- Le 6 juillet à Dar Bouazza, vous organisez le "Festival de l'agriculture urbaine", en vue de mettre en avant l'autonomisation économique des femmes rurales et des jeunes. Quels sont les défis spécifiques rencontrés par ces groupes et comment l'agriculture urbaine peut-elle les aider à les surmonter ?
Le Festival de l'agriculture urbaine, qui se tiendra le 6 juillet à Dar Bouazza, vise à promouvoir l'autonomisation économique des femmes rurales et des jeunes. Ces groupes sont confrontés à des défis spécifiques, notamment l'accès limité à l'emploi et aux ressources. L'agriculture urbaine, en tant que production de proximité, offre une solution concrète. Elle crée des emplois verts dans la production, la commercialisation et la transformation des produits agricoles, favorisant ainsi leur insertion professionnelle. Biofemmes, une coopérative agricole créée en 2016, est un acteur clé dans cette démarche. Nous œuvrons pour l'autonomisation économique des femmes et des jeunes en milieu rural et périurbain. Dans les quartiers populaires, où l'exode rural a apporté un savoir-faire agricole, l'agriculture urbaine permet de structurer des activités souvent informelles et de les transformer en projets générateurs de revenus, attractifs pour les écoles et les consommateurs.
- Le "Festival de l'agriculture urbaine" est l'occasion d'échanger et de "co-construire des solutions concrètes". Quels sont les principaux messages que vous souhaitez faire passer au public et aux décideurs lors de cet événement ?
Le Festival du 6 juillet 2025, organisé à SOS Village d'enfants Dar Bouazza, est une plateforme d'échange et de co-construction de solutions concrètes. Nous invitons les associations déjà actives sur le terrain pour mettre en lumière leurs initiatives existantes. Les principaux messages que nous souhaitons faire passer au public et aux décideurs sont les suivants : l'agriculture urbaine est une nécessité, pas une option. Elle est une réponse indispensable aux défis du changement climatique, de l'urbanisation galopante et de la sécurité alimentaire. Elle doit être intégrée dans les plans d'aménagement urbain.
- L'agriculture urbaine est présentée comme une réponse innovante aux défis du changement climatique, de l'urbanisation galopante et de la sécurité alimentaire. Pourquoi l'agriculture urbaine est-elle devenue une nécessité plutôt qu'une simple option ?
L'agriculture urbaine est devenue une nécessité pour plusieurs raisons. Face au changement climatique, elle permet une production alimentaire de proximité, réduisant ainsi l'empreinte carbone et renforçant la résilience des villes. L'urbanisation dévorante menace les ressources naturelles (eau et sols) et exclut l'agriculture de la ville, créant une vulnérabilité en termes de sécurité alimentaire. L'agriculture urbaine permet de réintégrer cette activité fondamentale au cœur de nos cités. Il est urgent de former une génération d'agro-écologistes, femmes et jeunes, pour atténuer et s'adapter aux impacts climatiques sur le secteur agricole, y compris en milieu urbain.
- Vous invitez à "repenser la place de l'agriculture en ville". Quelle est votre vision à long terme pour l'intégration de l'agriculture urbaine dans le tissu urbain de Casablanca et d'autres villes marocaines ?
Notre vision à long terme est une reconquête des espaces verts urbains par l'agriculture, qu'ils soient publics ou privés. Nous souhaitons que les promoteurs immobiliers intègrent des carrés potagers et des agro-parcs dans leurs plans d'aménagement, pour embellir la ville avec le beau et l'utile. Il s'agit de repenser la place de l'agriculture en ville pour en faire un pilier de la planification urbaine.
- L'agriculture urbaine nécessite des projets concrets avec des décideurs volontaires, publics, privés et associatifs. Quel bilan dressez-vous ?
Le succès de l'agriculture urbaine repose sur la mobilisation d'un collectif incluant les collectivités locales, la coopération internationale, et des financements privés et publics. L'agriculture urbaine interpelle directement les politiques publiques et doit être intégrée aux plans d'aménagement des villes. De nombreux projets existent déjà à Casablanca : des agro-parcs, des jardins potagers dans les écoles et les immeubles, ainsi que des petits jardins collectifs. Ces initiatives génèrent du lien social, permettent aux habitants de mieux se nourrir et, surtout, de se reconnecter à la terre. Il n'est pas rare de voir des poules ou des pots de menthe dans les quartiers de Casablanca, signe d'un savoir-faire agricole informel qui peut être structuré pour générer des revenus. Au niveau international, le concept d'agriculture urbaine est soutenu par la FAO depuis les années 1990. De belles expériences sont en plein essor en Europe (France, Pays-Bas, Belgique) avec des initiatives comme les Marais de Bourges et les écoquartiers nourriciers en Hollande. À Casablanca, un projet concret a été mené avec l'Université technique de Berlin de 2005 à 2015, impliquant chercheurs, société civile et paysans périurbains.
Recueillis par
Safaa KSAANI
Safaa KSAANI