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Interview avec Ayoub Abid : « Le Street Art gagne le coeur du grand public »


Rédigé par Mina Elkhodari Jeudi 28 Juillet 2022

Lors de la septième édition du festival Jidar Rabat Street Art, Ayoub Abid, un jeune artiste issu d’Agadir, dresse les obstacles entravant le développement du Street Art au Maroc.



Interview avec Ayoub Abid : « Le Street Art gagne le coeur du grand public »
- Vous participez cette année, à côté de 12 artistes issus de 7 pays, à la septième édition de Jidar Rabat Street Art, d’où est née votre passion pour le Street Art ?

- Ma passion pour l’art ne date pas d’aujourd’hui. J’étais toujours sensible à l’art et à tout ce qui est beau. En fait, je dessine depuis que j’étais tout petit à l’école et à la maison, mais ce n’est qu’au lycée que j’ai pris la décision de poursuivre mes études en art, donc j’ai switché vers les arts appliqués. Par la suite, je me suis dirigé vers le graphisme puis l’illustration pour passer au muralisme. Ma seule et unique inspiration était les groupes de musique que j’aimais bien. En fait, je me contentais de refaire leurs visuels et les pochettes de leurs albums. Tout a évolué comme ça jusqu’à ce que j’ai commencé à faire des connaissances qui m’ont impliqué dans le muralisme pour faire mes propres fresques.


- Vous êtes l’artiste qui va orchestrer le mur collectif de Jidar 2022 à côté d’autres artistes. Le thème sera autour du vivre ensemble. Dans quelle mesure votre art participe-t-il à la consécration de ce principe ?

- Dix jeunes artistes vont participer au mur collectif pour aborder le thème du vivre ensemble, chacun selon sa perception et son point de vue. On est en plein workshop depuis lundi avec des jeunes artistes pour une prise de conscience par rapport au thème. C’est l’occasion pour poser des questions par rapport au vivre ensemble avec soi-même et avec les autres cultures et nations. Le principe du vivre ensemble est relatif à notre activité.

En fait, le Street Art est un art public exposé à l’oeil de tout le monde. Peu importe le thème abordé, notre art vit avec les habitants du quartier ou du bâtiment dessiné. En d’autres termes, nous, en tant qu’artistes, on peut faire une fresque et repartir dans nos villes, mais les citadins vont garder cette histoire tout au long de leur vie. Comment est-ce que les gens vivent avec nos dessins sur les murs de leur quartiers, perçoivent le message exprimé, le comprennent et le valorisent surtout ? C’est ce qu’on est en train de discuter d’une manière ou d’une autre avant de nous lancer dans le mur collectif.

Quand on dit le principe du vivre ensemble, il faut le comprendre dans son sens global : par rapport à l’environnement, aux autres et même par rapport à soi-même. L’objectif du mur collectif est d’initier plus de jeunes au muralisme et de les assister artistiquement et techniquement pour pouvoir faire leur premier mur et enchaîner par la suite avec plus de fresques.


- Les murs sont vos toiles durant cet événement. Pourquoi les murs et où trouvez-vous l’inspiration ?

- Le mur est mon tableau et la rue est ma galerie. Ce qui m’inspire le plus est la condition humaine : observer moi-même, les autres autour de moi, repérer ce qu’on a en commun. Je peux dire que mes traçages sur les toiles ne sont que l’expression de ce que je suis, de ce que je rêve d’être et de ce que je vois autour de moi.


- Casablanca accueille Sbagha Bagha, Rabat héberge Jidar, y a-t-il d’autres villes en perspective ?

- Je suis conscient que d’autres villes ont besoin certainement du Street Art. Ma ville natale en a besoin aussi. Même si je travaille solo, j’aimerais bien faire des actions dans d’autres villes, mais il faut savoir que c’est tout une logistique. Pour faire des fresques dans le reste du Maroc, il nous faut des festivals comme Jidar. Pour cela, il faut surtout de la volonté de la part des habitants mais aussi des décideurs pour accueillir des artistes muralistes.


- Vous gagnez votre vie de l’art, est-ce que c’est évident aujourd’hui pour l’artiste de vivre de son art ?

- Depuis des années, je vis de l’art. Facile ! Je ne pense pas “en rigolant”, mais je suis convaincu que dans toute aventure les choses sont toujours difficiles avant qu’elles deviennent faciles. Pour se retrouver, mais aussi pour se dessiner un chemin, il est évident de passer par des moments durs et d’autres moins durs qui nous mènent à sacrifier notre temps et notre énergie pour faire ce qu’on aime… “Les yeux au ciel». Après, je vois qu’être artiste est un métier comme tous les autres métiers du monde.


- Quelles sont, selon votre expérience de jeune artiste, les obstacles entravant le développement du Street Art ? Que faut-il pour généraliser ce genre de festivals au Maroc ?

- A mon sens, la logistique et le matériel nécessaire pour se lancer dans la création, représentent l’obstacle majeur qui freine le lancement. Le choix des artistes invités aux festivals et événements artistiques, à l’instar du festival Jidar, se fait selon une évaluation de leur fresque déjà dessinée. C’est comme la fameuse phrase : il te faut de l’expérience professionnelle pour avoir une première expérience professionnelle.

En fait, pour moi, c’est un cercle vicieux qui complique la tâche à l’artiste, surtout au début. Le grand public s’intéresse de plus en plus à ce qu’on fait, d’un autre côté, les artistes sont là prêts à travailler, mais aujourd’hui on a besoin de plus d’appréciation, plus d’intérêt de la part des investisseurs et des décideurs surtout. J’estime que si on peut avoir l’intérêt de cinq personnes seulement dans la ville d’Agadir, par exemple, on aura notre propre festival de Street Art.



Recueillis par Mina ELKHODARI

Portrait


Lorsque ton art devient toi-même…
 
Ayoub Abid, surnommé « Normal », est un amoureux de l’art et du Street Art en particulier. Jeune discret qui laisse la parole à ses oeuvres ; il n’en parle pas trop et de moins en moins de lui-même. Trentenaire de la ville d’Agadir, Ayoub Abid est né l’art dans l’âme. « J’ai commencé le dessin depuis ma tendre enfance. Mes groupes de musique préférés faisaient ma source d’inspiration ». « Ma passion pour l’art n’a jamais arrêté de grandir, c’est pour cela que j’ai pris la décision consciente de poursuivre mes études en arts appliqués », nous raconte-t-il.

Ayoub Abid a bifurqué vers l’art pour en faire un métier. Conscients des contraintes de la vie d’artiste, l’artiste graphiste puis muraliste est convaincu que rien ne peut empêcher un artiste de briller. « Toute aventure est difficile avant qu’elle devienne facile ». Les toiles d’Ayoub ne laissent pas le spectateur indifférent, elles lui proposent à la fois une confrontation et un dialogue avec soi et avec la vie de tous les jours.

Ses créations artistiques se déploient dans deux sens : des oeuvres en relation directe avec son univers personnel et d’autres en relation étroite avec l’environnement. Il résume : « Mes créations ou mes toiles ne sont que l’expression de la course folle de questions et de ressentis que je vis chaque jour».

Quelques années après avoir participé au mur collectif de Rabat Street Art Festival, aujourd’hui, l’artiste muraliste orchestre le mur collectif du même festival dans sa septième édition où il fait part de son talent et de son doigté à la nouvelle génération d’artistes muralistes.

M. E.