé Envoyé spécial pour la région MENA (Afrique du Nord et Moyen Orient) et l’Afrique du Président de la World Design Organization (WDO), personne ne s’est intéressé à ce que je fais ou à mes projets, à part la Maison de l’Artisanat et le ministère du Tourisme qui m’ont invité à la Semaine de l’Artisanat à Marrakech.
 
Ce qui m’interpelle le plus, c’est pourquoi ne pas penser à organiser des tables-rondes avec la tutelle pour discuter des opportunités que le design offre pour l’industrie, le capital humain et l’économie nationale en général ? C’est un aspect sur lequel un long travail devrait être accompli.

 
Nous vous avons beaucoup entendu parler du design en tant que facteur de croissance à ne pas négliger, et non pas seulement un acte de création dans un but esthétique. Comment est-ce que cette discipline permettra-t-elle de réaliser le développement économique, humain et social ? 
 
Le design est incontournable dans tous les secteurs d’activité. Il s’agit, en amont, d’une réflexion stratégique et d’une vision qui s’applique à différents typologies de projets, de l’idée à la concrétisation. Ce qui fait que la création n’est qu’une partie du processus global.
Le designer est un artiste dans l’art appliqué à l’innovation, à la science, à la technologie, au luxe, au digital, aux infrastructures routiers, à la santé, à l’artisanat, aux moyens de transport… Tout ce que nous voyons autour de nous est pensé par le designer, même les applications mobiles, ce qu’on appelle le design interactif.

 
Concrètement, quelles sont les actions à mener pour réussir ce duo au Maroc ?
 
Au Maroc, il faut qu’on fasse un plan stratégique national en matière de design avec une vraie vision qui puisse servir tout les secteurs. Pour réussir ce plan, il faut d’abord et avant tout se rapprocher des professionnels du domaine pour les impliquer dans ce processus.
Le Royaume veut encourager le startuping dans le digital, mais pourquoi ne pas encourager les startupings dans le design ? J’ai un projet d’école, « Africa Design Academy », le futur premier réseau d’académie de design en Afrique que je voudrais bien implanter au Maroc, mais, en réalité, ça reste un projet difficile à mettre en œuvre, surtout dans notre contexte.

 
Où réside exactement la difficulté ? 
 
- Je vous donne un simple exemple : selon le ministère de l’Enseignement supérieur, il faut être docteur pour pouvoir créer une école. Mais, les professionnels qui ont parcouru le design pendant des années ne sont pas des docteurs.
De plus, pour mettre en œuvre un tel projet, il faut avoir un immeuble. Mais, les initiateurs ne sont pas nécessairement des hommes riches.
 
A ce propos, j’estime qu’il faut introduire des réformes au niveau du ministère de l’Enseignement Supérieur pour faciliter la mise en œuvre des projets initiés par les professionnels, notamment les designers. 
 
Il faut également veiller à l’écoute et à l’accompagnement des professionnels du domaine. L’absence de communication est en mesure de freiner les compétences, une situation dont le meilleur témoin sont les médecins et les ingénieurs qui quittent chaque année le pays.
 
 
 
 
Recueillis par Mina ELKHODARI