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Automobile : Les voitures d’occasion ont-elles toujours la cote ?


Rédigé par L'Opinion Dimanche 28 Septembre 2025

Le marché marocain des véhicules de seconde main, analysé à partir de 101.896 annonces, confirme son rôle central face à la hausse des prix du neuf. Dacia, Volkswagen et Peugeot dominent un parc vieillissant, où l’âge moyen des véhicules atteint 7 à 12 ans. Entre accessibilité pour les ménages et poids de l’économie informelle, le secteur révèle aussi des enjeux environnementaux, avec des émissions de CO2 élevées et des performances énergétiques dépassées. L’étude met en lumière les logiques de prix, les dynamiques régionales et l’apport des technologies, transformant l’occasion en indicateur stratégique des réalités économiques et sociales du Royaume.



L’étude repose sur un corpus de 101.896 annonces de vente de véhicules d’occasion, collectées en 2024 via des plateformes numériques spécialisées. Ce matériau, rigoureusement nettoyé et structuré, permet pour la première fois d’obtenir une image précise de l’offre automobile de seconde main au Maroc. Les chercheurs ont standardisé les informations clés – marque, modèle, prix, kilométrage, type de carburant, puissance fiscale, transmission, état du véhicule – afin de produire une base de données fiable, désormais accessible au public.

Le constat est clair : l’essor du marché de l’occasion traduit une conjonction de facteurs économiques et sociétaux. Face à la flambée des prix du neuf, liée notamment aux droits de douane, à la TVA et à l’augmentation des coûts de production, de plus en plus de ménages se tournent vers l’alternative de la seconde main.
 
Dacia, Volkswagen et Peugeot en tête
 
L’analyse met en lumière une forte concentration autour d’une dizaine de marques dominantes. Dacia, qui s’est imposée comme la marque la plus accessible au Maroc, occupe une place centrale, suivie par Volkswagen, Peugeot, Renault et Hyundai. Ces constructeurs, réputés pour leur rapport qualité-prix, confirment leur ancrage dans le quotidien des automobilistes marocains.

Les données révèlent également que l’âge moyen des véhicules proposés oscille entre 7 et 12 ans, reflétant un parc vieillissant. Si cette tendance permet à de nombreux foyers d’accéder à une voiture à moindre coût, elle pose aussi la question de la sécurité routière et des impacts environnementaux. Les émissions de CO₂ d’un véhicule ancien, associées à une consommation de carburant plus élevée, contrastent avec les ambitions nationales de transition énergétique.

L’étude souligne le rôle social du marché de l’occasion. Dans un contexte marqué par la baisse du pouvoir d’achat, la voiture de seconde main reste souvent la seule option viable pour la classe moyenne et les jeunes actifs. Elle contribue également à la mobilité professionnelle et à l’inclusion territoriale, notamment dans les régions où les transports publics sont insuffisants.

En parallèle, le secteur alimente une économie informelle florissante : vendeurs indépendants, petits garages, courtiers et ateliers de rénovation gravitent autour de ce marché, générant des milliers d’emplois directs et indirects. À ce titre, la dynamique de l’occasion dépasse la simple logique d’achat-vente pour devenir un véritable pilier socio-économique.
 
L’apport de la technologie
 
L’une des originalités de l’étude est d’avoir utilisé des outils d’Intelligence Artificielle et de machine learning pour affiner l’analyse. Grâce à ces techniques, il est possible de prédire le prix d’un véhicule en fonction de paramètres comme l’âge, le kilométrage, la marque ou encore la localisation. De précédents travaux menés au Maroc avaient déjà atteint des taux de précision supérieurs à 90% dans l’estimation des prix via des algorithmes comme XGBoost. Le nouveau jeu de données, beaucoup plus riche, ouvre des perspectives encore plus poussées.

Cette approche technologique permet non seulement de mieux comprendre les logiques de fixation des prix, mais aussi d’identifier des tendances régionales. Par exemple, certaines marques se vendent plus rapidement dans les grandes villes, tandis que d’autres trouvent preneur en zones rurales. Ces variations reflètent des comportements de consommation différenciés, façonnés par le revenu, la disponibilité des pièces détachées et la perception de la fiabilité des véhicules.
 
Une dualité marquée
 
Un autre enseignement concerne l’origine des véhicules. Si une majorité des annonces concerne des voitures déjà immatriculées au Maroc, une part significative provient de l’importation, souvent via l’Europe. Ces modèles, parfois proposés avec immatriculation temporaire «WW», séduisent par des prix compétitifs, mais posent des défis administratifs et techniques liés à leur homologation et à leur adaptation aux normes locales.

Cette dualité illustre la complexité du marché : entre un parc national dominé par des modèles assemblés localement, comme ceux de l’usine Renault de Tanger, et un flux constant de véhicules venus de l’étranger, le consommateur marocain arbitre en permanence entre budget, fiabilité et contraintes réglementaires.

L’étude rappelle que le prolongement de la durée de vie des véhicules d’occasion contribue à limiter la production de voitures neuves, réduisant ainsi l’empreinte carbone liée à la fabrication. Toutefois, cette logique de «durabilité par réutilisation» se heurte à une réalité : la plupart des véhicules de seconde main affichent des performances énergétiques dépassées et des niveaux de pollution supérieurs aux standards actuels.

Pour les autorités, le défi est double : favoriser l’accessibilité à la mobilité tout en orientant progressivement les acheteurs vers des modèles moins polluants. Cela suppose d’accompagner la transition vers des véhicules hybrides ou électriques, encore largement hors de portée de la majorité des ménages.
 
Recherche et industrie
 
Au-delà du constat, le travail des chercheurs de Tétouan ouvre de nouvelles perspectives. La mise à disposition publique du jeu de données constitue une ressource précieuse pour les économistes, urbanistes et spécialistes de l’automobile. Elle permettra d’alimenter des études sur l’évolution des prix, les préférences régionales ou encore l’impact des politiques fiscales sur la demande.

Pour les professionnels du secteur, cette mine d’informations représente un outil stratégique. Les concessionnaires et plateformes de vente peuvent s’en servir pour affiner leur politique tarifaire, ajuster leurs stocks ou anticiper les attentes des clients. À terme, l’usage du big data pourrait transformer la manière dont s’organise le marché, en le rendant plus transparent et plus adapté aux besoins des consommateurs.







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