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Interview avec Chafik Essalouh : “La hausse des prix des cigarettes permettra de réguler le marché”


Rédigé par Safaa KSAANI Lundi 10 Janvier 2022

Loi de Finances 2022 oblige, les fumeurs ont dû payer encore plus cher les cigarettes depuis samedi 1er janvier courant. Le gouvernement souhaite par ces augmentations rendre la consommation de tabac moins attractive.



Interview avec Chafik Essalouh : “La hausse des prix des cigarettes permettra de réguler le marché”
- L’Administration des Douanes et Impôts Indirects (ADII), a dévoilé, dans une circulaire datant du 30 décembre, les nouveaux prix des cigarettes. Pourquoi cette énième hausse des prix ?

- L’augmentation des prix des cigarettes intervient suite à la réforme de taxation au titre de la Taxe Intérieure de Consommation (TIC) applicable sur les cigarettes, introduite par la Loi de Finances 76-21 pour l’année budgétaire 2022. Il s’agit d’une augmentation consécutive à la révision des éléments d’assiette servant au calcul de la TIC sur les produits des tabacs manufacturés.

C’est une révision qui vient parachever les différentes mesures prises auparavant (législatives, réglementaires et procédurales) dans le cadre de la réforme de la fiscalité des tabacs et qui ambitionne plusieurs objectifs. Il s’agit, entre autres, de la protection du consommateur et de la consolidation des recettes du Budget Général de l’Etat, de l’instauration d’un climat de concurrence loyale entre les opérateurs du secteur et de la simplification des modalités de taxation jugées complexes (suppression, à compter de janvier 2024, de la taxation selon le seuil minimum de pression fiscale).

Il s’agit aussi de fournir une meilleure visibilité aux opérateurs en préconisant une augmentation graduelle des prix des cigarettes, tenant compte de l’évolution de la fiscalité, sur un horizon de 5 ans, et de la valorisation nationale des produits du tabac dans le cadre de l’encouragement du « Made in Morocco », ainsi que de la promotion de la politique de substitution aux importations.


- La hausse des prix varie entre 2 et 4 dirhams pour certaines marques de cigarettes produites au Maroc. A qui profite cette mesure ?

-La Loi de Finances 2022 prévoit une réforme s’étalant sur cinq ans qui s’applique de manière uniforme aux paquets de cigarettes commercialisés au Maroc, qu’ils soient produits localement ou importés de l’étranger. La hausse des prix permet de consolider les recettes fiscales (on estime la plusvalue fiscale, au terme de cette réforme, à plus de 2.5 MMDH, calculée sur la base du niveau de consommation actuelle). Cette hausse est de nature aussi à servir les objectifs des autorités publiques en matière de lutte contre le tabagisme, à travers la réduction de la consommation sous l’effet de l’élasticité prix.

Enfin, cette hausse permettra de réguler le marché, d’asseoir les mécanismes d’une concurrence saine et loyale entre opérateurs du secteur qui auront plus de visibilité pour définir leur stratégie commerciale à plus ou moins long terme.
 
Cette hausse est de nature aussi, à servir les objectifs des autorités publiques en matière de lutte contre le tabagisme.
 
- Cette hausse des prix concernerait- elle également les produits importés ?

-La réforme de taxation de la TIC ne fait pas de distinction entre les produits importés ou produits localement. Il s’agit d’une taxe neutre qui trouve son origine dans la compensation d’externalités négatives engendrées par la consommation des produits de tabacs manufacturés.

 
- Avec cette nouvelle grille de taxation, l’écart entre les différentes marques devient conséquent. Ceci ne porte-t-il pas préjudice à l’aspect concurrentiel ?

-Au contraire, l’objectif de la réforme de la fiscalité sur les cigarettes est de réduire substantiellement l’écart existant entre les cigarettes bon marché ou Low Cost et les cigarettes de qualité Premiums. Les simulations faites sur la base des augmentations préconisées de TIC révèlent qu’effectivement le différentiel de taxation et de prix de vente s’estompe au fil des années, ce qui rejoint les recommandations de l’OMS en matière de fiscalité appliquée aux produits du tabac manufacturé.


- Par ailleurs, cette hausse des prix risque de créer un appel d’air pour la contrebande, surtout avec la légère hausse de pénétration enregistrée en 2021. Comment l’ADII compte-t-elle s’adapter à la situation ?

-Il convient de rappeler que le taux de pénétration des cigarettes de contrebande sur le marché national pour l’année 2021 s’est établi à 1,91%, contre 1,37% en 2020 et 5,23% en 2019. Ces taux sont considérés, par les professionnels du secteur, comme étant très faibles. Bien entendu, les augmentations de la fiscalité se traduisent inéluctablement par des augmentations de prix, ce qui peut donner lieu à une recrudescence de la contrebande des cigarettes, jusqu’à la maîtriser.

Il faut signaler, tout de même, que les prix de vente des cigarettes au Maroc demeurent, comparativement aux autres pays notamment européens, très attractifs. C’est la raison pour laquelle on observe des exportations frauduleuses vers l’étranger plutôt que l’inverse. Cependant le risque provient en fait des pays voisins qui ont des prix de vente très en deçà de notre niveau national.

Consciente de l’enjeu que rêvait la contrebande des cigarettes et son impact sur les recettes publiques, l’ADII, avec la collaboration des autres intervenants, notamment les forces de l’ordre, se mobilise pour réduire autant que possible ces manoeuvres. S’agissant d’un courant professionnel de contrebande, l’ADII adapte constamment sa stratégie de parade, en améliorant ses méthodes d’intervention et en développant son réseau de renseignements afin que ses actions de lutte soient plus ciblées et plus efficaces.


- Quelles sont les autres dispositions douanières programmées pour le secteur du tabac ?

-Le contrôle de la production et de l’importation ainsi que la taxation des produits du tabac sont du ressort de l’ADII. Cette connaissance de l’écosystème du tabac manufacturé justifie la prise en charge, à compter du janvier 2022, de la liquidation et du recouvrement de la taxe spéciale sur les tabacs manufacturés, qui était jusqu’ici du ressort de la Trésorerie générale du Royaume.

Un arrêté de Madame la ministre de l’Economie et des Finances, portant délégation de pouvoir aux ordonnateurs de l’ADII, a été publié dans ce sens. Il faut rappeler que la loi n°46‐02 relative au régime des tabacs bruts et des tabacs manufacturés a été amendée et qu’un décret a été récemment signé instituant des normes strictes à respecter en termes de teneur de nicotine, de goudron et monoxyde de carbone à ne pas dépasser par unité de cigarette.

L’article 25 de cette loi prescrit aux opérateurs l’obligation d’inscrire sur chaque paquet de cigarettes la teneur en goudron, en nicotine et en monoxyde de carbone La mission de contrôle de la teneur en produits chimiques des cigarettes est confiée à l’ADII.

L’entrée en vigueur des nouvelles normes est prévue en janvier 2024. La Douane se chargera du contrôle des niveaux d’émissions en procédant à des analyses auprès des laboratoires spécialisés.


Recueillis par Safaa KSAANI








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