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Entretien avec Latifa Ibn Ziaten : « C’est cela le Maroc, une terre d’accueil, de partage et de refuge »

Latifa Ibn Ziaten, présidente de “l’association IMAD pour la Jeunesse et la Paix”


Rédigé par Safaa KSAANI Lundi 22 Février 2021

La militante pour la paix et la tolérance entre les peuples vient d’obtenir le Prix Zayed pour la fraternité
humaine. Elle s’investit aujourd’hui pour améliorer la situation des réfugiés présents au Royaume.



Latifa Ibn Ziaten
Latifa Ibn Ziaten
- A l’initiative du HCR, vous vous êtes rendue, les 16 et 17 février à Rabat, pour exprimer votre solidarité avec les réfugiés présents au Royaume. A cette occasion, vous avez visité le Centre communautaire de la Fondation Orient-Occident. Quels constats en faites-vous ?

- Lors de cette visite, j’étais émue par l’ambiance du vivreensemble et de tolérance qui y règne. Il y a des femmes, des enfants, des familles et des personnes venues seules, de divers pays arabes et africains, dont la Palestine, la Syrie et le Yémen. Ils y vivent ensemble et apprennent des métiers, parmi lesquels il y a la menuiserie, la couture, la pâtisserie, entre autres. Les enfants apprennent à lire et à écrire. C’est une grande chance de réussite qui se présente à ces personnes. Ainsi, elles pourront mieux s’intégrer dans la société marocaine. Ces personnes ne fuient pas leur pays par plaisir mais à cause des guerres, la violence sexuelle basée sur le genre et l’opinion politique. Ils ont tant besoin de considération et d’empathie dans tous les pays qui les accueillent. Ils ont tout mon soutien.

- Les efforts déployés par le Maroc pour accueillir les demandeurs d’asile et les réfugiés se multiplient. Quel est le rôle des habitants du pays hôte dans ce sens ?

- On ne peut que se féliciter de l’engagement continu du Maroc pour la mise en œuvre du Pacte mondial pour les réfugiés. A ce jour, le HCR a enregistré au Maroc environ 8.000 réfugiés et 5.200 demandeurs d’asile. La Politique Nationale en matière d’Immigration et d’Asile, lancée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI en 2013, permet aux réfugiés l’accès à la protection ainsi qu’à l’éducation, la santé et l’emploi. Lors de ma récente visite à Rabat, j’ai constaté que les efforts déployés par le Royaume dans ce cadre sont à la hauteur des attentes. Humainement parlant, il est important que les habitants du pays hôte acceptent ces réfugiés en leur tendant la main. Les réfugiés sont là. Ils font partie des groupes qui ont besoin de soutien, de considération et d’empathie. C’est cela le Maroc, une terre d’accueil, de partage et de refuge, et de tolérance faite de diversité et d’acceptation des différences. Je connais l’importance de ces gestes de bienvenue, qui ont facilité mon intégration dans une culture dont j’ignorais à peu près tout.

La ville de Rabat accueille le plus de réfugiés par rapport aux autres villes du Royaume. Selon vous, quelle en est la raison ?

- Rabat est la capitale administrative et le cœur battant du Maroc. Tous les services nécessaires pour eux s’y trouvent. D’ailleurs, selon une enquête menée du 2 au 8 juin dernier par le Haut-Commissariat au Plan (HCP), en partenariat avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), Casablanca abriterait 13,9%, Oujda 7,3%, et Rabat 14,6%, plus du tiers des réfugiés (35,8%) est réparti sur ces trois villes.

Ladite note fait également ressortir que la moitié des réfugiés au Maroc sont des Syriens (48%), 16% des Yéménites, 12% des Centrafricains, 7% des SudSoudanais et 4% des Ivoiriens. Les autres pays africains représentent 7% et les autres pays arabes 6%.

Recueillis par Safaa KSAANI

Portrait

Une mère qui combat la haine par le vivre-ensemble

L’histoire de Latifa Ibn Ziaten est un témoignage vivant de la capacité de l’humain à surmonter toutes les épreuves sans résignation, ni rancœur et encore moins de désir de vengeance. L’espoir est le mot-clé de sa lutte. Elle est née à Tétouan en 1960. Elle passe les neuf premières années de sa vie en Espagne, aux côtés de sa mère et de ses trois frères et sœurs. De retour au Maroc après le décès brutal de sa mère, elle est confiée à la garde de son père et cesse de fréquenter l’école. Adolescente, elle part s’installer chez sa grand-mère, dont l’ouverture d’esprit et la force de caractère auront une influence certaine sur sa personnalité. À l’âge de 17 ans, Latifa Ibn Ziaten quitte le Maroc pour rejoindre en France, à Sotteville-lès-Rouen, son mari, employé comme cheminot à la SNCF. Devenue mère, elle éduque ses quatre garçons et sa fille de la même manière, sans distinction de genre. Année après année, elle mène une existence paisible, jusqu’à l’avènement du drame qui va changer la vie de sa famille en 2012. Son fils, le maréchal de logis-chef Imad Ibn Ziaten, fut assassiné à l’âge de 30 ans par Mohammed Merah, le 11 mars 2012.

Une association en hommage à son fils assassiné

Fondée par Latifa Ibn Ziaten le 24 avril 2012, “l’association IMAD pour la Jeunesse et la Paix” était la réponse de cette mère, blessée dans sa chair, aux attentats terroristes perpétrés à Toulouse. Elle porte le nom de son fils lâchement assassiné. Après Imad, et en moins de dix jours, sept autres personnes furent victimes du terroriste. 

Depuis la création de son association, Latifa Ibn Ziaten sillonne la France et va à la rencontre de la jeunesse, afin de préserver la cohésion sociale qui, jusqu’à présent, cimentait les relations entre les générations, ainsi qu’entre les Français “de souche” et les nouveaux arrivants.

S. K

Repères

Le HCR rend hommage à Latifa Ibn Ziaten
La militante franco-marocaine était à Rabat les 16 et 17 février. Une visite concoctée par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) dans le cadre de sa mission de soutien envers les réfugiés et personnes déplacées à travers le monde, selon un communiqué de cette Organisation internationale. « Je suis heureuse que ma première mission après l’obtention du Prix Zayed pour la fraternité humaine soit de rendre visite aux réfugiés au Maroc, a déclaré Latifa Ibn Ziaten dans un communiqué.
Lauréate du Prix Zayed 2021 pour la «fraternité humaine»
Figure de la lutte contre la radicalisation, Latifa Ibn Ziaten a reçu, jeudi 4 février, lors de la première Journée internationale de la Fraternité humaine, le Prix international “Zayed Award for Human Fraternity” à Abou Dhabi aux Emirats Arabes Unis, lors d’une cérémonie virtuelle, aux côtés du Secrétaire Général des Nations Unies, Antonio Guterres. Ainsi, cette militante devient la première femme à recevoir ce Prix.
Malgré la crise, elle maintient ses actions
Freinée par la crise sanitaire, Latifa Ibn Ziaten garde tout de même un contact avec les jeunes. Sur Facebook et par téléphone, elle continuait à diffuser son message de paix et d’amour. “Nous reprendrons des projets avec l’association Imad après cette crise sanitaire», promet-elle.








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