« Le malheur des uns fait le bonheur des autres », a-t-on l’habitude de dire. Loin de faire l’affaire de l’économie mondiale, le conflit entre la Russie et l’Ukraine est en train de se transformer en opportunités pour le secteur automobile marocain. En témoigne une série d’annonces de nouvelles installations au Maroc qui s’enchaîne. Des installations, ou plutôt des relocalisations de fabricants de composants automobile. Le dernier en date, l’annonce en début juin courant du constructeur tchèque, Skoda, de la hausse de ses capacités de production au Maroc.
Il s’agit plus précisément d’une capacité de production supplémentaire de la société Kromberg & Schubert, dans son usine implantée à Kénitra. Objectif : satisfaire à l’avenir la demande de faisceaux de câbles pour la production de l’« Enyaq IV », la voiture 100% électrique de Skoda. Et ce n’est pas tout, les faisceaux de câbles des modèles « Octavia » et « Superb » seront produits à Tanger.
Sumimoto hausse sa production
Dans la ville du Détroit toujours, notamment à Tanger Free Zone, dédiée au secteur automobile, c’est le branle-bas de combat pour suivre le nouveau rythme de production imposé par les choix stratégiques des constructeurs suite au déclenchement de la guerre en Ukraine. C’est notamment le cas des filiales du japonais Sumimoto, SEBN.
La société tangéroise a récupéré un trafic important suite à la décision du japonais de transférer une partie des activités ukrainiennes vers le Maroc. On parle notamment des composants nécessaires à la fabrication de la fameuse « Golf 8 ».
Sumimoto, installé au Maroc en 2001, dispose de 3 filiales dans le royaume, à savoir : Sews MFZ, SEBN et Sews Cabind. Ce qui en fait d’ailleurs l’un des tous premiers employeurs privés du Maroc avec 25.000 emplois. Avec les différentes relocalisations dues à la guerre en Ukraine, il n’est pas exclu que cette empreinte marocaine dans sa production augmente en intensité.
L’AMICA applaudit
En tout cas, au niveau de l’Association Marocaine pour l’Industrie et le Commerce Automobile (AMICA), on se félicite de cette conjoncture favorable pour le royaume. « C’est très intéressant pour le Maroc. Avec Skoda, on peut presque dire que c’est un troisième constructeur qui s’installe. Ce n’est que bénéfique pour le tissu industriel marocain », commente Youssef Hedda, 2ème vice-président de l’AMICA. « C’est une très bonne chose pour les activités de la sous-traitance, mais aussi pour le processus d’achat. Ces arrivées vont renforcer l’écosystème automobile et nous en avons besoin », poursuit notre interlocuteur.
Au sein des acteurs de la logistique portuaire, un constat similaire est partagé, et plus encore. « C’est curieux de le remarquer, mais avec la crise ukrainienne, le Maroc exporte plus qu’il n’importe », observe un acteur portuaire.
Attention à la saturation
Face à ce virage plutôt prometteur et plein d’espoir pour le secteur automobile, se pose toutefois un obstacle qu’il faut rapidement surmonter. « Le défi pour notre pays sera de pouvoir absorber ces flux, mais tout en assurant un passage portuaire et transfrontalier toujours aussi fluide et compétitif. La crise ukrainienne sera un véritable stress test pour nos chaînes logistiques », prévient El Mostafa Fakhir, actuellement président de la Commission Catégorisation et Décarbonation au Club des opérateurs économiques agréés du Maroc (OEA).
Selon-lui, la capacité du Maroc à absorber rapidement et avec la même fluidité des chocs extérieurs sera scrutée très attentivement par les partenaires et concurrents (voir interview). D’ores et déjà, il faudrait signaler que rien qu’à Tanger-Med, on a comptabilité plus de 15% de passages de remorques durant le premier trimestre de l’année en cours, comparé à l’année dernière. On fait ainsi état d’une moyenne de 1.000 remorques destinées à l’export par jour. Ce qui va sûrement permettre de dépasser la barre des 400.000 remorques enregistrées en 2021.
« Très probablement, on risque de dépasser les 500.000 remorques en 2022. Il faut donc que les autorités interviennent vite avant qu’il n’y ait saturation au niveau de la chaîne logistique pour les exportations », conseille un expert portuaire.
Il s’agit plus précisément d’une capacité de production supplémentaire de la société Kromberg & Schubert, dans son usine implantée à Kénitra. Objectif : satisfaire à l’avenir la demande de faisceaux de câbles pour la production de l’« Enyaq IV », la voiture 100% électrique de Skoda. Et ce n’est pas tout, les faisceaux de câbles des modèles « Octavia » et « Superb » seront produits à Tanger.
Sumimoto hausse sa production
Dans la ville du Détroit toujours, notamment à Tanger Free Zone, dédiée au secteur automobile, c’est le branle-bas de combat pour suivre le nouveau rythme de production imposé par les choix stratégiques des constructeurs suite au déclenchement de la guerre en Ukraine. C’est notamment le cas des filiales du japonais Sumimoto, SEBN.
La société tangéroise a récupéré un trafic important suite à la décision du japonais de transférer une partie des activités ukrainiennes vers le Maroc. On parle notamment des composants nécessaires à la fabrication de la fameuse « Golf 8 ».
Sumimoto, installé au Maroc en 2001, dispose de 3 filiales dans le royaume, à savoir : Sews MFZ, SEBN et Sews Cabind. Ce qui en fait d’ailleurs l’un des tous premiers employeurs privés du Maroc avec 25.000 emplois. Avec les différentes relocalisations dues à la guerre en Ukraine, il n’est pas exclu que cette empreinte marocaine dans sa production augmente en intensité.
L’AMICA applaudit
En tout cas, au niveau de l’Association Marocaine pour l’Industrie et le Commerce Automobile (AMICA), on se félicite de cette conjoncture favorable pour le royaume. « C’est très intéressant pour le Maroc. Avec Skoda, on peut presque dire que c’est un troisième constructeur qui s’installe. Ce n’est que bénéfique pour le tissu industriel marocain », commente Youssef Hedda, 2ème vice-président de l’AMICA. « C’est une très bonne chose pour les activités de la sous-traitance, mais aussi pour le processus d’achat. Ces arrivées vont renforcer l’écosystème automobile et nous en avons besoin », poursuit notre interlocuteur.
Au sein des acteurs de la logistique portuaire, un constat similaire est partagé, et plus encore. « C’est curieux de le remarquer, mais avec la crise ukrainienne, le Maroc exporte plus qu’il n’importe », observe un acteur portuaire.
Attention à la saturation
Face à ce virage plutôt prometteur et plein d’espoir pour le secteur automobile, se pose toutefois un obstacle qu’il faut rapidement surmonter. « Le défi pour notre pays sera de pouvoir absorber ces flux, mais tout en assurant un passage portuaire et transfrontalier toujours aussi fluide et compétitif. La crise ukrainienne sera un véritable stress test pour nos chaînes logistiques », prévient El Mostafa Fakhir, actuellement président de la Commission Catégorisation et Décarbonation au Club des opérateurs économiques agréés du Maroc (OEA).
Selon-lui, la capacité du Maroc à absorber rapidement et avec la même fluidité des chocs extérieurs sera scrutée très attentivement par les partenaires et concurrents (voir interview). D’ores et déjà, il faudrait signaler que rien qu’à Tanger-Med, on a comptabilité plus de 15% de passages de remorques durant le premier trimestre de l’année en cours, comparé à l’année dernière. On fait ainsi état d’une moyenne de 1.000 remorques destinées à l’export par jour. Ce qui va sûrement permettre de dépasser la barre des 400.000 remorques enregistrées en 2021.
« Très probablement, on risque de dépasser les 500.000 remorques en 2022. Il faut donc que les autorités interviennent vite avant qu’il n’y ait saturation au niveau de la chaîne logistique pour les exportations », conseille un expert portuaire.
Abdellah MOUTAWAKIL
Repères
Skoda : le Maroc comme solution antichoc
Le constructeur Skoda indique que ces replis vers des marchés comme le Maroc visent à « protéger encore plus efficacement l’entreprise contre d’éventuelles perturbations de la chaîne d’approvisionnement à l’avenir. Les arrangements permettront de doubler les volumes de production actuels, si nécessaire », précise la même source. « Nous avons travaillé en étroite collaboration avec nos partenaires ces dernières semaines pour minimiser l’impact de la guerre en Ukraine sur l’approvisionnement en faisceaux de câbles ».
Automobile : 80.000 emplois en 4 ans
Le Plan d’Accélération Industrielle (PAI) a permis de faire de l’automobile le premier secteur exportateur de l’économie marocaine, et de créer plus de 180.000 emplois en 7 ans. Pour le ministre de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, il faut accélérer la cadence pour renforcer la valeur ajoutée et le taux d’intégration dans ce secteur. Le ministre istiqlalien mise sur la création de 80.000 emplois en 4 ans. Une stratégie basée sur trois axes a été peaufinée avec les professionnels. Elle vise l’intégration locale en profondeur, la décarbonation de la production, et l’intégration du capital marocain.
L'info...Graphie
Exportations automobiles
Un record malgré la crise des semi-conducteurs !
Selon les statistiques de l’Office des Changes, les exportations du secteur automobile au Maroc se sont chiffrées en 2021 à plus de 83,78 milliards de dirhams, soit une hausse de 15,9% par rapport à 2020, soit un chiffre d’affaires additionnel de 11,5 milliards de dirhams en un an. Ces données font ressortir une hausse de 35,2% des ventes du segment de la construction (soit un chiffre d’affaires additionnel de 10,2 milliards de dirhams en un an).
En revanche, les ventes du segment du câblage accusent une légère baisse de 1,9% (-489 millions de dirhams en un an). Concrètement, pas moins de 358.745 voitures de tourisme ont été exportées depuis le Maroc en 2021, en progression de 18,6% par rapport à 2020. Un niveau qui reste néanmoins inférieur à celui de 2019, année où 366.449 véhicules de tourisme fabriqués au Maroc ont été vendus à l’étranger.
Selon les opérateurs, la pénurie mondiale de semi-conducteurs a freiné la production et les ventes.
En revanche, les ventes du segment du câblage accusent une légère baisse de 1,9% (-489 millions de dirhams en un an). Concrètement, pas moins de 358.745 voitures de tourisme ont été exportées depuis le Maroc en 2021, en progression de 18,6% par rapport à 2020. Un niveau qui reste néanmoins inférieur à celui de 2019, année où 366.449 véhicules de tourisme fabriqués au Maroc ont été vendus à l’étranger.
Selon les opérateurs, la pénurie mondiale de semi-conducteurs a freiné la production et les ventes.
Catégorisation
Le Maroc parmi les pionniers !
« Malheureusement, on constate que le nombre d’entreprises au Maroc qui sont catégorisées reste en deçà des attentes, uniquement 550 opérateurs économiques sont catégorisés pour un potentiel de 55.000 dans le commerce extérieur, soit 1%, ce qui reste très faible ». Le constat est de El Mostafa Fakhir, président de la Commission Catégorisation et Décarbonation au Club des opérateurs économiques agréés du Maroc (OEA).
La Douane marocaine procède régulièrement à la mise à jour des facilités accordées aux entreprises dans le cadre de la catégorisation OEA, ce qui permet de rendre de plus en plus attractif ce statut pour les opérateurs économiques qui peuvent bénéficier même de financements étatiques pour la mise en place de ce statut, notamment à travers Maroc PME et le programme PME LOGIS.
Pour rappel, le programme d’Opérateur Économique Agréé mis en place au niveau mondial par les autorités douanières, et qui était plus connu sous l’appellation catégorisation OEA, est une nouvelle approche de facilitation du commerce extérieur.
Ce programme a été adapté au plan international avec pour objectif d’inscrire la relation entre les administrations des douanes et les opérateurs économiques, dans un cadre de confiance renforcé et de partenariat mutuellement bénéfique pour les deux parties. L’Administration marocaine des douanes a été parmi les premières à adhérer à ce projet de l’Organisation Mondiale des Douanes et qui l’a mis en oeuvre dès 2006.
La Douane marocaine procède régulièrement à la mise à jour des facilités accordées aux entreprises dans le cadre de la catégorisation OEA, ce qui permet de rendre de plus en plus attractif ce statut pour les opérateurs économiques qui peuvent bénéficier même de financements étatiques pour la mise en place de ce statut, notamment à travers Maroc PME et le programme PME LOGIS.
Pour rappel, le programme d’Opérateur Économique Agréé mis en place au niveau mondial par les autorités douanières, et qui était plus connu sous l’appellation catégorisation OEA, est une nouvelle approche de facilitation du commerce extérieur.
Ce programme a été adapté au plan international avec pour objectif d’inscrire la relation entre les administrations des douanes et les opérateurs économiques, dans un cadre de confiance renforcé et de partenariat mutuellement bénéfique pour les deux parties. L’Administration marocaine des douanes a été parmi les premières à adhérer à ce projet de l’Organisation Mondiale des Douanes et qui l’a mis en oeuvre dès 2006.
« La crise ukrainienne sera un véritable stress test pour nos chaînes logistiques »
Pour El Mostafa Fakhir, Président de la Commission Catégorisation et Décarbonation au Club des opérateurs économiques agréés du Maroc (OEA), la crise ukrainienne sera un véritable stress test pour nos chaînes logistiques, car leur capacité à absorber rapidement et avec la même fluidité des chocs extérieurs sera scrutée très attentivement par nos partenaires et nos concurrents.
- En quoi la catégorisation peut-elle aider à faciliter les délocalisations de l’industrie automobile au Maroc ?
- L’industrie automobile avant la pandémie et même après la pandémie du Covid-19 n’a pas changé totalement de paradigme : une « Supply Chain » qui travaille en « Juste à temps » reste toujours la règle, avec même de nouvelles exigences de flexibilité et d’agilité, comme on le voit aujourd’hui suite à la guerre en Ukraine qui a vu beaucoup de constructeurs automobiles et leurs équipementiers devoir délocaliser et relocaliser leurs chaînes d’approvisionnement rapidement.
Le Maroc est bien positionné pour être une destination majeure pour ces nouveaux flux, mais il ne faut pas perdre de vue le risque de mise sous tension de certaines de nos capacités logistiques, notamment portuaires. Le défi pour notre pays sera de pouvoir absorber ces flux, mais tout en assurant un passage portuaire et transfrontalier toujours aussi fluide et compétitif. La crise ukrainienne sera un véritable stress test pour nos chaînes logistiques, leur capacité à absorber rapidement et avec la même fluidité des chocs extérieurs sera scrutée très attentivement par nos partenaires et nos concurrents.
- Que faut-il aujourd’hui pour procéder à cette catégorisation ?
- Le cadre méthodologique du programme OEA est clairement défini par la norme SAFE de l’Organisation Mondiale des Douanes. Celui-ci s’inspire notamment du guide de mise à niveau et de restructuration des entreprises mis en place par l’ONUDI, ce qui fait d’ailleurs de la catégorisation OEA un magnifique outil pour améliorer la compétitivité interne et externe de l’entreprise. C’est un diagnostic complet et objectif sur la santé de l’entreprise. De plus en plus de donneurs d’ordres exigent le statut OEA comme prérequis pour toute collaboration avec leurs fournisseurs, notamment dans le cadre d’opérations liées au commerce international.
- Peut-on avoir une idée sur l’étendue des entreprises ou secteurs à inclure dans cette catégorisation ?
- Tous les opérateurs économiques du commerce extérieur sont éligibles à la catégorisation : du prestataire logistique, qu’il soit transitaire, transporteur, agent maritime, ou commissionnaire de transport, à l’industriel, qu’il soit importateur ou exportateur. Les commerçants qui réalisent des opérations d’import et d’export sont également éligibles. Toutes les industries sont éligibles : du textile-habillement à l’industrie automobile, à l’aéronautique.
- En quoi la catégorisation peut-elle aider à faciliter les délocalisations de l’industrie automobile au Maroc ?
- L’industrie automobile avant la pandémie et même après la pandémie du Covid-19 n’a pas changé totalement de paradigme : une « Supply Chain » qui travaille en « Juste à temps » reste toujours la règle, avec même de nouvelles exigences de flexibilité et d’agilité, comme on le voit aujourd’hui suite à la guerre en Ukraine qui a vu beaucoup de constructeurs automobiles et leurs équipementiers devoir délocaliser et relocaliser leurs chaînes d’approvisionnement rapidement.
Le Maroc est bien positionné pour être une destination majeure pour ces nouveaux flux, mais il ne faut pas perdre de vue le risque de mise sous tension de certaines de nos capacités logistiques, notamment portuaires. Le défi pour notre pays sera de pouvoir absorber ces flux, mais tout en assurant un passage portuaire et transfrontalier toujours aussi fluide et compétitif. La crise ukrainienne sera un véritable stress test pour nos chaînes logistiques, leur capacité à absorber rapidement et avec la même fluidité des chocs extérieurs sera scrutée très attentivement par nos partenaires et nos concurrents.
- Que faut-il aujourd’hui pour procéder à cette catégorisation ?
- Le cadre méthodologique du programme OEA est clairement défini par la norme SAFE de l’Organisation Mondiale des Douanes. Celui-ci s’inspire notamment du guide de mise à niveau et de restructuration des entreprises mis en place par l’ONUDI, ce qui fait d’ailleurs de la catégorisation OEA un magnifique outil pour améliorer la compétitivité interne et externe de l’entreprise. C’est un diagnostic complet et objectif sur la santé de l’entreprise. De plus en plus de donneurs d’ordres exigent le statut OEA comme prérequis pour toute collaboration avec leurs fournisseurs, notamment dans le cadre d’opérations liées au commerce international.
- Peut-on avoir une idée sur l’étendue des entreprises ou secteurs à inclure dans cette catégorisation ?
- Tous les opérateurs économiques du commerce extérieur sont éligibles à la catégorisation : du prestataire logistique, qu’il soit transitaire, transporteur, agent maritime, ou commissionnaire de transport, à l’industriel, qu’il soit importateur ou exportateur. Les commerçants qui réalisent des opérations d’import et d’export sont également éligibles. Toutes les industries sont éligibles : du textile-habillement à l’industrie automobile, à l’aéronautique.
Recuellis par A. M.