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Gare à l’inflation des diplômes !


Rédigé par Saâd JAFRI le Mardi 17 Juin 2025



Gare à l’inflation des diplômes !
En octobre 2024, alors que les bruits de couloirs sur un éventuel remaniement ministériel prenaient de l’ampleur, le ministère de l’Enseignement supérieur figurait parmi les postes les plus fragilisés. Bien qu’il s’agisse de l’un des départements les plus complexes à piloter - aux côtés de la Santé et de l’Éducation nationale - en raison des carences structurelles accumulées au fil des décennies, le bilan de l’ex-ministre accusait un grand déficit, alors que sa réforme, annoncée en grande pompe, n’avait pas avancé d’un iota. 

C’est dans ce contexte tendu qu’Azzedine El Midaoui a hérité du maroquin, avec pour mission de dénouer des dossiers au point mort depuis plus de deux mandats. Sept mois après sa prise de fonction, l’ex-Président de l’Université Ibn Tofaïl se retrouve au centre des débats après avoir proposé une réforme du cycle de Master, permettant à chaque étudiant d’y accéder sans concours. Une annonce qui survient dans la foulée du scandale de l’Université Ibn Zohr, dont le Président fait l’objet d’une enquête pour « suspicion de manipulation des diplômes universitaires ».

Pour assainir le système et lutter contre ce genre de dérives, le ministre a proposé, au Parlement, une nouvelle architecture académique avec des Masters « généraux » ouverts à tous, sans sélection stricte, et des Masters d’excellence, accessibles sur dossier, mais sans les redoutables concours. Si la mesure est défendue par la tutelle sous couvert de l’égalité des chances, il n’empêche que cette ouverture sans garde-fous risque d’entraîner une inflation des diplômes, à l’instar de ce qui s’est produit avec la licence, dont la valeur est aujourd’hui largement dépréciée sur le marché de l’emploi.

Sans préjuger de la faisabilité financière et technique de cette mesure, un tel engagement suppose avant tout une évaluation rigoureuse de la capacité du marché du travail à absorber un nombre croissant de diplômés issus de ces filières. Faute de quoi, le risque d’aggraver le décalage entre formation et insertion professionnelle serait réel. Et si le gouvernement justifie sa démarche en s’appuyant sur des exemples européens, notamment celui de la France, il serait toutefois plus pertinent de compléter ce benchmark par une analyse comparative des capacités respectives des tissus économiques à créer des emplois qualifiés.

Ceci sans parler des conséquences intergénérationnelles que pourrait avoir une telle mesure, alors que, jusqu’à aujourd’hui, obtenir un Master relevait d’un effort soutenu, souvent considéré comme une étape clé vers le statut de cadre. Le débat dépasse donc le cadre strictement académique pour embrasser des dimensions économiques, sociales et politiques plus larges. Il ne s’agit pas simplement de repenser les modalités d’accès à la formation, mais de réfléchir à un nouvel équilibre entre équité, massification et excellence. Une équation complexe que la réforme ne saurait résoudre sans une vision rigoureuse et surtout concertée.



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