L'Opinion Maroc - Actuali
Consulter
GRATUITEMENT
notre journal
facebook
twitter
youtube
linkedin
instagram
search



Actu Maroc

Education : Gloires et déboires d’une réforme à contre-la-montre [INTÉGRAL]


Rédigé par Souhail AMRABI Lundi 4 Août 2025

A un an de l’échéance de la feuille de route prévue en 2026, le ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement préscolaire et des Sports, Mohamed Saâd Berrada, a affirmé que le gouvernement accorde une importance particulière au soutien de l’excellence scolaire des enfants issus de familles défavorisées.



L’octroi de bourses, les aides financières, ainsi que la mise en place de dispositifs d’accompagnement scolaire et d’orientation constituent autant de mesures que le gouvernement met en avant à l’heure où le compte à rebours des élections est déjà lancé.Ces initiatives sont présentées comme des leviers essentiels pour promouvoir l’égalité des chances et soutenir les jeunes talents, particulièrement ceux issus de familles modestes.

Dans sa réponse à une question parlementaire écrite, le ministre de tutelle a rappelé que l’investissement dans les capacités des étudiants brillants ne relève pas seulement d’une obligation sociale, mais représente également un choix stratégique pour l’avenir du Royaume. Miser sur ces jeunes, a-t-il expliqué, revient à préparer une génération capable de contribuer activement au développement du pays et de relever les défis économiques, sociaux et technologiques qui se profilent.

Barada a assuré que son département met tout en œuvre pour permettre à ces jeunes de poursuivre leur parcours scolaire et de réaliser leurs ambitions. Cette démarche s’inscrit dans une vision fondée sur l’égalité des chances et la justice sociale dans les domaines de l’éducation et de la formation. Pour atteindre cet objectif, le ministère déploie divers programmes et initiatives destinés à fournir un soutien financier, académique et social.
 
Ecosystème incitatif ?

Dans ce cadre, le ministre a présenté les mesures actuellement mises en place, qui visent à instaurer un environnement éducatif stimulant et durable, garantissant la réussite et l’excellence de tous les élèves et étudiants, en particulier ceux qui en ont le plus besoin.

S’agissant des bourses et des aides financières - sujet qui suscite régulièrement la frustration de l’opinion publique -, Berrada a indiqué que le ministère, en collaboration avec d’autres départements gouvernementaux, s’emploie à élargir le programme de bourses destiné aux élèves et étudiants méritants issus de familles à revenu modeste.Cet élargissement s’appuie sur la mobilisation de ressources financières supplémentaires et sur la simplification des procédures d’accès aux bourses, afin de permettre au plus grand nombre de poursuivre leurs études sans obstacles financiers.

À cette fin, les critères d’attribution des bourses sont progressivement actualisés pour garantir que l’aide atteigne les bénéficiaires les plus nécessiteux, apprend-on de même source. Parallèlement, les démarches administratives sont simplifiées et la base des bénéficiaires est élargie grâce à l’allocation de budgets additionnels au niveau central et régional. Le ministère accorde également une attention particulière au suivi des étudiants tout au long de leur parcours, afin de favoriser leur réussite académique et de lutter contre le décrochage scolaire, un phénomène qui pèse lourdement sur les indicateurs éducatifs du Royaume. Cette préoccupation est d’autant plus légitime que, chaque année, près de 280.000 élèves quittent l’école prématurément, dont environ 160.000 au niveau du collège.Pour y remédier, le ministère s’est fixé l’objectif de réduire le nombre total d’abandons scolaires, qui s’élevait à 295.000 en 2024, pour le ramener à 200.000 d’ici 2026. Parallèlement, il prévoit de réorienter au moins 80.000 collégiens, particulièrement exposés au risque de décrochage, vers les « écoles de la deuxième chance ». 
 
Rattrapage du temps perdu…

Outre l’aide financière, une attention particulière est portée au soutien scolaire et à l’encadrement pédagogique. Selon Berrada, le ministère met en place des séances de soutien au sein des établissements, notamment dans les matières fondamentales qui représentent souvent un défi pour les élèves. Des enseignants qualifiés sont mobilisés spécifiquement pour ces programmes.Le ministre a également mis en avant l’importance des partenariats stratégiques avec les associations de la société civile actives dans l’éducation et la formation. Ces partenariats permettent de développer des programmes d’accompagnement variés, incluant le soutien psychologique, l’orientation scolaire et l’appui pédagogique. D’après Berrada, le ministère veille à diversifier les moyens et les outils éducatifs afin de répondre aux besoins spécifiques des bénéficiaires, tout en évaluant régulièrement l’efficacité de ces dispositifs pour en garantir les résultats.

En gros, loin du langage institutionnel abscond qui finit par enfumer les lecteurs, le ministre fait référence surtout à l’école pionnière qui est un établissement numérisé où on enseigne par les nouvelles méthodes d’apprentissage, à savoir la méthode TARL et l’apprentissage explicite. On y enseigne de sorte à combler les lacunes des élèves pour les mettre à niveau.Un véritable défi pour notre système où les élèves passaient d’un cycle à l’autre sans avoir le niveau requis. Les carences s'accumulent à un degré tel qu’il devient impossible de se rattraper.

Jusqu’à présent, les premiers résultats des nouvelles méthodes mises en place apparaissent encourageants, comme l’a révélé le chef du gouvernement lors de la présentation de son dernier bilan en mai dernier. Selon les chiffres communiqués, un véritable effet de rattrapage est observable : le niveau d’apprentissage des élèves a été multiplié par quatre en mathématiques, par deux en arabe et par trois en français. Akhannouch a souligné que ces techniques se distinguent par leur efficacité, en particulier dans les établissements dits « pionniers », où les élèves affichent des performances supérieures de plus de 82 % par rapport à leurs camarades scolarisés dans les autres écoles. Mais pour que le chantier prenne son rythme de croisière, Mohamed Guedira, professeur universitaire et expert en politiques éducatives et ingénierie des compétences, estime qu’il faudrait améliorer l’accompagnement institutionnel des enseignants, qui se retrouvent souvent à gérer seuls les difficultés pédagogiques, « faute de soutien adéquat de la part des inspecteurs, dont la charge de travail reste considérable ».

Cela dit, Berrada a souligné la nécessité de programmes nationaux conjoints, impliquant à la fois le secteur public, le secteur privé et la société civile. Ces programmes se traduisent par des initiatives de partenariat destinées à mobiliser des ressources financières et humaines, ainsi qu’à mettre en place des mécanismes avancés de suivi et de soutien aux élèves et étudiants méritants, tant sur le plan matériel qu’académique.
 
Souhail AMRABI

 

3 questions à Mohamed Guedira : « Il faut favoriser des méthodes d’apprentissage plus ludiques et des activités enrichissantes »

  • Quel regard portez-vous sur l’évolution du processus de mise en œuvre du modèle des écoles pionnières ?
     
Le projet des écoles pionnières commence à porter ses fruits grâce à des investissements dans les infrastructures et des méthodes pédagogiques innovantes. Si l’instruction, notamment en mathématiques et en langues, reste une priorité, l’épanouissement personnel et le développement global des élèves et des enseignants doivent également être au cœur de ce modèle. Par ailleurs, la surcharge des programmes scolaires et le temps consacré à l’enseignement méritent d’être réévalués afin de réduire la pression sur les élèves. Il est également nécessaire d'accélérer la mise à jour des programmes pour les adapter aux évolutions, tout en favorisant des méthodes d’apprentissage plus ludiques et des activités enrichissantes.
 
  • Quelles améliorations préconisez-vous pour renforcer l’impact de ce projet ?

Il est essentiel d’améliorer l’accompagnement institutionnel des enseignants, qui se retrouvent souvent à gérer seuls les difficultés pédagogiques, faute de soutien adéquat de la part des inspecteurs, dont la charge de travail reste considérable. Dans le monde rural, un effort particulier doit être fait pour améliorer l’accès des élèves aux écoles, notamment par l’amélioration des services de transport scolaire.
 
  • À quel point la pluralité des pédagogies est-elle importante pour la réussite du projet des écoles pionnières ?

Nous avons toujours souligné l’importance de l’autonomisation des établissements scolaires, afin de leur permettre d’adapter leurs approches pédagogiques aux besoins spécifiques de leurs élèves. De nombreuses méthodes ont démontré leur efficacité, notamment la classe inversée ou encore la pédagogie par la découverte. Cependant, dans le contexte actuel marqué par des lacunes d’apprentissage persistantes et une maîtrise encore insuffisante des différentes approches pédagogiques par la nouvelle génération d’enseignants, le choix d’un modèle unique peut se justifier. Si l’on espère instaurer la pluralité des pédagogies, il faut lancer un chantier dédié à la formation continue et approfondie des enseignants. Ce projet doit être mis en œuvre parallèlement à la généralisation des écoles pionnières, afin de garantir que la diversité pédagogique devienne, à terme, une richesse pleinement exploitée au service de la réussite des élèves.
 


Classement mondial : Où est notre baguette « magique » pour la réussite ?

La réforme de l’Education est ainsi présentée comme un succès, mais cette qualification est contestée et peut prêter à confusion. En réalité, il s’agit davantage d’une opération de sauvetage que d’une réussite aboutie. Parler de succès ne sera pertinent que lorsque le Maroc aura réellement amélioré son classement dans les évaluations internationales, comme le programme PISA. Or, le pays se situe actuellement au 75ème rang sur 79 en matière d’apprentissages. Plus inquiétant encore, 30 % des élèves marocains de moins de quinze ans ne maîtrisent pas les compétences de base. À titre de comparaison, un élève marocain accuse en moyenne trois années de retard sur un élève turc, ce qui illustre l’ampleur du fossé et la profondeur de la crise éducative.

Face à cette situation, le ministère mise fortement sur les nouvelles techniques d’apprentissage, présentées comme une solution clé à tous les maux du système éducatif. Mais il convient de rester lucide car ces outils constituent un moyen, et non une fin en soi. « C’est une baguette, en effet. Mais je ne peux vous dire si elle est magique », avait rappelé Hamid Bouchikhi, membre du Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique, lors d’une interview accordée à « L’Opinion ».

Pour lui, la réussite de la réforme repose avant tout sur un travail rigoureux d’identification des lacunes du système et, surtout, sur la capacité à implanter les écoles pionnières dans les zones rurales et les régions éloignées. Ce point a d’ailleurs été vivement critiqué lors du grand oral du chef du gouvernement, l’opposition estimant que les territoires ruraux restent largement laissés pour compte dans la stratégie actuelle.







🔴 Top News