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Exercices algériens près du Maroc : les messages déchiffrables des gesticulations de l’ANP


Rédigé par Anass Machloukh Vendredi 12 Mai 2023

Près de la frontière marocaine à Tindouf, l’Armée algérienne a tenu un exercice tactique à munitions réelles. Une démonstration de force perçue comme une réponse à African Lion, surtout après l’annulation de l’exercice russo-algérien. Décryptage.




Fidèle à sa doctrine stupidement hostile, l’Armée Nationale Populaire algérienne (ANP) a un seul ennemi dans son imaginaire : le Maroc. Cette obsession s’incarne même dans ses stratégies et sa façon de s’entraîner. Dans une démarche qualifiée de provocatrice, l’Armée algérienne a mené un exercice de grande ampleur près des frontières marocaines. Tenu sous le commandement du Chef d’Etat-major, Saïd Chengriha, cet exercice tactique, dénommé « El-Fasl 2023 », s’est déroulé à balles réelles dans la troisième région militaire qui correspond au secteur opérationnel du Sud.

Le déroulement des exercices a fait l’objet d’une communication officielle ostentatoire. Les médias algériens, comme d’habitude, ont diffusé allègrement les images des exercices sous le regard impassible et figé de Chengriha, le véritable maître de l’Algérie.
Sur le terrain, des unités terrestres et aériennes ont manœuvré conjointement. L’ANP a déployé la neuvième brigade blindée et la quatrième division d’infanterie mécanisée. Il a été procédé à des tirs à balles réelles de courte et moyenne portée.  Ces brigades susmentionnées ont été appuyées par des unités aériennes et d’autres composantes de l’Armée, selon le ministère algérien de la Défense.

Balles réelles… Une constante !

Ce n’est pas la première fois que l’Armée algérienne s’entraîne à la frontière marocaine à munitions réelles. L’ANP est habituée à tenir de tels entraînements. Les exemples sont nombreux. On en cite l’exercice « Al Hazm » qui a eu lieu le 18 janvier 2021 au Sud de Tindouf et les manœuvres de mai et de juin de la même année. Le ministère algérien de la Défense n’a pas manqué de se réjouir de ce qu’il a appelé « un succès », comme il l’a fait savoir dans un communiqué.

Le fait que ces exercices soient tenus près de la frontière marocaine n’est point étonnant, vu que tout le monde sait que le Maroc est le point central  de la doctrine militaire algérienne. Mais le timing est interpellant puisque l’état-major algérien a choisi d’organiser ces exercices à la veille de la tenue d’African Lion au Maroc, le plus grand exercice militaire multilatéral en Afrique.

Une bravade pour oublier une frustration !

L’exercice commencera le 22 mai. Selon Mohammed Chakir, expert des questions militaires, il constitue une démonstration de force de l’Armée algérienne qui veut pour sa part montrer, selon notre interlocuteur, ses capacités militaires au Maroc. L’expert ajoute que les militaires algériens veulent faire oublier leur incapacité à abriter des exercices aussi gigantesques qu’African Lion en se livrant à une bravade près des frontières marocaines.

En effet, l’Algérie prévoyait d’organiser un exercice de grande envergure, appelé « Bouclier du désert », aux côtés de la Russie au désert algérien. Cet exercice, qui était censé se dérouler à Bechar, a été conçu comme une réponse à African Lion. Toutefois, il a fini par être mystérieusement annulé. Jusqu’à présent, les véritables raisons de cette annulation subite et mal expliquée demeurent méconnues. Ce qui prouve que l’Algérie a du mal à rassembler ses alliés.
Du point de vue de Mohammed Chakir, le choix de Tindouf est symbolique parce que, selon lui, l’Algérie veut confirmer qu’elle est le maître d’une région historiquement contestée.

Par ailleurs, les bravades algériennes sont une façon pour l’ANP de montrer ses muscles au moment où la course à l’armement bat son plein. Avec des armes russes qui ne font pas le boulot devant l’armement occidental, l’état-major algérien voit d’un mauvais œil l’amélioration qualitative de l’arsenal marocain qui a été renforcé par des armes de pointe tels que les lance-roquettes HIMARS et d’autres systèmes d’artillerie israéliens. Bien qu’il ne succombe pas à la folie dépensière, le Maroc modernise son armement de façon ciblée avec des choix adaptés aux menaces qui guettent son intégrité territoriale. Une attitude totalement opposée à la doctrine de l’Algérie qui, sous prétexte d’une menace imaginaire, dilapide excessivement l’argent du contribuable algérien pour s’armer jusqu’aux dents.

Sous la houlette d’un cartel de généraux vieillissants, l’ANP a doublé son budget militaire de 9,3 à 22 milliards de dollars, soit 12% de son Produit Intérieur Brut, devenant ainsi le premier budget de défense au niveau de l’Afrique. Cette folle enveloppe est soi-disant dédiée à moderniser un armement vieillissant, l’un des points faibles d’une armée qui s’est bourrée d’armements soviétiques obsolètes depuis déjà longtemps.

Trois questions à Mohammed Chakir

 
« L’Algérie veut montrer qu’elle peut manœuvrer sans ses alliés »
 
Mohammed Chakir, expert dans les affaires militaires, a répondu à nos questions sur les non-dits des exercices tenus par l’Armée algérienne près de la frontière marocaine. 

-A votre avis, comment expliquer le timing de cet exercice ?

De mon point de vue, je trouve que la tenue d’un exercice à balles réelles d’une si grande envergure à ce moment précis n’est pas fortuite et il est clair qu’il est dirigé principalement contre le Maroc. L’Armée algérienne a voulu transmettre plusieurs messages politiques. En plus des démonstrations de force classiques dont nous sommes habitués, il s’agit d’une réponse indirecte à la tenue prochaine de l’exercice African Lion au Sahara marocain. Le message des Algériens est facile à déchiffrer. Ils veulent faire comprendre qu’ils sont capables de tenir des manœuvres de grande envergure sans avoir besoin de partenaires étrangers.

-Mais l’Algérie voulait manœuvrer conjointement avec la Russie à Béchar dans le cadre de l’exercice « Bouclier du désert » qui a été finalement annulé. Pensez-vous que l’Algérie ne peut plus compter sur la Russie comme allié militaire incontournable ?

Tout le monde sait que la Russie est très empêtrée dans la guerre en Ukraine qui absorbe l’essentiel de son effort militaire. Moscou n’a nulle capacité à s’engager militairement sur plusieurs fronts à la fois, comme il ne peut s’engager de façon permanente dans des agendas militaires en Afrique du Nord tel que le voudrait l’Algérie, même si leur partenariat militaire reste solide.
 
-Comment peut-on interpréter le choix récurrent de Tindouf ?
 
A mon avis, ce choix est facilement explicable. D’abord, tout le monde connaît la sensibilité de cette région dans l’Histoire des relations maroco-algériennes. Maintenant que le débat sur le Sahara oriental est ressuscité, je pense que l’Armée algérienne a voulu montrer que cette région est sous souveraineté de l’Algérie et qu’elle est capable de la défendre militairement. Je pense que Tindouf restera un théâtre de prédilection pour l’ANP, surtout après que les FAR aient créé une zone militaire à l’Est du Royaume.  
 
Propos recueillis par Anass MACHLOUKH