La Santé publique continue d’être mouvementée par la colère des blouses blanches. Cela fait des mois que le personnel soignant multiplie les débrayages avec des grèves périodiques. Maintenant, la colère ne cesse de gronder au moment où les syndicats montent au créneau en lançant un mouvement de protestation d’une ampleur inédite. Les huit syndicats de la Santé, réunis sous la bannière de la Coordination nationale, s'apprêtent à mener dès mardi une grève nationale de trois jours, selon un communiqué conjoint publié la semaine précédente.
Après la première étape, la Coordination nationale prévoit une nouvelle vague de grèves pendant le mois de juillet à raison de trois jours de débrayage par semaine. Des grèves auront lieu du 2 au 5 juillet, avant de se poursuivre tout au long du mois avec une marche nationale qui sera organisée à Rabat devant le Parlement.
Certes, les grèves étaient souvent organisées, mais avec un impact mineur sur le système. Or, maintenant, elles risquent d’avoir un effet beaucoup plus direct sur la prise en charge des citoyens, puisqu’il est prévu, à partir du 15 juillet, d’arrêter plusieurs actes médicaux, à savoir les consultations spécialisées, les opérations à caractère non urgent, les caravanes médicales, et les opérations non urgentes. Aussi, est-il prévu de cesser la collecte des recettes dans les établissements hospitaliers à partir de cette date.
Il s’agit d’un cri de colère des syndicats contre le gouvernement et mesure de dernier recours, nous explique Mohammed Ouardi, Secrétaire général de la Fédération Nationale de la Santé, affilée à l’UMT. “Nous sommes peinés par ce nouveau débrayage auquel nous sommes contraints puisque c’est le gouvernement qui est à l’origine du blocage du dialogue”, nous explique, pour sa part, Mustapha Chennaoui, Secrétaire général du Syndicat national de la Santé publique relevant de la Confédération Démocratique du Travail (CDT).
Après la première étape, la Coordination nationale prévoit une nouvelle vague de grèves pendant le mois de juillet à raison de trois jours de débrayage par semaine. Des grèves auront lieu du 2 au 5 juillet, avant de se poursuivre tout au long du mois avec une marche nationale qui sera organisée à Rabat devant le Parlement.
Certes, les grèves étaient souvent organisées, mais avec un impact mineur sur le système. Or, maintenant, elles risquent d’avoir un effet beaucoup plus direct sur la prise en charge des citoyens, puisqu’il est prévu, à partir du 15 juillet, d’arrêter plusieurs actes médicaux, à savoir les consultations spécialisées, les opérations à caractère non urgent, les caravanes médicales, et les opérations non urgentes. Aussi, est-il prévu de cesser la collecte des recettes dans les établissements hospitaliers à partir de cette date.
Il s’agit d’un cri de colère des syndicats contre le gouvernement et mesure de dernier recours, nous explique Mohammed Ouardi, Secrétaire général de la Fédération Nationale de la Santé, affilée à l’UMT. “Nous sommes peinés par ce nouveau débrayage auquel nous sommes contraints puisque c’est le gouvernement qui est à l’origine du blocage du dialogue”, nous explique, pour sa part, Mustapha Chennaoui, Secrétaire général du Syndicat national de la Santé publique relevant de la Confédération Démocratique du Travail (CDT).
Dialogue sectoriel : blocage incompris !
Selon notre interlocuteur, la colère syndicale est due au blocage du dialogue sectoriel engagé depuis le mois de décembre avec le gouvernement sur la révision du statut des ressources humaines du secteur de la Santé et leur revalorisation. Une étape jugée alors indispensable avant de discuter des textes d’application de la loi relative à la Fonction publique sanitaire, récemment adoptée au Parlement.
Après tant d’avancées dans les discussions qui se sont soldées par un accord général et global, cet accord n’a pas été suivi d’effets, ce qui a condamné le dialogue à une sorte de traversée du désert. Faisons un flashback.
Dès décembre, les huit syndicats de la Santé ont initié un cycle de pourparlers avec une commission interministérielle dans laquelle siègent les représentants de tous les départements ministériels concernés. Plus d’une cinquantaine de réunions ont eu lieu et se sont soldées par un accord de principe, acté le 29 janvier, dans un procès-verbal. Un accord en vertu duquel le gouvernement avait consenti à accorder une hausse générale des salaires et à améliorer les perspectives de carrière pour plusieurs catégories du personnel soignant. Un accord plus concret a été trouvé le 24 janvier qui consiste à augmenter les salaires des infirmiers et des techniciens de la Santé à hauteur de 1500 dirhams avec la mise en place d’une prime d’encadrement d’une valeur de 1000 dirhams, en plus de la revalorisation des primes des indemnités de garde et de permanence. Concernant le régime de promotion, il a été convenu de le réviser de sorte à ouvrir aux professionnels de la Santé, notamment les infirmiers, les techniciens et le staff administratif, de nouvelles perspectives plus prometteuses. Raison pour laquelle il a été décidé de créer un nouveau grade et d’instaurer des concours de promotion interne pour leur permettre d’évoluer en fonction de leurs diplômes. Les syndicats ont obtenu aussi la préservation du statut de fonctionnaire.
La balle chez le gouvernement
Or, l'implémentation de cet accord demeure inachevée vu que les discussions semblent stagner à ce point depuis lors. “Nous n’avions reçu jusqu’à aujourd’hui aucune réponse quelle qu’elle soit”, regrette M. Chennaoui, ajoutant que ce silence est injustifiable parce la commission interministérielle n’aurait pas parlé avec nous si elle n’avait pas eu l’aval du Chef du gouvernement”. Cela dit, les syndicalistes reprochent au gouvernement son mutisme après tant de progrès acquis au fil du dialogue sectoriel. Pour sa part, le gouvernement n'a pas encore dit son dernier mot. Le ministère de la Santé estime avoir accompli son rôle. Le ministre Khalid Ait Taleb renvoie ainsi la balle au Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, dont l’arbitrage est décisif, surtout en ce qui concerne le coût financier de l’accord.
L’Exécutif semble prendre plus de temps que prévu pour étudier la facture au moment où le dialogue social dans son ensemble devient onéreux. Un argument qui ne passe pas aux yeux des syndicats qui doutent maintenant de la volonté du gouvernement d’aller jusqu’au bout.
Maintenant, les syndicats en colère exigent la reprise immédiate du dialogue pour mettre fin aux grèves, assure Mohammed Ouardi. Le flou risque de régner encore si le silence gouvernemental se poursuit. Dans ce cas-là, l’accord général qui constitue un acquis précieux est-il menacé ? Moustapha Chennaoui se montre réaliste. “Il est déraisonnable de repartir à zéro après tant d’avancées puisqu’il y va de la crédibilité du gouvernement en tant qu’interlocuteur”, insiste-t-il, rappelant que les syndicats veulent simplement que l’accord soit appliqué à la lettre.
Cette situation inquiète beaucoup d’observateurs qui appellent à une solution afin que la colère ne dégénère pas. Pour sa part, Allal Amraoui, député du Parti de l’Istiqlal, juge qu’il est important d’éviter l’enlisement en accélérant la cadence de la réforme du statut des professionnels de la Santé dans son intégralité, puisque, estime-t-il, le temps presse. “Il est important que les décrets d’application soient adoptés le plus rapidement possible parce que la réforme du système est déjà en cours et la généralisation de l’AMO a atteint des stades très avancés. Or, nous sommes toujours dans l’ancien système”, déplore le député qui rappelle que la valorisation des ressources humaines demeure indispensable à la réussite de la réforme de la Santé publique.
Anass MACHLOUKH
Trois questions à Allal Amraoui “Il faut éviter que la situation ne s’enlise davantage”
- Comment évaluez-vous la gestion du dialogue sectoriel par les parties prenantes ?
Aujourd’hui, nous sommes dans une phase de transition dans la refonte du système de Santé qui demeure une condition sine qua non pour la réussite de la généralisation de la couverture sociale. Pour mener à bien ce projet, l’implication des ressources humaines et leur valorisation sont indispensables. Raison pour laquelle la loi sur la Fonction publique de la Santé a été mise en place. Il est important que les décrets d’application soient adoptés le plus rapidement possible parce que la réforme du système est déjà en cours et la généralisation de l’AMO a atteint des stades très avancés. Or, nous sommes toujours dans l’ancien système en ce qui concerne le statut et la rémunération des professionnels de la Santé. Il faut donc accélérer la cadence pour répondre aux attentes des citoyens.
- En tant que député qui porte beaucoup d’intérêt aux questions de la Santé, êtes-vous optimiste pour la suite malgré les difficultés actuelles ?
Il y a eu un dialogue social constructif avec les syndicats du secteur de la Santé qui s’est soldé par un accord de principe. Maintenant, on espère qu’il y aura une réponse de la part du Chef du gouvernement qui, en principe, devrait avoir son mot à dire après l’aval du ministère de la Santé.
- Comment peut-on garantir que le dialogue entre le gouvernement et les syndicats aboutisse en fin de compte ?
Aujourd’hui, il faut faire en sorte que la situation ne s’enlise pas davantage compte tenu des grèves qui se multiplient et qui, par conséquent, impactent le fonctionnement des établissements hospitaliers. Aussi, faut-il aboutir à des accords pour faire avancer la réforme du secteur de la Santé dans sa globalité, car, je rappelle, la valorisation des ressources humaines en est une composante majeure. Comme la balle est dans les mains du chef du gouvernement maintenant, on espère que les discussions reprennent le plus vite possible.
Recueillis par Anass MACHLOUKH
Trois questions à Mustapha Chennaoui “Depuis la fin du mois de janvier, il y a eu un silence radio de la part du gouvernement”
Mustapha Chennaoui, Secrétaire général du Syndicat national de la Santé publique relevant de la Confédération Démocratique du Travail (CDT), a répondu à nos questions.
- Les grèves dans le secteur de la Santé se multiplient. Comment en est-on arrivé là alors qu’il y a eu des avancées majeures dans le dialogue social ?
Aujourd’hui, c’est le silence du gouvernement qui nous amène à cette situation. Depuis qu’on a signé l’accord de janvier, le gouvernement n’a pas donné suite au dialogue sectoriel. Permettez-moi de faire un flashback pour que les gens comprennent ce qui s’est passé. Nous avions entamé un dialogue sectoriel avec le gouvernement vu qu’il fallait parler du statut des professionnels de la Santé et de leur rémunération avant de discuter les textes d’application de la loi relative à Fonction publique de la Santé. Du 27 au 29 décembre 2023, nous, les huit syndicats représentatifs de la Santé, avions débattu avec une commission interministérielle, qui comprenait des responsables de tous les ministères concernés. Le gouvernement était ouvert aux revalorisations salariales, ce qui a abouti à un accord général signé par le ministère de la Santé au nom de la commission gouvernementale. Cet accord comprenait toutes nos revendications, à savoir la revalorisation générale des professionnels et la préservation de leur statut en tant que fonctionnaires de l’Etat, ainsi que le caractère spécifique de la fonction… Nous avons ensuite tenu une cinquantaine de réunions concernant l’implémentation de cet accord durant le mois de janvier. Nous sommes parvenus à un consensus sur la hausse des salaires, des indemnités, la promotion et la révision du statut de plusieurs catégories. Tout cela a été acté dans cet accord signé par le ministère qui, je rappelle, a été l’intermédiaire entre les syndicats et le gouvernement. Il fallait donc une date d’exécution. Le ministre a sollicité un arbitrage du Chef du gouvernement. Or, nous sommes surpris de constater qu’il y a eu depuis lors un silence assourdissant.
- Comment interprétez-vous ce silence gouvernemental, certains disent que c’est dû à la surcharge du calendrier, qu’en pensez-vous ?
Ce silence est d’autant plus incompréhensible que nous n’avions reçu aucune réponse, qu’elle soit négative ou positive. Peut-être que le Chef du gouvernement n’approuve-t-il pas cet accord. Chaque fois qu’on a interrogé le ministère de la Santé, il s’est montré évasif et a renvoyé la balle au Chef du gouvernement. Pour ma part, je pense qu’il n’y a rien qui justifie ce silence après tant d’avancées, sachant que la commission interministérielle n’aurait pas parlé avec nous si elle n’avait pas eu l’aval du Chef du gouvernement.
- Aujourd’hui, est-ce que l’accord qui a été signé est menacé ?
Nous demandons instamment que l’accord soit appliqué. Il n’est pas souhaitable de faire table rase de tous les acquis réalisés jusqu’à aujourd'hui. S’il n’y a aucune réaction de la part du gouvernement, nous allons continuer notre mouvement de protestation avec la perspective de monter d’un cran.
Recueillis par Anass MACHLOUKH