C’est un des objectifs prioritaires tracés par l’Exécutif. «Le Maroc pousse à récupérer son Investment grade auprès de STANDARD & POORS (S&P), s’engageant à contrôler son déficit budgétaire malgré de nouvelles dépenses massives engagées suite à un tremblement de terre meurtrier et à la co-organisation de la Coupe du Monde de football 2030», avait écrit l’agence Bloomberg en octobre, suite à un entretien avec la ministre des Finances Nadia Fettah Alaoui.
Le Royaume vise à renouer avec “la rigueur budgétaire dont il faisait preuve avant la crise financière mondiale de 2008 et a tenu des discussions avec S&P à la suite du séisme de septembre”, avait insisté la ministre auprès de l’agence américaine. Alors qu’il s’engage dans des investissements colossaux, le Maroc mise sur ce précieux sésame pour garantir un meilleur accès aux marchés financiers et à un coût d’emprunt réduit lors de ses prochaines sorties à l’international.
Cependant, les indicateurs suggèrent que l'État pourrait avoir des difficultés à maintenir ses équilibres macroéconomiques à l'avenir. Le récent accord entre le gouvernement et les syndicats des enseignants va nécessiter chaque année un budget additionnel de l’ordre de 10 milliards de dirhams, sans compter les nouvelles recrues annuelles. Cette dépense n’est pas prévue dans la Loi des Finances 2024, récemment adoptée par le Parlement.
Le Royaume vise à renouer avec “la rigueur budgétaire dont il faisait preuve avant la crise financière mondiale de 2008 et a tenu des discussions avec S&P à la suite du séisme de septembre”, avait insisté la ministre auprès de l’agence américaine. Alors qu’il s’engage dans des investissements colossaux, le Maroc mise sur ce précieux sésame pour garantir un meilleur accès aux marchés financiers et à un coût d’emprunt réduit lors de ses prochaines sorties à l’international.
Cependant, les indicateurs suggèrent que l'État pourrait avoir des difficultés à maintenir ses équilibres macroéconomiques à l'avenir. Le récent accord entre le gouvernement et les syndicats des enseignants va nécessiter chaque année un budget additionnel de l’ordre de 10 milliards de dirhams, sans compter les nouvelles recrues annuelles. Cette dépense n’est pas prévue dans la Loi des Finances 2024, récemment adoptée par le Parlement.
Perspectives inquiétantes
Le retard des précipitations en fin d'année et les perspectives économiques peu encourageantes chez les principaux partenaires commerciaux du Maroc, en particulier l'Union Européenne, pourraient avoir un impact sur la croissance du PIB marocain. Ces prévisions économiques peu optimistes pourraient se conjuguer à une augmentation exponentielle de la dette, afin de financer les divers projets du pays (Reconstruction post-séisme, Coupe du Monde 2030, lutte contre le stress hydrique…).
“Le gouvernement a engagé le Maroc dans des dépenses dont les financements ne sont pas clairement définis.
Aujourd’hui, le niveau de la dette est relativement élevé. Vous ne pouvez pas vous engager dans des dépenses si vous ne vous assurez pas au préalable des moyens de financement aussi stables que ces dépenses”, alerte l’économiste Adel Nabi. Pour lui, un endettement incontrôlé pourrait créer un cercle vicieux, et aller contre l’ambition du Maroc de maîtriser son taux d’endettement et regagner son Investment grade.
Sur ce point, le membre de l’Alliance des économistes istiqlaliens et ex-ministre Fouad Douiri est plus mesuré. “Selon la Loi de Finances 2024, le déficit va poursuivre sa baisse pour atteindre 4% alors que le taux d’endettement est en quasi-stagnation. Le problème est plutôt du côté des taux d'intérêt qui ne cessent d’augmenter, et donc aussi du poids du service de la dette. C’est sur ce point qu’il faut rester vigilant”, nous explique-t-il.
L'enjeu réside dans la recherche de moyens de financer les projets sans compromettre les finances publiques. Une option pourrait être le financement par le biais de partenariats internationaux, à l'image de ceux récemment conclus avec les Émirats Arabes Unis, ainsi que des partenariats public-privé pour divers autres projets. Cela s'accompagne de réformes majeures, notamment celle de la Caisse de Compensation, qui sera mise en œuvre l'année prochaine.
Crise Covid
Après des années d’une gestion budgétaire rigoureuse, le Maroc avait pu décrocher l’Investment grade auprès de S&P en mars 2010, suite au rehaussement de la note du crédit souverain de la dette à long terme en devises de « BB+ » à « BBB- » et de la dette en monnaie locale à long terme de « BBB » à « BBB+ » avec des perspectives stables. S&P avait également relevé la note à court terme en devises de « B » à « A 3 » et la note à court terme en monnaie locale de « A3 » à « A2». Fitch suivra quelques mois plus tard.
Malgré quelques perturbations, notamment une révision de la perspective de stable à négative, le Royaume réussira à garder ce classement jusqu’à la crise Covid. Suite à la crise économique mondiale provoquée par la pandémie, le Maroc avait perdu son Investment grade en 2020 chez Fitch et en 2021 chez S&P. Depuis, l’Exécutif s’est engagé à revenir aux équilibres budgétaires pré-crise.
3 questions à Nabil Adel : “ Le gouvernement a engagé le Maroc dans des dépenses dont les financements ne sont pas clairement définis ”
Économiste, consultant et professeur-chercheur à l'ESCA-Ecole de management, Nabil Adel a répondu à nos questions.
- Comment le Maroc pourrait-il financer ses projets tout en maintenant ses équilibres macroéconomiques ?
Le financement d’un projet d’investissement, quel qu’il soit, peut se faire de deux manières. Soit à travers la croissance économique, qui génère de l’activité économique et donc augmente les ressources de l’Etat à travers l’augmentation des rentrées de l’impôt, soit par l’élargissement de l’assiette fiscale.
Dans le contexte actuel, on essaie d’élargir l’assiette fiscale, parce qu’il y a beaucoup d’argent à aller chercher.
L’élargissement de l’assiette fiscale reste le meilleur moyen d’augmenter la récolte d'impôts. Cela contribue à baisser le taux d’impôt moyen, puisqu’on élargit la base, et donc les gens, en plus d’argent pour consommer, ce qui induit de la croissance.
Donc, on a soit la croissance directe, soit la croissance induite par l’élargissement de l’assiette fiscale. Pour la croissance, ce n’est pas à 100% de la responsabilité de l’Etat, puisqu’il y a plusieurs éléments qui entrent en compte. Alors que pour l’élargissement de l’assiette fiscale, c’est intégralement de la responsabilité de l’Etat.
- La croissance économique pourrait-elle être la solution ?
Le gouvernement s’est engagé à une croissance de 6%. Donc, si on fait 6% de croissance et l’élargissement de l’assiette fiscale, on aura largement les moyens de réaliser nos projets. Maintenant, quand on n’a ni l’un ni l’autre, ça devient très compliqué. La Loi de Finances 2024 ne répond pas à toutes ces problématiques.
Même si on dit qu’on est cadré sur le plan financier pour 2024, on ne parle que d’une année, quid de l’avenir ? Le gouvernement a engagé le Maroc dans des dépenses dont les financements ne sont pas clairement définis.
Aujourd’hui, le niveau de la dette est relativement élevé. Vous ne pouvez pas vous engager dans des dépenses si vous ne vous assurez pas au préalable de moyens de financement aussi stables que ces dépenses.
- Quelles sont nos marges de manœuvres ?
Il n'y en a pas beaucoup. La règle est qu’avant de s’engager dans un projet, il faut s’assurer d’abord d’avoir mobilisé tous les financements nécessaires. Puisqu’à la fin, quelqu’un doit payer pour toutes ces ambitions. La question est de savoir qui et combien.
Recueillis par Soufiane CHAHID
3 questions à Fouad Douiri : “ On doit s’assurer à l’avenir que la rentabilité de l’investissement public va s’améliorer ”
Ancien ministre de l'Énergie, des Mines, de l'Eau et de l'Environnement et membre de l’Alliance des économistes istiqlaliens, Fouad Douiri a répondu à nos questions.
- La Loi de Finances 2024 a-t-elle mobilisé les financements suffisants pour les grands projets du Maroc ?
Quand on regarde ce qui a été annoncé, on dit qu’il y a beaucoup de choses. Mais pour l’instant, ce sont des effets d’annonce. Ce qui est concret, ce sont les investissements de l’Etat et des établissements publics dans la Loi des Finances 2024. Et là, on ne voit pas une explosion des dépenses publiques.
La Loi de Finances regroupe un certain nombre de projets de ministères et autres organismes. Dans le détail, on a plusieurs départements auxquels on alloue des enveloppes budgétaires pour la réalisation de projets. Dans les prochaines années, il est probable que les régions prennent une part plus importante dans le financement de ces projets.
- Les projets de reconstruction d’Al-Haouz ou encore de l'organisation de la Coupe du Monde ne risquent-t-ils pas d’alourdir davantage le fardeau de la dette ?
Pour la reconstruction, on peut compter partiellement sur le compte de solidarité 126. On dit bien que pour les 120 milliards, une moitié devrait être financée par la coopération et l’aide internationale. Pour le reste des projets, quand on rentre dans le détail, les chiffres deviennent plus raisonnables ou en tout cas plus logiques. A condition de ne pas s’engager dans des dépenses inutiles et qui s’éloignent du but initial du projet.
Quand on voit le déficit public, on est à moins 4%. Donc, on baisse par rapport à ce qui était prévu en 2021, 2022 et le taux d’endettement est en quasi-stagnation. Le problème, c’est que les taux d’intérêt augmentent, donc le poids du service de la dette augmente. Et donc là, il est tout à fait légitime de dire qu'il faut faire très attention, et notamment dans les investissements à venir.
- Quels sont pour vous les pistes à explorer pour conserver les équilibres macro-économiques ?
Je pense qu’il y a la nécessité pour l’Etat et les services de l’Etat de rationaliser les dépenses publiques, et de s’assurer que dans cette euphorie de Coupe du Monde, on ne dépense que ce qu’on doit effectivement dépenser.
On sait qu’au Maroc, l’investissement public a une très faible rentabilité et on veut être rassuré à l’avenir que la rentabilité de cet investissement va s’améliorer.
Dans ce qui est avancé, ce sont des investissements pluriannuels. Il y a de l’investissement public, privé et de la coopération internationale. Par exemple, le Fonds Mohammed VI, pour l’instant, n’a rien dépensé, alors qu’on parle de 45 milliards de dirhams depuis 2021.