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Interview avec Ahmed Ait Sidi Abdelkader : « Le Maroc aura besoin d’une stratégie à part entière pour accompagner les MRE porteurs de projets »


Rédigé par Mina Elkhodari Lundi 9 Janvier 2023

Les Marocains résidant à l’étranger (MRE) révèlent des talents dans plusieurs domaines de par le monde et s’illustrent ainsi comme les ambassadeurs de l’excellence marocaine à l’étranger. C’est le cas de l’artisan marocain Ahmed Ait Sidi Abdelkader qui façonne les trophées et médailles de prestigieuses compétitions sportives pour le compte d’une entreprise italienne. Interview avec celui qui, fier de son attachement à la mère-patrie, plaide pour plus d’efforts pour encourager les MRE porteurs de projets.



- Vous êtes le seul artisan marocain et étranger parmi les artisans d’une entreprise italienne spécialisée dans la fabrication des médailles et trophées des compétitions sportives. Comment avez-vous joint ce domaine ? 

- Après avoir quitté Ouarzazate vers l’Italie au début des années 90, j’ai travaillé dans la maintenance de pièces de rechange avant de rejoindre l’entreprise italienne spécialisée dans la conception et la fabrication des médailles et trophées des compétitions sportives internationales. En fait, depuis ces années, j’ai participé à la conception des trophées de la Coupe du Monde à six reprises, à l’occasion des éditions de la Coupe du Monde de Corée du Sud et Japon en 2002, d’Allemagne en 2006, d’Afrique du Sud en 2010, du Brésil en 2014 et de Russie en 2018, et enfin la version du Qatar en 2022.

Je suis le seul Arabe et Marocain parmi les artisans de cette entreprise. Le fait de vivre cette expérience si unique et de travailler pour la conception d’un trophée qui fait la joie de toute une nation, me rend aussi fier d’autant plus que je suis Marocain.

D’ailleurs, mon intérêt pour l’artisanat n’est pas dû au hasard, car je suis issu de famille d’artisans. Depuis mon jeune âge, je regardais ma mère en train de faire le tissage des tapis pour les vendre aux touristes de la région. C’est de là que j’ai appris à aimer l’artisanat. 

- Vous avez participé à la fabrication de plusieurs médailles et trophées de prestigieuses compétitions sportives, pourtant, le précieux trophée de la Coupe du Monde au Qatar 2022 a fait, pour vous, un effet spécial. En quoi cette édition était singulière ? 

- Nous avons fabriqué tant de trophées et de médailles, mais celle de 2022 a été exceptionnelle dans tous les sens, notamment pour moi en tant que Marocain car j’ai vu que l’équipe de mon pays était en lice pour gagner la Coupe du Monde, surtout qu’elle a excellé dans la compétition. 

D’ailleurs, depuis le début des travaux de fabrication du trophée et des médailles que les vainqueurs ont remportées, nous avons fait pour le Maroc, à l’exception d’autres équipes, deux boucliers dont un a été conçu spécialement dans les ateliers de l’entreprise, car nous étions sûrs que le Maroc va partir beaucoup plus loin dans la compétition. Effectivement, c’est ce qui s’est passé, l’équipe nationale est devenue la première équipe africaine à atteindre le carrée d’or et a levé haut le drapeau de son pays. 

- En tant que Marocain résidant à l’étranger, avez-vous constaté une évolution positive de l’image du Maroc en Italie et en Europe en général après le Mondial ? 

- Tout à fait. C’est un constat très important qu’il ne faut pas négliger. L’équipe nationale a donné une très bonne image du Maroc et des Marocains pour tout le monde.

Ici, en Italie comme dans pas mal d’autres pays, les Italiens ont encouragé l’équipe nationale durant tout son parcours au Mondial. Les Marocains sont traités après le Mondial de façon exceptionnelle. Lorsque les gens découvrent que je suis Marocain, que ce soit dans l’administration ou dans les grandes surfaces, ils n’hésitent pas à évoquer les Lions de l’Atlas et leur excellent parcours parmi les meilleurs de la Coupe du Monde.

Comme je suis très actif dans une association en Italie qui rassemble des personnes de différents pays, j’ai pu constater que le Maroc est devenu au centre des discussions. Tout le monde s’intéresse à notre pays et cherche à en savoir plus pour s’y rendre.

Sincèrement, l’exploit de l’équipe nationale a pu donner au Maroc, en quelques jours seulement, ce qui n’a pas pu être obtenu par de longues années de publicité touristique. 

- Vous avez vécu plus de 20 ans en Europe, avez-vous l’idée de revenir pour s’installer définitivement au Maroc ? 

- Le Maroc est dans notre cœur et dans notre sang. Je vous le dis en toute sincérité. Je suis immigré et fils d’immigrés, car mon père a quitté le Maroc dans les années 60 pour s’installer à l’étranger. Aujourd’hui, ma petite famille est à l’étranger, mais cela ne nous empêche pas de visiter le Maroc à chaque fois que c’est possible.

Pourtant, revenir au Maroc pour y investir s’avère difficile, non pas seulement pour moi mais pour plusieurs Marocains du monde, surtout en relation avec des dysfonctionnements qui persistent dans l’administration publique. D’ailleurs, des proches à moi ont décidé de lancer des projets au Maroc, mais ils se sont heurtés à plusieurs écueils pour régler leurs affaires administratives afin de lancer un simple projet.

Cette situation n’a certainement pas été favorable à plusieurs MRE désireux de se lancer dans l’investissement dans la mère-patrie. Elle peut même peser sur la volonté de plusieurs autres, car personne ne veut aujourd’hui s’aventurer à perdre du temps entre les administrations et les responsables.

Pour le cas de ma famille, nous avions au début l’idée de travailler pour 5 ans à l’étranger, gagner un peu d’argent avant de revenir à la mère-patrie. Or, les années passent si vite et les conditions au Maroc sont toujours loin de nous permettre d’y investir dans l’intérêt bien compris de notre pays et de son développement.

- Quelles sont, selon vous en tant que MRE, les actions à mener pour dépasser les difficultés qui rebutent les MRE porteurs de projets au Maroc, et pour les pousser à l’acte ? 

- Sans aucune hésitation, je dirai l’accélération des procédures administratives. Dans certains pays du monde arabe, le porteur de projet a droit à une procédure administrative facile, souple et moins délicate qui ne dépasse pas les 24 heures. Au Maroc, la procédure administrative est beaucoup plus longue que le séjour du MRE. Faute de trouver à plein temps un responsable à son poste ou de communication et pleines d’autres difficultés, le MRE passe de longs jours d’attente pour avoir une simple autorisation.

A cela s’ajoute le volet de la justice. En effet, des dossiers d’investissement de plusieurs MRE sont mis au placard au niveau de différents tribunaux du Royaume depuis des années, certains ont perdu leurs terrains, leurs biens immobiliers et même leur argent.

Comment se fait-il que le dossier d’un MRE reste dans les placards des tribunaux pour plus de 20 ans ? De ce fait, il faut mettre en œuvre la vision stratégique exprimée par SM le Roi Mohammed VI. C’est-à-dire la mise en place d’une stratégie à part entière en mesure de fournir un climat favorable aux MRE porteurs de projets et leur assurer l’accompagnement nécessaire. 

Si le côté administratif n’évolue pas, le Maroc perdra ses citoyens qui vont certainement opter pour d’autres pays là où la situation est beaucoup meilleure pour investir. Les procédures des règlements des différends dans les tribunaux de commerce devraient également être plus souples et plus rapides pour les MRE.

Recueillis par Mina ELKHODARI 

Vers un dispositif incitatif spécial dédié  aux Marocains du Monde
 
La migration marocaine vers l’étranger a connu une évolution remarquable au cours des dernières décennies, et le Maroc compte, selon le Haut-Commissariat au Plan (HCP), plus de cinq millions de Marocains Résidant à l’Etranger (MRE). Plus des quatre-cinquièmes d’entre eux sont présents en Europe, principalement en France, en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne. Au fil des années, ils se retrouvent de plus en plus dans d’autres pays, notamment méditerranéens, tels que l’Italie et l’Espagne, dans les pays d’Amérique du Nord (les Etats-Unis et le Canada), ainsi que dans les pays du Golfe.

D’ailleurs, les contributions des MRE à l’économie nationale en termes de devises ont frôlé, d’après les dernières données de l’Office des Changes, les 99,5 milliards de dirhams au titre des onze premiers mois de 2022. 

Compte tenu de la place qu’occupe cette communauté et de l’importance de son rôle dans l’économie nationale, SM le Roi Mohammed VI avait appelé à la mise en place d’un mécanisme adapté aux besoins des Marocains du Monde pour assurer leur encadrement et leur donner les moyens propres à favoriser leur épanouissement et les liens positifs avec la mètre-patri








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