L'Opinion Maroc - Actuali
Consulter
GRATUITEMENT
notre journal
facebook
twitter
youtube
linkedin
instagram
search



Actu Maroc

Hydrogène vert : Six projets lancés pour 319 milliards de dirhams d’investissement


Rédigé par Yousra RHARDOUD Samedi 20 Septembre 2025

Sous l’impulsion des hautes orientations royales, Aziz Akhannouch a présidé à Rabat la réunion de la commission de pilotage dédiée à l’hydrogène vert. Celle-ci a acté la réussite de la phase préliminaire du projet Chbika 1 et donné le feu vert aux études avancées pilotées par un consortium franco-danois.



Le Maroc multiplie les initiatives pour s’imposer comme un acteur majeur dans la filière de l’hydrogène vert. Entre validation de projets structurants et mise en garde d’experts internationaux, le Royaume avance avec détermination, tout en restant confronté à des défis à la hauteur de ses ambitions.

En tant que pays en développement, le Royaume aspire à devenir un leader dans la production d’hydrogène vert, principalement orientée vers l’exportation. Cette ambition s’inscrit dans une dynamique mondiale où la transition énergétique est au cœur des priorités, notamment en Europe et en Asie. Toutefois, cette orientation stratégique, si prometteuse soit-elle, nécessite une réflexion approfondie afin d’anticiper les risques susceptibles de compromettre son succès.

Lors d’une réunion tenue à Rabat, présidée par le chef du gouvernement Aziz Akhannouch, la commission de pilotage chargée de « l’Offre Maroc » a franchi une étape décisive. Elle a constaté la réussite de la phase préliminaire du projet Chbika 1, mené par un consortium franco-danois, et donné son feu vert au lancement des études avancées. Cette étape confirme l’entrée du Royaume dans une nouvelle phase de déploiement concret de sa stratégie hydrogène.

Parallèlement, la commission a validé la signature de contrats préliminaires pour réserver le foncier nécessaire à six projets, portés par cinq investisseurs nationaux et étrangers. Ces projets, alignés sur « l’Offre Maroc », concernent les trois régions du Sud et mobiliseront un investissement global estimé à 319 milliards de dirhams.

Pour Aziz Akhannouch, cette avancée traduit « la cadence positive » du déploiement de la stratégie nationale, en exécution des Hautes Orientations Royales. Selon lui, l’intérêt des investisseurs internationaux atteste de la confiance placée dans le Maroc et de son positionnement en tant que hub énergétique régional et mondial.

Le chef du gouvernement a rappelé l’importance de planifier de manière intégrée les infrastructures associées – réseaux électriques, ports et stations de dessalement – et de coordonner leur calendrier avec celui des projets hydrogène. La sélection des projets, a-t-il insisté, se fait selon une méthodologie « scientifique et transparente » afin de garantir un équilibre entre les intérêts des investisseurs et la bonne gestion du foncier public.
 
Un coût de production compétitif

Selon des données récentes publiées par l’Union Internationale du Gaz, le coût de production de l’hydrogène vert au Maroc s’élève à environ 4,6 dollars par kilogramme. Ce niveau place le Royaume dans une position relativement compétitive à l’échelle mondiale, en comparaison, l’Australie enregistre 6 dollars le kilo, tandis que l’Arabie Saoudite se situe à 5 dollars.

Pour l’hydrogène bleu – produit à partir du gaz naturel avec captage et stockage du carbone –, le Maroc affiche un coût de 2,6 dollars par kilo, inférieur à la moyenne internationale. L’Arabie Saoudite détient le record de compétitivité (2 dollars), tandis que l’Australie atteint 4 dollars.

Ces données confirment le potentiel du Maroc à attirer des investisseurs désireux de produire et exporter à des coûts raisonnables, dans un contexte de forte concurrence internationale.
 
Export vulnérable

Si les perspectives semblent favorables, l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) appelle à la prudence. Dans son rapport Green hydrogen strategy. A guide to design, l’organisation souligne que la croissance rapide du marché mondial de l’hydrogène vert, sur laquelle s’appuient les stratégies de nombreux pays, dont le Maroc, n’est pas encore assurée.

Trois piliers justifient aujourd’hui l’orientation exportatrice de ces pays : la demande croissante de pays développés comme l’Allemagne et le Japon, les analyses de marché des organisations internationales influentes (IRENA, AIE), et enfin des projections internes ou tierces anticipant une forte expansion du marché mondial.

Or, selon IRENA, ces prévisions restent fragiles. L’émergence d’énergies alternatives, les incertitudes réglementaires ou encore les contraintes logistiques liées au transport de l’hydrogène pourraient limiter la demande réelle et ralentir les exportations.

La réussite de la stratégie marocaine dépendra largement des investissements consentis dans les infrastructures, pipelines, stations de ravitaillement, adaptation du gazoduc Maghreb-Europe et modernisation des installations portuaires. Ces équipements, essentiels pour assurer la compétitivité du Maroc sur le marché mondial, représentent toutefois un risque financier considérable si la demande internationale ne suit pas les projections.

Le rapport de l’Union Internationale du Gaz rappelle d’ailleurs que la dynamique mondiale s’intensifie. L’Allemagne a engagé en 2024 18,9 milliards d’euros pour construire un réseau national de transport d’hydrogène. En parallèle, vingt entreprises françaises, allemandes, portugaises et espagnoles ont lancé l’alliance H2Med Southwestern Hydrogen Corridor pour créer un gazoduc reliant la péninsule Ibérique au Nord de l’Europe d’ici le début des années 2030. Un autre projet, baptisé Southern Hydrogen Corridor, vise à établir un gazoduc direct entre l’Afrique du Nord, l’Italie, l’Autriche et l’Allemagne.

L’Asie, jusqu’ici en retrait, accélère également. En Chine, la construction du pipeline Zhangjiakou Kangbao-Caofeidian, long de 973 kilomètres, avance rapidement. Il est appelé à devenir le plus long gazoduc au monde entièrement dédié à l’hydrogène.
 
La nécessité d’une « demande d’ancrage »

Pour réduire les incertitudes, IRENA recommande la mise en place d’une « demande d’ancrage ». Il s’agit de garantir l’existence d’acheteurs stables, capables de sécuriser les revenus à long terme et d’atténuer les risques liés à la fluctuation des marchés internationaux. Ce mécanisme offrirait au Maroc une double sécurité : assurer la viabilité financière des projets et stimuler le développement d’un secteur national de l’hydrogène vert moins dépendant des aléas extérieurs.

En renforçant la demande locale, le Royaume pourrait ainsi attirer davantage d’investissements, favoriser l’innovation et consolider sa position en tant que leader régional dans le domaine des énergies renouvelables.
 
Succès conditionnel

L’hydrogène vert représente pour le Maroc une opportunité majeure d’accélérer sa transition énergétique et de renforcer sa souveraineté dans un secteur stratégique. Toutefois, la concrétisation de cette ambition passe par une gestion équilibrée entre exportation et marché domestique, par la sécurisation de partenariats solides et par une capacité d’adaptation face aux évolutions rapides du contexte mondial.

Avec des projets comme Chbika 1 et les investissements massifs envisagés dans les régions du Sud, le Royaume démontre sa volonté de passer de la planification à l’action. Mais, comme le rappellent l’IRENA et l’Union Internationale du Gaz, vigilance et flexibilité demeurent indispensables pour transformer cette ambition en un succès durable.
 
Yousra RHARDOUD

 

Position stratégique et retombées positives pour le Maroc

La position géostratégique du Royaume constitue un atout majeur pour l’exportation de l’hydrogène vert vers l’Europe, l’Asie ou les Amériques. Grâce à cet emplacement, le Maroc peut tirer parti des flux commerciaux internationaux tout en consolidant ses relations avec des partenaires industriels stratégiques. Si les projets sont principalement orientés vers les marchés étrangers, ils visent également à répondre aux besoins des industries locales, renforçant ainsi la chaîne de valeur nationale et stimulant l’innovation technologique.

Les projets sélectionnés génèrent de multiples externalités positives pour le Royaume. Ils favorisent l’intégration industrielle, créent des emplois qualifiés et contribuent au développement socio-économique des territoires d’implantation. Par ailleurs, ils offrent des retours financiers pour l’État, qui feront l’objet de négociations strictes selon le cadre contractuel défini dans l’Offre Maroc. Cette approche garantit un équilibre entre la rentabilité des investisseurs et les bénéfices durables pour le pays, tout en consolidant la position du Maroc comme hub énergétique régional et mondial.







🔴 Top News