Après des mois d’examen vigilant de la situation hydrique, les autorités passent à l’action. Il n’y a plus de place à l’hésitation. La rigueur est de mise. Comme l’économie de l’eau est érigée en priorité nationale, les autorités ont commencé à prendre des mesures drastiques afin d’assurer un approvisionnement régulier dans plusieurs régions, surtout à Casablanca qui a échappé de justesse à la menace des coupures grâce aux autoroutes de l’eau et à l’interconnexion entre les bassins du Bouregreg et Sebou. Les restrictions sont jugées seul moyen d’éviter les mesures plus draconiennes et de garantir un afflux permanent.
L’étau se resserre autour de Casablanca
A Casablanca, on s’attend à des jours austères. Les habitants commencent à se poser des questions au moment où la Wilaya est en train de resserrer l’étau et d’appliquer des restrictions sur le réseau de distribution de l’eau.
Dès ce jeudi, on se met au travail. Le débit d’eau a été ralenti au niveau du réseau de distribution en vertu d’une décision préfectorale prise par le Wali de Casablanca, Mohammed Mhidia, dont “L’Opinion” détient copie.
Les propriétaires des hammams et des stations de lavage de voitures sont les plus inquiets puisqu’ils sont les plus concernés par la décision qui les condamne à fermer leurs locaux chaque semaine du lundi au mercredi. Ces derniers sont astreints à adopter des techniques plus économes en eau et il leur est catégoriquement défendu de faire usage de l’eau potable. Selon des sources préfectorales, la restriction de l’activité des stations de lavage était prise il y a deux ans, mais on a finalement privilégié de l’appliquer progressivement en commençant par la sensibilisation des professionnels. “Nous sommes restés attentifs et toute décision restrictive est restée tributaire de l’évolution de la situation hydrique. Ce fut le mot d’ordre. Maintenant que la situation est si critique, la décision a été prise officiellement”, nous explique une source proche du dossier.
Des restrictions préventives
En plus de ces restrictions, il est désormais interdit de faire usage de l’eau potable dans les opérations de nettoyage des boulevards et des places publiques. Il en va de même pour les espaces verts où l’arrosage est strictement interdit à cause des ressources immenses consommées. Cela s’applique aussi aux piscines publiques qu’il n’est plus possible de remplir qu’une fois par an. Selon nos sources, l’arrosage ne sera effectué dorénavant que par les eaux usées. Cela s’applique aussi bien pour les espaces verts que pour les espaces de golf. D’ici 2027, selon les estimations de nos sources, 100 millions de mètres cubes devraient être mobilisés pour subvenir aux besoins de plusieurs villes, à savoir Casablanca, Rabat, Skhirat, Témara, Agadir, Fès, Oujda, Nador, El Jadida, Berkane, Ifrane, Kénitra, Benslimane, Mohammedia, Ouarzazate et Dakhla.
En gros, ces restrictions décidées par les autorités locales sont appliquées avec effet immédiat et demeureront en vigueur jusqu’à nouvel ordre, c’est-à-dire jusqu’à ce que la situation hydrique s’améliore. Les autorités vont multiplier les campagnes de sensibilisation auprès des citoyens.
La circulaire du Wali appelle le Conseil de la ville, l’ensemble des Conseils préfectoraux et les délégués régionaux des institutions de l’Etat à optimiser l’usage de l’eau en fixant des plans d’action à cet effet. Elle appelle également à accélérer les investissements destinés à l’entretien du réseau de distribution d’eau potable.
À noter que l’ensemble de ces mesures drastiques font suite à une circulaire n°22932 du 26 décembre, adressée par le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, à l’ensemble des Walis et des gouverneurs où il leur enjoint de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre le gaspillage de l’eau. La circulaire a contenu plusieurs mesures qui vont dans le même sens que celles susmentionnées.
Des mesures d’urgence à l’échelle nationale
La rationalisation de la consommation d’eau au niveau des différentes régions du Royaume se poursuit en parallèle avec la mise en œuvre des mesures d’urgence destinées à garantir la durabilité de l’approvisionnement dans un contexte de rareté. Mercredi, le ministre de l’Equipement et de l’Eau, Nizar Baraka, a détaillé sa stratégie devant les députés de la Commission des Infrastructures, de l’Energie, des Mines et de l’Environnement à la Chambre des Représentants. A court terme, l’objectif est de sauver la situation de sorte à éviter le pire. En plus du renforcement des travaux de forage, les efforts sont concentrés au niveau des bassins hydrauliques, dont ceux de Moulouya, Oum Rabia et Tensift. Quatre régions sont jugées prioritaires, à savoir Draâ-Tafilalet, Casablanca et Tanger-Tétouan-Al Hoceima. L’objectif est de booster les ressources hydriques et stopper l’hémorragie.
Afin de faire face au déficit hydrique, 6 milliards de dirhams ont été alloués depuis décembre 2021. Concomitamment, le pari est fait sur l’accélération de la construction de nouveaux barrages, notamment les petits, dont 129 sont en cours de construction et devraient être achevés d’ici 2024, grâce à une enveloppe de 4,27 milliards de dirhams. Pour ce qui est des grands barrages, 13 sont en phase d’accélération des travaux afin de les rendre opérationnels entre 2025 et 2027.
Concernant le monde rural, 4,31 milliards de dirhams sont mis sur la table pour approvisionner 119 centres ruraux et 2400 villages. A cet effort s’ajoute la stratégie de la mobilité. Sur ce point, le plan d’urgence consiste à acheter 26 stations mobiles de dessalement et 769 camions citernes. En plus, le ministère de tutelle recourt également aux stations flottantes destinées à exploiter les eaux des barrages, avec une enveloppe de 110 millions de dirhams. En somme, l’ensemble des mesures d’urgence coûtent à l’Etat 16,78 milliards de dirhams de 2021 à 2023.
Rappelons que l’économie de l’eau est érigée désormais en priorité nationale. Lors de la séance de travail tenue au Palais Royal, le 17 janvier, SM le Roi a invité le gouvernement à instaurer une communication transparente et régulière en direction des citoyens sur les évolutions de la situation hydrique et sur le plan des mesures d’urgence qui seront mises en œuvre, tout en renforçant la sensibilisation du grand public à l’économie de l’eau et à la lutte contre toutes les formes de gaspillage ou d’usages irresponsables de cette matière vitale.