- Vous organisez, avec l’association ICEM, le jeudi 26 septembre 2024, un webinaire autour du thème : « La littérature, véritable pont entre les pays du Maghreb ». Quel état des lieux dressez-vous aujourd’hui ?
- ICEM (Initiatives pour la Communauté Economique du Maghreb), fondée à Casablanca, réunit trois nationalités : algérienne, marocaine et tunisienne. L’idée est de créer des passerelles entre les pays du Maghreb, une union économique et culturelle qui se construit pas à pas. Avant la rupture des relations diplomatiques en août 2021, nous étions une force capable de réunir les patronats autour d’une table. Aujourd'hui, nous explorons d'autres voies comme la culture, la littérature et bientôt la musique.
En ce qui concerne la littérature, les études, qu'elles viennent du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) au Maroc ou de l'Arab Reading Index, montrent que les habitants du Maghreb lisent très peu. On parle parfois de 2 minutes de lecture par jour, un chiffre inquiétant. Les raisons sont multiples et partagées par les trois pays, mais il y a aussi des particularités locales.
Au Maroc, par exemple, l'analphabétisme reste un frein, même si le taux diminue. Mais d'autres problèmes sont communs aux trois pays, comme le faible pouvoir d'achat, qui rend les livres chers pour une grande partie de la population, ou le manque de soutien institutionnel, l'insuffisance de bibliothèques publiques et d'infrastructures, surtout en milieu rural.
Malgré ce contexte difficile, il existe des initiatives positives, comme les Cafés littéraires, qui apparaissent même dans les zones rurales. Par exemple, à Aït Ben Haddou, un projet encouragé par l'ONG « We Speak Citizen » montre que ces initiatives peuvent être reproduites ailleurs.
Paradoxalement, les auteurs maghrébins rencontrent de plus en plus de succès à l’étranger, notamment en France, pour la littérature francophone. Nous appelons à une prise de conscience nationale et régionale : lire, ce n’est pas seulement parcourir des mots, c’est une façon de bâtir une réflexion et d’ouvrir des horizons.
- La littérature maghrébine existe dans des pays étrangers. C’est là que se réunissent les éditeurs et les écrivains des pays maghrébins. Comment l’expliquez-vous ?
- En effet, il y a quelques mois, Paris a accueilli une nouvelle édition du Maghreb des Livres. Cela s’explique en partie par la diversité de la littérature maghrébine, qui est à la fois arabophone, francophone et amazigh. C’est une initiative que nous soutenons, car elle met en lumière les œuvres littéraires de la région. Cependant, le problème est que cet événement reste unique et qu’il se déroule en dehors des frontières du Maghreb. Il est temps que le Maghreb reprenne son destin en main et soutienne ce secteur stratégique pour qu’il puisse proposer des solutions.
- A quel point la non intégration du Maghreb impacte-t-elle le développement de la littérature maghrébine ?
- Il suffit de regarder les difficultés communes pour comprendre qu'un Maghreb uni serait un moteur de progrès durable, y compris dans le domaine culturel. Prenons l'exemple du coût élevé des livres, un problème récurrent pour tous les auteurs. Si nous mutualisions les coûts, avec un public de plus de 100 millions d'habitants et une logistique renforcée, comment ne pas voir les avantages d'une telle union ?
Je reviens d’un voyage en Finlande, organisé par la Commission Européenne. Au cœur d’Helsinki, la bibliothèque Oodi est un véritable refuge pour les lecteurs finlandais. Sécurisée et primée à plusieurs reprises, elle est ouverte à tous, sans compter qu’elle est accessible gratuitement. Ensemble, nous pourrions plus facilement mobilier les ressources pour lutter contre nos déserts culturels et, comme à l’époque de Cordoue en Al-Andalus, bâtir des lieux de savoir et d’enchantement.
- Le marché des livres est confronté au secteur informel. L’enjeu est-il de taille ?
- L’informel touche tous les secteurs. Les dernières études dans la région révèlent des chiffres impressionnants, dépassant parfois les 70%, comme au Maroc. Les ventes informelles et le piratage ne doivent pas être sous-estimés. Certes, les prix sont attractifs pour le lecteur, mais cela affaiblit toute une industrie déjà fragile.
Renforcer les réseaux de distribution, mieux coordonner les services comme les douanes d’où proviennent parfois des copies illégales massives, notamment d’Égypte pour les livres arabophones et prévoir des réponses judiciaires dissuasives peuvent réduire ce phénomène.
- Les Salons du livre, organisés au Maroc, en Tunisie et en Algérie, sont-ils un véritable pont entre les pays du Maghreb ?
- Tout événement qui réunit aujourd'hui les trois pays est un pont. Ce terme peut parfois déranger, comme me l’a fait remarquer une amie, car un pont relie souvent deux points séparés par un obstacle. Cependant, après trente ans de fermeture de frontières, nous innovons avec des rencontres littéraires en ligne pour renforcer et cristalliser ces liens.
Les dernières rencontres entre les trois pays ont souffert des tensions diplomatiques. Nous vivons dans une région où le politique influence directement la vie économique et culturelle. Pourtant, le socle commun de nos sensibilités, nos racines profondes, nos rites et toutes les richesses culturelles partagées nous rappellent que l'idée d'un Maghreb uni est toujours présente dans nos esprits et dans nos cœurs.
- Enfin, quelles solutions pour la jeunesse au Maghreb ?
- Nous prévoyons d’organiser un concours de Nouvelles sur le thème d’un Maghreb uni, afin d’encourager un large public à reprendre la plume et à se réconcilier avec les mots. L’écriture peut souvent ouvrir la voie à la lecture, et ainsi combler cette distance. Les écoles ont également un rôle à jouer. À l’image de l’initiative turque « Silence, on lit », elles pourraient instaurer la lecture comme une pratique quotidienne, permettant de reconnecter les jeunes avec cet univers littéraire exceptionnel.
- ICEM (Initiatives pour la Communauté Economique du Maghreb), fondée à Casablanca, réunit trois nationalités : algérienne, marocaine et tunisienne. L’idée est de créer des passerelles entre les pays du Maghreb, une union économique et culturelle qui se construit pas à pas. Avant la rupture des relations diplomatiques en août 2021, nous étions une force capable de réunir les patronats autour d’une table. Aujourd'hui, nous explorons d'autres voies comme la culture, la littérature et bientôt la musique.
En ce qui concerne la littérature, les études, qu'elles viennent du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) au Maroc ou de l'Arab Reading Index, montrent que les habitants du Maghreb lisent très peu. On parle parfois de 2 minutes de lecture par jour, un chiffre inquiétant. Les raisons sont multiples et partagées par les trois pays, mais il y a aussi des particularités locales.
Au Maroc, par exemple, l'analphabétisme reste un frein, même si le taux diminue. Mais d'autres problèmes sont communs aux trois pays, comme le faible pouvoir d'achat, qui rend les livres chers pour une grande partie de la population, ou le manque de soutien institutionnel, l'insuffisance de bibliothèques publiques et d'infrastructures, surtout en milieu rural.
Malgré ce contexte difficile, il existe des initiatives positives, comme les Cafés littéraires, qui apparaissent même dans les zones rurales. Par exemple, à Aït Ben Haddou, un projet encouragé par l'ONG « We Speak Citizen » montre que ces initiatives peuvent être reproduites ailleurs.
Paradoxalement, les auteurs maghrébins rencontrent de plus en plus de succès à l’étranger, notamment en France, pour la littérature francophone. Nous appelons à une prise de conscience nationale et régionale : lire, ce n’est pas seulement parcourir des mots, c’est une façon de bâtir une réflexion et d’ouvrir des horizons.
- La littérature maghrébine existe dans des pays étrangers. C’est là que se réunissent les éditeurs et les écrivains des pays maghrébins. Comment l’expliquez-vous ?
- En effet, il y a quelques mois, Paris a accueilli une nouvelle édition du Maghreb des Livres. Cela s’explique en partie par la diversité de la littérature maghrébine, qui est à la fois arabophone, francophone et amazigh. C’est une initiative que nous soutenons, car elle met en lumière les œuvres littéraires de la région. Cependant, le problème est que cet événement reste unique et qu’il se déroule en dehors des frontières du Maghreb. Il est temps que le Maghreb reprenne son destin en main et soutienne ce secteur stratégique pour qu’il puisse proposer des solutions.
- A quel point la non intégration du Maghreb impacte-t-elle le développement de la littérature maghrébine ?
- Il suffit de regarder les difficultés communes pour comprendre qu'un Maghreb uni serait un moteur de progrès durable, y compris dans le domaine culturel. Prenons l'exemple du coût élevé des livres, un problème récurrent pour tous les auteurs. Si nous mutualisions les coûts, avec un public de plus de 100 millions d'habitants et une logistique renforcée, comment ne pas voir les avantages d'une telle union ?
Je reviens d’un voyage en Finlande, organisé par la Commission Européenne. Au cœur d’Helsinki, la bibliothèque Oodi est un véritable refuge pour les lecteurs finlandais. Sécurisée et primée à plusieurs reprises, elle est ouverte à tous, sans compter qu’elle est accessible gratuitement. Ensemble, nous pourrions plus facilement mobilier les ressources pour lutter contre nos déserts culturels et, comme à l’époque de Cordoue en Al-Andalus, bâtir des lieux de savoir et d’enchantement.
- Le marché des livres est confronté au secteur informel. L’enjeu est-il de taille ?
- L’informel touche tous les secteurs. Les dernières études dans la région révèlent des chiffres impressionnants, dépassant parfois les 70%, comme au Maroc. Les ventes informelles et le piratage ne doivent pas être sous-estimés. Certes, les prix sont attractifs pour le lecteur, mais cela affaiblit toute une industrie déjà fragile.
Renforcer les réseaux de distribution, mieux coordonner les services comme les douanes d’où proviennent parfois des copies illégales massives, notamment d’Égypte pour les livres arabophones et prévoir des réponses judiciaires dissuasives peuvent réduire ce phénomène.
- Les Salons du livre, organisés au Maroc, en Tunisie et en Algérie, sont-ils un véritable pont entre les pays du Maghreb ?
- Tout événement qui réunit aujourd'hui les trois pays est un pont. Ce terme peut parfois déranger, comme me l’a fait remarquer une amie, car un pont relie souvent deux points séparés par un obstacle. Cependant, après trente ans de fermeture de frontières, nous innovons avec des rencontres littéraires en ligne pour renforcer et cristalliser ces liens.
Les dernières rencontres entre les trois pays ont souffert des tensions diplomatiques. Nous vivons dans une région où le politique influence directement la vie économique et culturelle. Pourtant, le socle commun de nos sensibilités, nos racines profondes, nos rites et toutes les richesses culturelles partagées nous rappellent que l'idée d'un Maghreb uni est toujours présente dans nos esprits et dans nos cœurs.
- Enfin, quelles solutions pour la jeunesse au Maghreb ?
- Nous prévoyons d’organiser un concours de Nouvelles sur le thème d’un Maghreb uni, afin d’encourager un large public à reprendre la plume et à se réconcilier avec les mots. L’écriture peut souvent ouvrir la voie à la lecture, et ainsi combler cette distance. Les écoles ont également un rôle à jouer. À l’image de l’initiative turque « Silence, on lit », elles pourraient instaurer la lecture comme une pratique quotidienne, permettant de reconnecter les jeunes avec cet univers littéraire exceptionnel.
Portrait
Propulser le leadership
Amine est le co-fondateur du think tank ICEM (Initiatives pour la Communauté Economique du Maghreb) et occupe également le poste de Directeur de site chez HEYME, acteur majeur dans l’assurance des jeunes en France et à l’international. Possédant plus de 15 ans d’expérience, il propose d’expérimenter le leadership comme un véritable levier de développement collectif. Conférencier et formateur, il participe à des colloques sur le leadership auprès d’institutions publiques et privées. Il a contribué à la transformation managériale au sein du site HEYME avec une nouvelle approche : « Libérer le pouvoir ». Il mobilise son énergie au service de la jeunesse au Maghreb s’engageant sur le défi des 7 plus hauts sommets de chaque continent, en l’occurrence Kilimanjaro en Tanzanie (Afrique), Aconcagua en Argentine (Amérique), Ejbrus en Russie (Europe). Son prochain défi est de grimper Denali, 6190m, en Alaska. Marathonien, ceinture noire de Judo, randonneur en haute altitude, il prend chaque défi comme une chance en mettant en avant les bienfaits sur le collectif, à l’image du leadership.
Amine est le co-fondateur du think tank ICEM (Initiatives pour la Communauté Economique du Maghreb) et occupe également le poste de Directeur de site chez HEYME, acteur majeur dans l’assurance des jeunes en France et à l’international. Possédant plus de 15 ans d’expérience, il propose d’expérimenter le leadership comme un véritable levier de développement collectif. Conférencier et formateur, il participe à des colloques sur le leadership auprès d’institutions publiques et privées. Il a contribué à la transformation managériale au sein du site HEYME avec une nouvelle approche : « Libérer le pouvoir ». Il mobilise son énergie au service de la jeunesse au Maghreb s’engageant sur le défi des 7 plus hauts sommets de chaque continent, en l’occurrence Kilimanjaro en Tanzanie (Afrique), Aconcagua en Argentine (Amérique), Ejbrus en Russie (Europe). Son prochain défi est de grimper Denali, 6190m, en Alaska. Marathonien, ceinture noire de Judo, randonneur en haute altitude, il prend chaque défi comme une chance en mettant en avant les bienfaits sur le collectif, à l’image du leadership.