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Interview : La singulière voie d’une célèbre voix off marocaine


Rédigé par Safaa KSAANI Jeudi 9 Mars 2023

Chacun a eu le loisir d’imaginer la personne derrière la voix « mystère » de l’ONCF à sa manière. Nous l’avons rencontrée, pour justement mettre un visage sur son nom. Interview avec la voix qui était familière à tout voyageur (se) de train dans le pays.



- Dans le brouhaha des gares de train, la voix off est rassurante pour certains passagers, peut-être agaçante pour d’autres. Est-ce que vous étiez prédestinée à travailler pour le compte de l’ONCF ? Racontez-nous le début de votre carrière…

- C’est en 2003 que j’ai commencé à faire des voix. Ma voix a accompagné l’ONCF de 2010 jusqu’à 2018. La voix actuelle n’est pas la mienne.
Le début de ma carrière était isolé. Je travaillais dans une boîte de production, j’occupais le poste de responsable de post-production. Mon mari était ingénieur de son dans la même boîte.
Au début, je ne couvrais que les voix des projets de la maison de production où je travaillais. Et c’est quand je sors en 2010 que je commence à faire des voix à gauche et à droite. Je suis quand même restée salariée entre 2010 et 2012 mais avec permission de sortir ma voix à l’extérieur. Il y a des clients qui m’accompagnent depuis que j’étais dans cette boîte de production.
Pour présenter les projets aux clients, je faisais souvent la voix « maquette ». C’est une voix qu’on pose sur le film final et qu’on projette au client ou à l’agence qui va valider à la fin. Ma voix était une maquette au départ. Peu à peu, cette voix est passée de maquette au choix final du client.
Je suis toujours en train d’écrire et vivre une belle carrière qui est partie de douze ans de salariat et 20 ans de voix off à ce jour. J’espère que ce n’est pas encore fini.
Je tiens à préciser que le choix de la voix se fait à travers plusieurs intermédiaires. Cela débute par une sélection vers l’agence de communication détenant le compte de l’ONCF ou autre projet. Ensuite, celle-ci fait une recommandation au client qui finit par choisir la voix qui lui semble bonne pour le projet.

- Est-ce que l’aventure de l’ONCF vous a ouvert d’autres portes ?

- Les projets que je réalise ne sont pas automatiquement des promotions qui nous ouvrent d’autres portes. Seuls les agences de communication ou boîtes de production et les autres confrères voix off, masculines et féminines, qui existent dans le métier reconnaissent la voix. On connaît la voix de chacun.
Le marché de la voix se partage entre une belle brochette. Il y a une part pour chacun et chacune d’entre nous. Je ne suis plus la voix off de l’ONCF depuis l’arrivée d’Al Boraq, en 2018. Celle de 2018 est celle d’une consœur, que je respecte beaucoup. C’est d’ailleurs l’une des doyennes de la voix off au Maroc. Les gens ont retenu la mienne. Ça fait partie de la mémoire collective (sourire).

- Selon vous, quelles sont les qualités d’une bonne voix ?

- La qualité de la voix dépend de plusieurs critères. D’abord la maîtrise de la voix. Ensuite arrive le type de tonalité, le jeu, savoir reconnaître le ton approprié au message que l’on veut interpréter, que ce soit un film institutionnel, une publicité, messagerie d’attente… Chaque format demande un ton, un grain de voix, un timbre… On conjugue tous les éléments nécessaires pour répondre au besoin du client.
Quand on arrive à une certaine expérience, les formats se répètent et dès qu’on a le texte sous les yeux, on sait ce qu’il faut donner. Parfois c’est en « one shot », parfois plus. En tout cas moins de fois qu’au début de carrière (rires).

- Des conseils pour bien travailler sa voix ?

- Quand on travaille avec sa voix, il faut en prendre soin. La voix est un organe très précieux. On s’en sert dans notre vie quotidienne. Je suis arrivée à déduire, au fil du temps qui passe, qu’il n’y a pas mieux que la reposer. On a beau prendre du miel, des tisanes, des corticoïdes, en cas d’inflammation… mais, généralement, nous détectons la fatigue vocale avant qu’elle n’arrive à extinction. Il faut savoir être alarmé au bon moment. On ralentit la cadence s’il le faut. J’ai des habitudes que je fais. Souvent, je préfère transmettre un audio vocal au lieu d’émettre un appel téléphonique par exemple.

- L’avènement de l’Intelligence Artificielle, notamment de logiciels pour créer des voix off, ne menace-t-il pas ce métier ?

- Très intéressante question (sourire). L’intelligence Artificielle commence déjà à prendre place. Sur Youtube par exemple, on tombe sur des voix artificielles, robotisées, stéréotypées.. Malheureusement, elles ne diffusent aucune émotion. On sent que ce n’est pas une voix humaine. Impossible de véhiculer de l’émotion pour un texte institutionnel ou une publicité promotionnelle par exemple. Il y a donc certains profils qui ne sont pas menacés par l’Intelligence Artificielle. Jusqu’à maintenant, je découvre qu’avoir une voix artificielle n’est pas du tout cher. Pour ceux qui n’ont pas de budget, c’est la solution adéquate. En même temps, je ne dis pas que le cachet de la voix off est cher ! Ce sont des cachets raisonnables, qui couvrent les droits d’utilisation, la prestation. Il ya tout de même une espèce de tournante et de la récurrence, qui fait qu’on arrive à vivre du métier de voix off. On ne s’enrichit pas non plus, mais on y vit convenablement.

- Quel regard portez-vous sur le domaine de la voix off au Maroc ?

- Pour ce qui est de l’avenir de la voix off au Maroc, je trouve qu’il y a beaucoup plus de voix qu’avant. Quand j’ai commencé en 2003, j’ai chevauché avec les doyens de l’époque. Je pense notamment à Naïma Lamcharki, Abdelkader Moutaa, Atik Benchiguer… Avant, ce sont les acteurs qui faisaient de la voix off. Certains acteurs le font toujours. Mais de nouveaux profils ont rejoint la caravane depuis ces dernières années. Tant mieux car cela crée de la diversité. Je trouve que la voix off est en plein essor.

- Mais ce domaine reste peu réglementé..

- Très peu réglementé ! Ce n’est pas encore bien ancré de façon à ce qu’il y ait une loi ou un syndicat. Chacun fait ce qu’il veut. Certains sont au-dessus du marché, d’autres en deçà. Ce qui crée une concurrence déloyale. Côté travail, il y a une part pour chacun. Souvent, le fait de l’exercer dépend de l’entourage. Il y a eu autrefois un essai de créer un syndicat, qui n’a pas abouti. Les voix ne se sont pas mises d’accord. On n’est suivi par personne.

 

Abdelkader Moutaa et Naïma Lamcharki : Acteurs « aficionados » de la voix off

De nombreuses générations ont suivi avec attention les spots publicitaires des speakers les plus connus de la télévision et de la radio marocaines. C’est le cas par exemple du grand Abdelkader Moutaa, et de Naïma Lamcharki, l'une des figures emblématiques de la scène artistique marocaine.

Leur timbre de voix familier était suffisant pour que le public marocain y prête écoute et attention. Ces deux grandes icônes ont fait la voix off de spots publicitaires de tous genres allant du culinaire à l’immobilier, en passant par des pages à dimension citoyenne.

Abdelkader Moutaa jouit par ailleurs d’une grande popularité en tant qu’acteur, notamment grâce au personnage de Taher Belfariat. Un pseudonyme que la plupart utilisent pour le désigner au lieu de son vrai nom. Quant à Naïma Lamcharki, l’une des figures emblématiques de la scène artistique marocaine, elle est qualifiée de « Dame d'exception de l'écran marocain ».

Elle a campé des rôles avec professionnalisme et singularité aussi bien dans le théâtre, qu’à la télévision et au cinéma. « Quand j’ai commencé en 2003, j’ai chevauché avec les doyens à l’époque. Je pense notamment à Naïma Lamcharki, Abdelkader Moutaa, Atik Benchiguer… Avant, ce sont les acteurs qui faisaient de la voix off. Certains acteurs le font toujours.

Mais de nouveaux profils ont rejoint la caravane depuis ces dernières années. Et c’est tant mieux car cela crée de la diversité», tels sont les souvenirs de Ghizlane El Merzougui, l’ex voix-off de l’Office National des Chemins de Fer (ONCF), qui trouve qu’aujourd’hui la voix off est enplein essor au Royaume.