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BTP : Perspectives de relance d’un secteur vital


Rédigé par Anass MACHLOUKH Mardi 19 Avril 2022

Révision des prix, Covid-19 comme cas de force majeure, levée des pénalités, autant de revendications des professionnels du BTP auprès du gouvernement qui demeure attentif à leurs doléances. Détails.



Critique, dure, cauchemardesque, les professionnels du secteur du BTP usent de tous les adjectifs possibles pour décrire la situation difficile qu’ils traversent actuellement. Le double effet de la récession due au Covid-19 et de la flambée des prix des matières premières qui s’en est suivie a porté un coup dur aux entreprises du secteur, dont quelques-unes n’ont plus de visibilité sur leur avenir.

La Fédération nationale du Bâtiment et des Travaux publics a d’ores et déjà commencé des contacts avec le gouvernement pour chercher des moyens de sortie de crise par le biais d’une intervention gouvernementale. Celle-ci a obtenu gain de cause auprès du ministère de l’Equipement et de l’Eau, dont le ministre, Nizar Baraka, a augmenté le budget d’investissement dans le secteur de 20% en 2022 pour le pousser à 47 milliards de dirhams (voir repère).

Comme plusieurs départements ministériels sont engagés dans les marchés publics adjugés aux entreprises, les professionnels ont prié le Bureau de la Fédération de solliciter une réunion avec le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, afin de mettre le point sur toutes leurs revendications qui lui ont été adressées dans une lettre circulaire datant du 10 avril. La lettre contient des mesures concrètes jugées d’extrême urgence afin de tirer le secteur de ses remous.

Révision des prix : possible ?

Comme la crise du secteur remonte à la période du Covid-19, les chefs d’entreprises du BTP s’accordent sur une chose : ils veulent obtenir que la Covid-19 soit considérée comme un ca de force majeure. Une mesure justifiée par le risque de faillite que courent plusieurs entreprises incapables, après l’arrêt de leur activité et face à la hausse des prix, d’honorer leurs engagements contractuels vis-à-vis de l’Etat dans le cadre des chantiers en cours.

Cette mesure, selon les professionnels que nous avons contactés, permettra une dérogation, surtout en ce qui concerne la révision des prix. Ce que la Fédération considère comme condition sine qua non à la relance du secteur. Force est de constater que la hausse des prix des matières premières a réduit drastiquement les marges des entreprises engagées dans des chantiers publics.

Est-ce légal ? L’amendement de l’arrêté du Chef du gouvernement du 9 juin 2014 permet de réviser les prix sous conditions spécifiques. Cette révision consiste à tenir de la variation des prix entre la date de passation du marché et la date d’échéance des travaux de construction prévus dans les cahiers de charges.

Le ministère de tutelle s’est montré attentif à ces mesures qui nécessitent des discussions approfondies et surtout techniques. Force est de rappeler que la révision des prix n’est pas si simple qu’on le croit. Ceci obéit à des formules de calcul complexes avec des coefficients qui nécessitent une révision des barèmes d’indexation des prix Outre la révision des prix, il existe le problème que pose la situation des entreprises qui n’ont pas achevé leurs chantiers et qui encourent des pénalités. Les professionnels réclament l’amnistie. C’est-à-dire la possibilité de résiliation des contrats à l’amiable sans pénalités.

Hausse des prix : un engrenage

La hausse des prix remonte au début de l’année 2021 où il y a eu un blocage et un surmenage des chaînes de production aussi bien en Europe qu’en Asie. A quoi s’ajoute la problématique du fret maritime dont le prix s’est renchéri de façon remarquablement surprenante. On parle d’une multiplication par cinq ou par six du prix des conteneurs, selon les estimations.

En outre, ceci a coïncidé avec la pénurie des matières premières dont les quantités restent dérisoires par rapport à la demande. Ceci est valable pour le verre, l’acier, le fer, le fer à béton, le brique rouge et le cuivre. Selon une récente enquête du ministère de l’Industrie et du Commerce, le prix de l’aluminium, du fer à béton, du béton, du verre ont augmenté respectivement de 51%, 19%, 7% et 189%.

Le ciment et le brique rouge ont, par contre, connu une augmentation inférieure à celle des produits susmentionnés (une hausse respective de 3% et 7%). La guerre en Ukraine a porté un coup de grâce au secteur confronté depuis des mois à toutes les vicissitudes du marché mondial. Cette guerre a exacerbé la flambée des prix pour autant qu’elle a entraîné une hausse sans précédent des prix de l’Energie et des intrants.

Approvisionnement : vers un mécanisme central ?

Face à cette réalité inextricable, le marché national n’a pas été épargné sachant que les entreprises rencontrent des difficultés d’approvisionnement auprès des fournisseurs. Selon plusieurs chefs d’entreprises, il n’y a plus aucune visibilité dans la mesure où les précommandes sont de plus en plus difficiles. Ceci est dû à la diminution des stocks, selon nos interlocuteurs qui nous ont expliqué que les achats se font désormais au jour le jour avec des changements de prix fréquents.

Pour pallier à ces entraves, une idée a été proposée lors de la réunion de la Fédération, jeudi dernier, mais qui n’a pas été plébiscitée. Il s’agit de centraliser des achats auprès des fournisseurs. « Cette idée aurait pu marcher dans les organisations ayant des moyens pour le faire », explique Mohammed Mahboub, vice-président de la FNBTP, qui estime qu’une centrale d’achat des matériaux de construction est bénéfique pourvu qu’elle soit réalisable. Ce qui n’est pas le cas actuellement à son avis.


Anass MACHLOUKH

L'info...Graphie


Inflation


Le Conseil de la Concurrence enquête sur les prix des matériaux de construction
 
Dans une note de référence publiée samedi, le Conseil de la Concurrence a annoncé vouloir enquêter sur les hausses des prix qui agitent les marchés nationaux. L’enjeu est d’examiner l’évolution des prix de sorte à savoir si c’est dû seulement à l’inflation mondiale ou à de possibles pratiques anti-concurrentielles. Le Conseil a braqué ses projecteurs sur treize produits, dont les matériaux de construction. On en cite l’acier, le verre, l’aluminium et le cuivre.

Dans son exposé, le Conseil présidée par Ahmed Rahhou a donné un aperçu sur le maché qui a connu une forte inflation ces deux dernières années. S’agissant des matériaux de construction, le Maroc a consommé en 2019 environ 1,2 million de tonnes de ronds à béton et 250.000 à 400.000 tonnes de fil machine.

Le Maroc a importé en 2019 l’équivalent de 295.000 tonnes de rond à béton et de fil machine. L’un des principaux matériaux de construction qui a connu une augmentation manifeste depuis quelques mois est le rond à béton utilisé dans la construction. Ce dernier est dépendant des prix de la ferraille.

Ainsi, son prix est passé de 2668 Dh/t en 2020 à 3962 Dh/t en 2021, soit une augmentation de plus de 48%. Sur le mois de janvier 2022, son prix a crû de près 36,6% par rapport à janvier 2021.
 

Relance


Le plan de sauvetage de Nizar Baraka
 
Prenant acte de la crise que traverse le secteur du BTP, le ministre de l’Equipement et de l’Eau, Nizar Baraka, a annoncé une enveloppe de 47 milliards de dirhams d’investissements pour l’année 2022. Ceci s’inscrit dans le cadre de programmes prévisionnels des marchés du Bâtiment et des Travaux Publics (BTP) dont le ministre a dévoilé les détails lors d’une journée d’information sur les programmes prévisionnels des marchés du BTP.

Une journée organisée en présence de tous les représentants des professionnels du secteur. Ce programme d’investissement concerne un ensemble d’infrastructures dont les routes et autoroutes, ports, secteur d’eau et équipements publics dans le cadre de la maîtrise d’ouvrage déléguée.

Parmi les principaux projets phares du ministère pour 2022, on trouve la réalisation de l’Autoroute Guercif-Nador, 1ère tranche sur 32 km, la construction de 246 km de voie expresse et de contournements, la construction de barrages tels que Béni Mansour, Ribat Alkhayr… ou encore plus de 1196 projets au profit de 50 maîtres d’ouvrage au secteur des équipements publics tels que la réalisation du projet de construction du CHU Ibn Sina de Rabat qui va coûter 4MM dhs ou le projet de construction de l’aéroport international de Rabat-Salé avec un coût de 10,167 MM dhs.

En plus de la hausse du budget d’investissement de 20% qui donnera un coup de pouce à la commande publique, Nizar Baraka a annoncé l’amélioration du cadre réglementaire régissant la commande publique et des mesures d’accompagnement des professionnels du secteur.
 

Trois questions à Mohammed Mahboub

BTP : Perspectives de relance d’un secteur vital

« Nous comptons beaucoup sur la commande publique pour relancer l’activité des entreprises »
 
Mohammed Mahboub, vice-président de la Fédération Nationale du Bâtiment et des Travaux Publics (FNBTP) a répondu à nos questions sur la crise du secteur du BTP et les perspectives de sortie de crise.

- Vous revendiquez que la Covid-19 doit être considérée comme cas de force majeure, est-ce réalisable ?

- Si nous insistons sur ce point depuis le début, c’est parce que nous voulons garantir aux entreprises en difficulté une issue de secours. C’est-à-dire la possibilité de se retirer des marchés publics conclus et des chantiers en cours sans pénalités avec option de résilience à l’amiable.


- Quelle formule proposez-vous pour la révision des prix qui demeure très technique ?

- Nous avons prévu deux étapes, d’abord on commence par ce qui est urgent, à savoir la compensation des sommes dues à la hausse des prix des matières premières pour qu’elles ne soient pas encaissées seulement par les entreprises. Ensuite, il est préférable de revoir également en profondeur le système de révision des prix qui a besoin, à notre avis, d’une réforme, puisqu’il ne répond plus aux exigences de la conjoncture actuelle.


- Quelles sont les difficultés d’approvisionnement que vous rencontrez ?

- Aujourd’hui, nous sommes confrontés à des problèmes de visibilité, dont nous sommes dépourvus. Pour cause, l’indisponibilité des stocks chez les fournisseurs qui refusent de négocier qu’au jour le jour. Même les prix varient d’un jour à l’autre. Le mécanisme de centralisation des achats est une bonne mesure, mais il demeure difficile à réaliser puisqu’il faut des moyens financiers et logistiques importants pour le faire.

Recueillis par A. M.
 








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