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Eaux non-conventionnelles : L’enjeu stratégique de la déminéralisation des eaux saumâtres [INTÉGRAL]


Rédigé par Omar ASSIF Samedi 2 Mars 2024

Le Royaume est actuellement en cours d’étendre son réseau de stations de déminéralisation des eaux saumâtres afin de mettre à profit des ressources non-conventionnelles peu valorisées.



Alors que les indicateurs hydriques du Royaume étaient au rouge, les récentes précipitations enregistrées ces derniers jours au niveau national ont permis de mitiger des déficits inédits depuis plusieurs décennies. Chantier stratégique et existentiel, l’enjeu de l’eau continue à mobiliser les diverses parties prenantes nationales afin de garantir la sécurité d’approvisionnement pour les usagers. Parmi les multiples programmes mis en place pour répondre aux besoins en eau, le dessalement de l’eau de mer se confirme comme une approche stratégique qui se complète par ailleurs par la mise en place de stations mobiles ciblant aussi bien le littoral (dessalement) que les ressources continentales en eaux saumâtres (déminéralisation). « Nous disposons actuellement de 42 unités mobiles de dessalement qui sont utilisées dans plusieurs régions et nous sommes en cours d’acquérir 20 autres unités », a annoncé M. Nizar Baraka, lors d’une séance des questions orales à la Chambre des Représentants en fin janvier.
 
Nouvelles unités mobiles

Le ministre de l’Equipement et de l’Eau a ainsi précisé que les nouvelles unités mobiles de dessalement seront positionnées à Kelaât Sraghna, Zagora, Taza, Sidi Kacem, Khémisset, Settat, Berrechid, Boujdour, Khénifra, Tinghir et Tan-Tan, « afin d’équiper ces régions pour faire face aux difficultés que nous vivons actuellement ». M. Nizar Baraka a rappelé que les nouvelles stations en cours d’acquisition « s’ajouteront à la station qui sera installée à Kassita dans la région d’Al Hoceima, ainsi qu’aux 3 grandes unités mobiles de dessalement dont la capacité est de 100 litres par seconde, qui seront pour leur part positionnées à Taghazout et dans le Nord de la région d’Agadir ». Il y a quelques jours, le ministre a donné plus de détails concernant le programme de déminéralisation des eaux saumâtres, lors d’une conférence organisée par l’Alliance des Ingénieurs Istiqlaliens en coopération avec la Fondation Konrad-Adenauer au Maroc sous le thème « La guerre de l’eau : Le stress hydrique, qui gagnera ? »

Ressource abondante

Durant cet événement, M. Baraka a expliqué que les territoires marocains disposent de quantités importantes d’eaux saumâtres peu valorisées. Ainsi, les efforts entrepris pour la déminéralisation et la valorisation de ces ressources s’inscrivent dans le cadre d’un « programme majeur qui sera l’un des programmes phares du plan d’urgence et qui permettra de contribuer à répondre aux besoins des provinces du Royaume », a-t-il précisé, ajoutant qu’un travail important est actuellement réalisé à travers une coopération entre le ministère de l’Intérieur et les Agences des Bassins Hydrauliques afin de cartographier les zones où existent des ressources en eaux saumâtres, ce qui permettra de positionner les unités mobiles de dessalement. A noter qu’un des projets avancés de déminéralisation des eaux saumâtres a été inauguré en novembre dernier dans la région de l’Oriental. La station en question est exploitée par la Régie autonome intercommunale de distribution d’eau et d’électricité (RADEEO) et met à profit des eaux saumâtres provenant des forages de la ville d’Oujda.
 
Solutions adaptables

Cette station permet ainsi de faire face à la problématique de salinité qui affecte les eaux de la nappe phréatique locale. Ce projet, dont les travaux ont été lancés en novembre 2022 pour un coût global de 46,5 millions de dirhams, permet d’avoir un débit de 150 litres par seconde d’eau déminéralisée qui s’ajoute aux ressources hydriques provenant du barrage Machraa Hammadi par le canal de traction qui s’étend sur une longueur de 80 kilomètres et qui fournit environ 50% des besoins annuels en eau potable de la ville. Stations fixes dédiées à la déminéralisation des eaux saumâtres continentales, stations mobiles de grande taille positionnées dans une zone littorale ou encore petites stations monoblocs compactes, les solutions mises en place par le Royaume pour mobiliser des ressources hydriques alternatives se diversifient et s’adaptent aux besoins de chaque région. Gageons que les chercheurs marocains ne tarderont pas à concevoir des solutions innovantes qui pourront être produites localement. 

3 questions à Abdeljebbar Qninba, hydrobiologiste : « Ces eaux deviennent saumâtres lorsqu’elles traversent des terrains qui sont salifères »

Enseignant-chercheur à l’Institut Scientique de Rabat et hydrobiologiste, Abdeljebbar Qninba répond à nos questions concernant la formation des eaux saumâtres continentales.
Enseignant-chercheur à l’Institut Scientique de Rabat et hydrobiologiste, Abdeljebbar Qninba répond à nos questions concernant la formation des eaux saumâtres continentales.
  • Quelles sont les caractéristiques des eaux qualifiées de saumâtres ?

On parle d’eau saumâtre lorsque la salinité de cette eau est comprise globalement entre 2 et 15 grammes de sel par litre d’eau. La terminologie actuelle de mesure de la salinité de l’eau se réfère plus au poids de l’eau et donc il est question d’un degré de salinité situé entre 2/1000 à 15/1000 (un litre étant équivalent à 1000 grammes). Au-delà de ce degré de salinité, on parle plutôt d’eaux salées. La salinité de l’eau de mer, par exemple, est en moyenne de 35/1000 et c’est bien évidemment une moyenne puisque la salinité varie selon les mers et les océans. 
 
  • Comment se forment les eaux salées ou saumâtres dans un milieu continental ?

En milieu continental, on trouve bien évidemment des eaux douces, comme on trouve des eaux saumâtres, salées ou encore très salées. Dans une Sebkha, on peut parfois trouver une salinité qui est (deux ou trois fois) plus forte que l’eau de mer. Les eaux saumâtres en milieu continental peuvent être superficielles (dans un oued, un ruisseau ou un lac) ou souterraines. Généralement, ces eaux deviennent saumâtres lorsqu’elles traversent des terrains (en surface ou en profondeur) qui sont salifères. Par exemple, si une eau traverse un terrain du Trias, sa salinité va augmenter parce que ce genre de terrain a été formé dans un milieu très salé et continue à ce jour à être très chargé de sel. On a également les eaux qui se salinisent ou qui deviennent saumâtres parce qu’elles ont traversé des terrains basaltiques qui sont également de nature à libérer du sel. C’est le cas également pour l’eau qui traverse certaines roches, notamment le sel gemme et le gypse. Le degré de salinité de l’eau sera déterminé par la nature du milieu qu’elle a traversé et la durée qu’elle y a passé.
 
  • Faut-il craindre que les eaux saumâtres souterraines se mélangent avec l’eau douce de la nappe phréatique ?

Dans la nature, il existe bien sûr des cas où les eaux douces et saumâtres se mélangent. Il s’agit d’équilibres hydrologiques qui se font naturellement depuis la nuit des temps. Par exemple au niveau des sources d’Oued Oum Errabie, on trouve sur le même niveau (mais à des expositions différentes) des sources d’eau douce ainsi que des sources d’eau salée. Leurs eaux se mélangent en aval dans l’oued. Certaines nappes de surface qui sont alimentées depuis très longtemps par des eaux salées, deviennent entièrement saumâtres, voire salées. Il existe toutefois des phénomènes inquiétants de salinisation qui peuvent être causés par la surexploitation des eaux souterraines d’une nappe littorale. C’est le cas par exemple dans la nappe du Souss, qui est menacée par l’intrusion d’eau de mer suite à la baisse drastique des niveaux des eaux souterraines.

Technologie : Des solutions de déminéralisation qui évoluent depuis l’Antiquité

Déminéraliser l’eau saumâtre et dessaler l’eau de mer sont des idées qui ne datent pas d’hier. Durant la période de l’Antiquité, les marins confrontés à la problématique d’approvisionnement en eau à bord des bateaux avaient déjà trouvé des solutions en faisant bouillir de l’eau de mer pour en extraire de l’eau non salée par condensation de la vapeur produite. Il a cependant fallu attendre le 18ème siècle pour que les chercheurs commencent à explorer des procédés permettant d’augmenter la production, améliorer la pureté de l’eau ou économiser l’énergie. Ce n’est qu’au début du siècle dernier que sont apparus les premiers procédés industriels de distillation. Le procédé appelé « Osmose inverse », dont le principe est par ailleurs encore d’actualité aujourd’hui, a été pour sa part mis au point en 1959 à l’Université de Californie. Il s’agit d’un procédé membranaire (voir repère ci-contre) dans lequel l’eau douce est extraite de l’eau salée à travers une membrane semi-poreuse, en appliquant une pression.
L’info...Graphie
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Rapport : L’inquiétant assèchement des sols et du couvert végétal

Publié il y a quelques jours, un rapport de la Commission Européenne s’est penché sur le niveau inquiétant de la sécheresse dans les pays méditerranéens en ce début d’année 2024. Le document constate ainsi que l’ensemble des pays méditerranéens sont touchés de plein fouet par une sécheresse sévère qui dure depuis 2 ans pour certains (le Sud de l’Italie, le Sud de l’Espagne, la Grèce et Malte) et pour bien plus de 6 ans pour d’autres (pays d’Afrique du Nord). L’indicateur principal étudié par les auteurs étant la dynamique d’assèchement des sols, le rapport conclut ainsi que la situation la plus grave, selon des données de l’Observatoire Européen de la Sécheresse (EDO), est enregistrée sur le territoire marocain. Le rapport rappelle qu’au début du mois de février, les réserves en eau du Royaume n’avaient pas dépassé les 23% : «un niveau bas avant même l’arrivée de la saison chaude ». Les images satellites de Copernicus, qui comparent l’état des sols en janvier 2023 avec celui de janvier 2024, sont sans appel : autour de Casablanca, El Jadida et Safi, les sols sont passés du vert au marron, preuve de l’extrême sécheresse. A noter également que les indicateurs qui se basent sur la fluctuation des températures maximales sont tout aussi éloquents : le début de l’année 2024 a été marqué par des pics de chaleur intense au Maghreb. La pluviométrie qui n’est également pas au rendez-vous laisse présager que les productions agricoles ne manqueront pas de souffrir, aussi bien au Maroc, en Algérie qu’en Tunisie.








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