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Culture

Commission Spéciale sur le Modèle de Développement: La culture dans un modèle de non-développement


Rédigé par Abdallah BENSMAÏN le Mercredi 2 Juin 2021

Quelle place pour la culture dans le développement ? La question est d’ordre social et économique. Il ne s’agit plus d’évaluer la culture en termes abstraits mais de chiffrer son apport au PIB, les capacités des industries culturelles à susciter des retours sur investissements.



Une vision stratégique qui impose des déclinaisons en actions.
Une vision stratégique qui impose des déclinaisons en actions.
La culture est-elle un service public comme peut l’être la santé ou l’éducation ? La question a été posée par la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement (CSMD) qui vient de livrer son rapport dans lequel celle-ci occupe plusieurs pages. Dès l’abord, la culture est présentée « comme vecteur de lien social, de solidarité et d’épanouissement » individuel et collectif, au sens de national. Au-delà des généralités propres au discours politique auquel il est difficile d’échapper même quand il s’agit d’une commission spécialisée qui s’avance sous l’autorité intellectuelle et morale de ses membres, la question n’est pas tant le rôle et la fonction de la culture dans les sociétés mais sa déclinaison en actions pour, précisément, en faire cette dynamique économique tant recherchée. Le rôle de l’Etat est certes réglementaire et de définition des périmètres, mais la fonction assignée à la culture de « rôle central dans la projection collective dans l’avenir de la nation… (de) vecteur du rayonnement régional du pays, proposant une offre culturelle fondée sur la pluralité, la coexistence et l’association de la profondeur historique et de l’innovation », n’est-elle par trop générale pour offrir une quelconque pertinence ?

En d’autres termes, il est clair que, si l’on doit s’arrêter aux généralités qui minent la partie introductive du chapitre Culture, avec des lapalissades du genre « La culture est la fondation sur laquelle repose tout projet de développement. Elle est plurielle dans ses dimensions… Le Maroc dispose d’un riche patrimoine, du fait de sa position géographique, son histoire et sa pluralité socioculturelle. », la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement n’a pas fait oeuvre de créativité. De telles affirmations, l’observateur peut les retrouver dans n’importe dépliant touristique. Ce qui est une façon de dire que l’enjeu est ailleurs.

Des vocations de créateurs et non de tueurs

Le malaise n’est pas dans l’approche conceptuelle même si elle détermine les actions à mettre en place, mais dans l’analyse des dispositifs et la proposition d’une démarche globale qui fasse la part des choses, notamment, en matière de subventions qui ont démontré, dans la presse, le cinéma et l’édition, que ce sont, tout au plus, des subventions de survie et non de développement. D’ailleurs, la Commission elle-même pointe un double dysfonctionnement. L’un se situe au niveau de la valorisation du patrimoine, l’autre, qu’elle présente comme un paradoxe, concerne la production et la consommation des produits culturels : « malgré la multiplication des acteurs culturels et des oeuvres, l’ouverture de musées, l’augmentation des fonds pour certains secteurs, la pratique culturelle, dans son double aspect production et consommation, reste faible. ». Le constat est fait, mais que faire dans ces conditions : accuser les élus et le secteur privé d’indifférence ? C’est ce que fait la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement… rappelant ainsi cette fameuse histoire de minaret qui s’est écroulé, mais dont on accuse le coiffeur ! Le problème est ailleurs, comme dirait l’autre.

Les subventions accordées au livre et au cinéma n’ont pas accouché, jusqu’à plus ample averti, d’une oeuvre cinématographique ou littéraire, par exemple, de qualité. La fréquentation en salles des films subventionnés est éloquente en soi, comme les ventes en librairie des livres subventionnés. Le spectateur ne va pas au cinéma pour regarder un « mauvais film » comme le lecteur n’achète pas un ouvrage pour passer un « mauvais » moment de lecture. L’argent « facile » n’est pas la solution à la créativité et l’actuel directeur du CCM l’a bien montré dans un récent entretien accordé à Médias 24 dans lequel il déclare tout bonnement : « avec des subventions moyennes de tournage qui flirtent allègrement avec les 4 millions de dirhams, les gens n’hésitent pas à s’entre-tuer pour décrocher la timbale ».

Les subventions suscitent ainsi des vocations non pas de « créateurs » mais de « tueurs » ! A cela, il faut ajouter que les subventions ne favorisent pas l’indépendance. Ni dans la presse, ni dans le cinéma ni ailleurs, l’argent ne contribue à « alimenter » la dissidence, qu’elle soit esthétique ou de contenu…

Que faut-il attendre d’un tel rapport où la culture est un compartiment dont il ne s’agit pas d’évaluer l’importance ? A tout le moins un diagnostic et des intuitions, à défaut de propositions argumentées, pour l’avenir.

Dans ce contexte, la recommandation de la mise en place d’une agence marocaine de l’action culturelle à l’étranger, est de bon augure… seulement pour partir à la conquête des esprits dans le monde, dans une démarche globale de diplomatie culturelle et de softpower et non pour animer la diaspora