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Evénements d'Al Hoceima, les failles du rapport du CNDH


Rédigé par Saad Jafri Mercredi 11 Mars 2020

Le CNDH vient de publier son très attendu rapport sur les événements d’Al Hoceima. Maladroitement formulé et d’un ton déséquilibré, ce rapport suscite déjà la polémique. Analyse.



Entre 2016 et 2017, Al Hoceima a tremblé.
Entre 2016 et 2017, Al Hoceima a tremblé.
Dans un résumé de quelque 73 pages, le CNDH présente sa vision des troubles sociaux ayant émaillé Al Hoceima et sa proche région entre 2016 et 2017.  Cette vision découle des investigations et recoupements menés pendant plus de deux années, au bout desquelles la mouture du rapport présenté à la presse dimanche 8 mars a été peaufinée. De prime abord, ce qui saute aux yeux dans la copie rendue par le CNDH, c’est le ton partial et l’orientation pro-sécuritaire adoptés, générant un déséquilibre patent entre les positions des diverses forces et parties en jeu. Le timing de la présentation de ce rapport est également jugé inopportun compte tenu du contexte national et régional tendu marqué par une nette récession économique et par la multiplication des troubles sociaux à rallonge dans le voisinage immédiat du Royaume. Enfin, ce rapport pêche par excès d’approximations chronologiques et linguistiques, sans doute involontaires, qui nuisent à son image.

Les manifestants mis à l’index

Pour se donner bonne conscience et laisser miroiter une apparente impartialité, le CNDH prend certes le soin d’attribuer aux autorités quelques actions abusives, mais à l’autre bout de la chaîne, il s’empresse d’accabler les manifestants d’Al Hoceima, leurs leaders en tête, de presque tous les maux et travers de cette crise. Côté statistiques et sans doute est-ce cela le principal mérite de ce rapport, le CNDH comptabilise un total de 814 manifestations durant les 12 mois des événements tout en précisant qu’il n’y a eu aucune demande préalable d’autorisation de manifester. Ainsi, le CNDH catégorise les manifestations qu’a connues la ville en trois phases. La première phase s’étend du mois d’octobre 2016 au mois de mars 2017. Baptisée période de protestations pacifiques, cette période dont la fin coïncidait selon le CNDH avec le mois de Ramadan aurait été marquée par des manifestations nocturnes à caractère non violent en raison du mois du jeûne. Ce qui est une flagrante erreur chronologique puisqu’en 2017 le Ramadan ne coïncidait pas avec le mois de mars, car il ne commençait que le 26 mai, soit deux mois plus tard. 
Quant à la deuxième étape du mouvement, le rapport indique qu’elle a été caractérisée par une certaine rudesse, notamment suite aux jets de pierres lors des tentatives des forces de l’ordre pour disperser les rassemblements, période pendant laquelle la mort d’Imad Ettabi et d’une autre personne, a été enregistrée, sans autres victimes civiles. La dernière phase selon le rapport, qui concerne particulièrement la période qui s’étend du 26 mars au  27 juillet 2017, a été marquée par une « violence aiguë », puisque les manifestants ont mis le feu à des infrastructures publiques.
Dans le même sens, le CNDH indique que seules 8% des manifestations ont connu l’utilisation de la force et seulement 40% ont nécessité un encadrement des forces de l’ordre. Ceci dit, le rapport s’est attardé sur les violences subies par les forces de l’ordre, avec force détails et chiffres à l’appui, sans s’attarder ni donner d’informations consistantes sur les victimes civiles (à l'exception du cas notoire d'Imad Ettabi), soulignant que la violence provenant des forces de l’ordre était dans la majorité des cas en réaction à la violence des manifestants ou à leur refus d’obtempérer.

Un ton de réquisitoire

Dans une formulation calquée sur celle du ministère public et des forcesde l’ordre, le CNDH, une instance supposée être autonome et impartiale, dénonce également dans son rapport la nature de certains discours tenus par les manifestants d’Al Hoceima, avec en mode sous-entendu leur mise sans distinction dans le même panier avilissant du racisme et de l'antisémitisme.
Sautant du registre politique au registre religieux, le rapport du CNDH s’attarde longuement sur la fameuse intrusion de Nasser Zefzafi en pleine prière du vendredi et son interruption, le 26 mai 2017. Le Conseil National des droits de l’Homme coiffant cette fois-ci sa tiare ou plutôt son turban de théocrate, considère qu’il s’agit d’une grave atteinte à la liberté de croyance et de culte et condamne cette action qui «ne relève pas de la liberté d’expression ». L’argumentaire aurait été plus convaincant si le CNDH s’en était tenu aux faits déjà assez graves pour le concerné, sans en rajouter en expressions ronflantes et pétaradantes teintées de religiosité. Il l’aurait été d’autant plus si le propos avait été équilibré par une ou deux références, quelques chapitres plus tard, concernant l’enquête à ce jour inaboutie concernant la captation et la diffusion d’images de ce même Zefzafi dévêtu, au lendemain de son arrestation.
L’autre rare mérite du rapport du CNDH, c’est son exposé détaillé et instructif sur la guerre d’influence et de propagande enclenchée en marge des manifestations d’Al Hoceima sur le Web. Mais même à ce propos, le CNDH n’a pas pu s’empêcher de développer un plaidoyer à charge et à sens unique envers le camp des protestataires. Ce rapport laisse en effet entendre qu’un grand nombre d’informations relayées sur les réseaux sociaux étaient fausses (sur 302.000 publications, 10.000 portaient sur de fausses informations). Soit. Mais de là à laisser entendre que ces publications relèvent dans leur globalité de la pure désinformation et qu’elles n’ont rien à voir avec ce qui s’est passé dans la province d’Al Hoceima, sans en préciser les instigateurs et les pourvoyeurs, cela relève au mieux de l’approximation, au pire de la manipulation de l’opinion publique.
Saâd JAFRI








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