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Espace Afro-Atlantique : Cap géostratégique sur la profondeur africaine et océanique [INTÉGRAL]


Rédigé par Soufiane CHAHID Jeudi 9 Novembre 2023

Le discours Royal à l’occasion du 48ème anniversaire de la Marche Verte a confirmé la stratégie atlantique du Royaume, initiée depuis quelques années par des projets structurants comme le port Dakhla Atlantique et le gazoduc Maroc-Nigeria.



Le Maroc avance lentement mais sûrement dans la réalisation d'un pivot stratégique vers l'Atlantique. Sa Majesté le Roi Mohammed VI a confirmé cette stratégie à long terme dans Son discours marquant le 48ème anniversaire de la Marche Verte. Le Souverain a souligné la détermination à “entreprendre une mise à niveau nationale du littoral, incluant la façade atlantique du Sahara marocain. Nous sommes également attachés à ce que cet espace géopolitique fasse l’objet d’une structuration de portée africaine”.

“Notre souhait est que la façade atlantique devienne un haut lieu de communion humaine, un pôle d’intégration économique, un foyer de rayonnement continental et international”, a poursuivi Sa Majesté. A travers une ouverture sur le grand espace océanique, le Maroc aspire à jouer pleinement son rôle de carrefour commercial entre Atlantique et espace sahélo-saharien, entre Orient et Occident et entre Atlantique et Méditerranée.
 
Des projets d’infrastructure

“L'océan Atlantique a toujours constitué un levier géopolitique majeur pour la Maroc. Il représente l'ouverture sur le grand large, la protection du territoire, la surveillance du littoral, la consolidation des routes commerciales, les contacts diplomatiques développés. Cette politique a notamment été développée et accentuée par le Sultan Mohammed Ibn Abdillah (Mohammed III)”, nous explique Ali Moutaïb, directeur de l'École de guerre économique (Campus de Rabat) et expert en intelligence stratégique.

La réaffirmation de cette identité se concrétise à travers d'importants projets d'infrastructure, à commencer par le port Dakhla Atlantique. Lorsqu'il entrera en service, ce port deviendra l'un des ports en eau profonde les plus importants de la côte atlantique africaine. Situé à 40 kilomètres au Nord de la ville de Dakhla, il sera associé à une vaste zone industrielle et logistique de 1.650 hectares, qui offrira des services industriels et logistiques aux futurs investisseurs. 

Idéalement situé à une distance presque équivalente de Casablanca et de Dakar, il jouera un rôle clé en tant que point de transit commercial pour les pays enclavés de la région, tout en servant de porte d'entrée aux entreprises souhaitant pénétrer ces marchés mal desservis. Ce rôle sera consolidé par l’adhésion du Royaume à la ZLECAf et à la CEDEAO, en créant un espace économique intégré et dynamique.

Le second projet structurant est celui du gazoduc Maroc-Nigeria. Ce pipeline vise à transporter du gaz naturel des riches sous-sols nigérians au Maroc et même au-delà, en alimentant au passage 11 pays d’Afrique de l’Ouest. En créant un marché commun de l’énergie, le gazoduc Maroc-Nigeria contribuera à l’émergence d’une zone nord-ouest africaine intégrée et impactera directement la vie de plus de 340 millions d’habitants. 
 
Economie bleue

En se tournant vers ses 3.000 km de façade atlantique, le Maroc cherche également à valoriser les richesses halieutiques, minérales et énergétiques. Cela s’inscrit dans la stratégie nationale d’économie bleue, qui comprend aussi bien le tourisme littoral, les produits de la mer, le transport maritime, la construction navale, la production d'énergies marines, la gestion des câbles sous-marins ou l'extraction de matériaux marins.

“Pour le Maroc, l'économie bleue peut signifier un développement économique qui s'harmonise avec la conservation des écosystèmes marins, essentiels pour la production d'oxygène et la biodiversité globale. Le Maroc pourrait devenir un acteur mondial dans l'économie durable, créer de nouveaux emplois, une nouvelle industrie et consolider son influence”, détaille Ali Moutaïb.

Cette façade océanique pourrait devenir un atout majeur dans le développement des énergies renouvelables, en particulier de l'énergie éolienne. À cet égard, plusieurs projets ont été initiés, notamment à Tarfaya et à Dakhla. Dans la région la plus méridionale du Royaume, une partie de cette énergie sera utilisée pour le dessalement de l'eau de mer, comme c'est le cas pour les installations de Dakhla et d’El Guerguerat.

Récemment, l’ONEE a lancé un appel à manifestation d'intérêt (AMI) en vue de la réalisation d'une liaison électrique de très haute tension d'environ 1.400 km, reliant le Sud et le centre du pays. Ce projet vise à permettre aux régions centrales du pays de bénéficier de l'excédent d'énergie renouvelable produite dans le Sud.

Le Royaume s’intéresse aussi aux richesses sous-marines dans le Sahara atlantique. En 2021, l’ONHYM a signé un accord de recherche d’exploration pétrolière et gazière avec Ration Petroleum, en vue d’étudier et de prospecter le bloc Atlantique Dakhla, le long de la côte atlantique et s’étendant du littoral jusqu’au front de mer à des profondeurs d’eau d’environ 3.000 mètres.

Un autre point de cette zone pourrait receler d’importantes ressources minérales. Il s’agit du Mont Tropic, un paléo-volcan situé entre le Maroc et les îles Canaries, qui est décrit comme présentant un grand potentiel en tellure, cobalt et terres rares. La prospection de ce gisement est un des points de friction entre le Maroc et l’Espagne, chaque partie arguant qu’il se trouve dans ces eaux territoriales.
 
Sécuriser l’espace maritime

Cette question fait partie d’une problématique plus complexe, celle de la délimitation des frontières maritimes entre le Maroc et l’Espagne. En 2020, le Maroc a mis à jour son arsenal juridique en fixant son domaine maritime à 12 milles pour la mer territoriale, 24 milles pour la zone contiguë, 200 milles pour la zone économique exclusive et 350 milles maximum pour le plateau continental. L’Espagne conteste cette délimitation, qui, selon elle, chevaucherait la zone maritime de l’archipel canarien. 

Or, le Maroc ne peut pleinement déployer sa stratégie atlantique sans avoir réglé au préalable le problème de sa souveraineté maritime. En mars 2022, les deux royaumes voisins ont décidé de rebooster leurs relations diplomatiques, et de réactiver par la même occasion le groupe de travail sur la délimitation des espaces maritimes.

D’autres chantiers doivent également accompagner l'ambition de faire du Maroc une nation atlantique. Le Royaume ne peut prétendre devenir un carrefour de commerce maritime sans se doter de moyens de transport maritime de marchandises. Dans le discours de la Marche Verte, le Souverain a appelé à “la constitution d’une flotte nationale de marine marchande, forte et compétitive”.

L’Etat devra travailler à l’émergence d’acteurs publics et privés de transport et logistique maritimes, et doter le pays de chantiers navals qui pourraient assurer la construction, l’entretien et la réparation des navires. La formation dans les métiers du transport maritime doit accompagner ce projet.

Enfin, la sécurité du domaine maritime doit être une priorité. Pour attirer les grandes compagnies maritimes internationales, le Royaume devra veiller à protéger ses mers du banditisme, de la piraterie, du trafic de drogue et de l’immigration clandestine. Pour ce faire, une mise à niveau en moyens humains et matériels pour la Marine Royale et la Gendarmerie Royale est urgente. 
 

 

3 questions à Ali Moutaïb “La stratégie atlantique est une projection de puissance au niveau maritime”

Ali Moutaïb, directeur de l'École de guerre économique (Campus de Rabat), directeur associé au sein d'Hyperborée Advisors et expert en intelligence stratégique, a répondu à nos questions concernant les enjeux stratégiques et géopolitiques de l’océan Atlantique.
Ali Moutaïb, directeur de l'École de guerre économique (Campus de Rabat), directeur associé au sein d'Hyperborée Advisors et expert en intelligence stratégique, a répondu à nos questions concernant les enjeux stratégiques et géopolitiques de l’océan Atlantique.
Que représente l’océan Atlantique pour le Maroc ?
 
C'est une part indispensable de son identité, le Royaume n'aurait jamais été ce qu'il est aujourd'hui sans son identité atlantique, et cela au niveau de plusieurs échelles, notamment l’investissement dans les ports et les comptoirs commerciaux, le développement de flottes de combats, et une présence diplomatique ancienne.
 
Quels sont les enjeux stratégiques et géopolitiques du Maroc dans l’Atlantique ?
 
Ils résident à plusieurs niveaux. Si les routes du Sud vers l'Afrique et le commerce avec l'Europe ont toujours constitué des leviers géopolitiques majeurs du Maroc, il est temps que le Royaume réactive une présence active sur les routes maritimes, vers l'Afrique de l'Ouest notamment.
 
Il suffit de se rappeler qu'avant que le Maroc ne sécurise son passage d’El Guerguarate, le Polisario pouvait menacer de bloquer les routes commerciales terrestres vers la Mauritanie et donc l'Afrique de l'Ouest à tout moment.
 
Le Maroc doit consolider la coopération sécuritaire et militaire avec les pays de la CEDEAO et de la CEMAC pour faire face au défi de la piraterie dans le Golfe de Guinée, la sécurisation des câbles sous-marins, et celle des routes commerciales
 
Il doit aussi ouvrir de nouvelles routes maritimes commerciales pour booster l'export et la compétitivité du Royaume au niveau de la supplychain mondiale et régionale.
 
Quel autre aspect le Maroc doit-il considérer pour réussir cette stratégie ?
 
Il n'y a pas que l'aspect commercial et économique, car il est clairement question d'une stratégie de projection de puissance au niveau maritime. Afin que le Maroc consolide sa position de puissance régionale, il est indispensable qu'il investisse dans le domaine militaire.
 
En plus de la sécurisation des côtes, il est nécessaire d'investir, par exemple, dans des sous-marins. Dans le cadre de la coopération Sud-Sud, on peut aussi mettre en place une flottille commune de sécurité pour lutter contre la piraterie dans le Golfe de Guinée et assurer la sécurité des routes commerciales, notamment pour tous les pays de la façade atlantique de l'Afrique.
 
Pour cela, l'un des défis majeurs est le budget. La marine nécessite des technologies très avancées, il est donc essentiel de trouver des sources de financement.
 
Propos recueillis par Soufiane CHAHID

Stratégie 2030 : Vers la création de pôles portuaires

La stratégie portuaire 2030 est articulée autour de sept axes stratégiques, chacun contribuant à la réalisation des objectifs clés de modernisation et de compétitivité du secteur portuaire. Recherchant la performance portuaire, cette stratégie encourage l’innovation et la spécialisation des ports et terminaux, mettant l’accent sur la qualité des services portuaires afin de maintenir la compétitivité du Maroc sur la scène internationale. L’intégration des ports dans les chaînes logistiques mondiales est essentielle pour améliorer la compétitivité globale en termes de coût, renforçant ainsi la position du Maroc dans le commerce international.

Elle vise la création de synergies et la réduction des coûts d’exploitation, notamment par le partage d’infrastructures lourdes, qui sont essentielles pour maximiser l’efficacité du secteur portuaire. Cette stratégie vise la création de six pôles portuaires. Par pôle portuaire, on entend un regroupement géoéconomique et stratégique des ports d’une région ou d’une zone autour d’un ou plusieurs ports majeurs. 

 









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