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Allal Amraoui : «L’attitude schizophrène de l’Espagne envers le Maroc interroge à plusieurs égards»

Intégrité territoriale


Rédigé par Amine ATER Samedi 23 Janvier 2021

Suite aux appels de Podemos à l’équipe Biden pour retirer la proclamation de Trump instituant la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara, « L’Opinion » a sollicité l’expertise du Docteur Allal Amraoui, député istiqlalien, vice-président de la Commission parlementaire des affaires étrangères, de la défense nationale, des affaires islamiques et des MRE, afin qu’il nous livre sa lecture de cette sortie hostile.



Allal Amraoui
Allal Amraoui
- Bien que membre de la coalition gouvernementale, Podemos s’est montré très virulent après la proclamation de Donald Trump du 10 décembre, allant même à l’encontre de la position officielle de sa coalition, pensez-vous que le parti s’enferme dans une vision dépassée de la question du Sahara ? 
- C’est vrai, on est en droit de nous poser la question sur les intentions de ce mouvement politique Podemos, membre actuel de la coalition gouvernementale en Espagne, et qui multiplie ainsi les manœuvres tendancieuses, et les propos irresponsables qui portent atteinte aux intérêts du Royaume, comme aux relations entre Rabat et Madrid. C’est une formation politique, avec une lecture fantaisiste et à géométrie variable des droits de l’Homme, et des questions aussi importantes que sont le séparatisme, la régulation des flux migratoires, la sécurité et la stabilité de la région.

Force est de constater que pour un parti se voulant progressiste, Podemos rejoint, sur la question, les positions des franquistes purs et durs, à l’image de la formation Vox. Ce rapprochement de vues est surprenant lorsque l’on sait que Podemos se présente comme l’héritier de la République, tandis que Vox est le défenseur de l’héritage franquiste. Les deux partis font de l’animosité envers nous, une ligne politique faisant fi des propres intérêts de l’Espagne et des exigences de cohérence inhérentes à la participation à un gouvernement. 

- Cette position est-elle partagée par le PSOE de Pedro Sanchez à la tête du gouvernement ?
- Absolument pas. Plus au fait des réalités du terrain et des évolutions constantes en termes géopolitiques que connaît le pourtour méditerranéen, les ministres du PSOE sont à contre-courant des sorties de Podemos. En témoignent, les récentes mises au point des différents ténors du gouvernement, qui ont rappelé que le Maroc est un pays fondamental pour l’Espagne, que nos relations revêtent un intérêt stratégique de grande importance entre deux partenaires fiables depuis bien longtemps. Ils ont aussi souligné que la position officielle de l’Espagne sur la question du Sahara est exprimée par le président du gouvernement et la ministre des Affaires étrangères, et ont réaffirmé encore une fois, leur total soutien à une solution politique négociée, juste et durable, conforme aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l’ONU. Le choix de Podemos d’interpeller Joe Biden via des eurodéputés confirme également une volonté, sans doute concertée, d’éviter à Pedro Sanchez l’embarras d’une sortie portant le sceau gouvernemental. 

- Beaucoup s’attendaient à un soutien de Madrid à la proclamation du 10 décembre, alors que le gouvernement Sanchez a choisi de botter en touche, comment expliquez-vous cette position ? 
- Il est vrai qu’après les avancées réalisées dans le dossier de notre intégrité territoriale, avec la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara, et au moment où on attendait que notre voisin du Nord et partenaire stratégique fasse de même, nous sommes encore une fois surpris par cette énième sortie belliqueuse d’un parti membre de la majorité gouvernementale. Ce qui interpelle sur les réelles intentions du gouvernement espagnol ? N’y a-t-il pas un jeu de rôle entre les deux partis au pouvoir ? L’un qui rassure et met en avant les intérêts mutuels des deux pays à travers ses ministres au gouvernement, et l’autre qui continue à entretenir la confusion en faisant des déclarations incendiaires contre l’intégrité territoriale de notre pays, de manière à rassurer leurs bases électorales qui restent hostiles au Maroc. Cette manière «schizophrène» de jouer sur les deux tableaux interroge à plusieurs égards.

- Devons-nous craindre une énième crise diplomatique entre les deux Royaumes, en cas de nouvelles sorties de Podemos ? 
- C’est un scénario qui reste plausible. Néanmoins, rappelons que les relations avec le Maroc sont primordiales pour l’Espagne, et vice-versa. Ni Rabat ni Madrid n’ont intérêt à menacer ces liens qui, malgré le différend historique sur les villes occupées de Sebta et Melillia, ont permis aux deux pays d’entretenir des relations de bon voisinage, faisant d’eux des partenaires prioritaires.

La coopération économique bilatérale continue d’évoluer favorablement, d’autant plus que le tiers des investissements espagnols en Afrique est orienté vers le Maroc, qui est également le deuxième partenaire économique du Royaume ibérique en dehors de l’Union Européenne, alors que l’Espagne est le premier partenaire commercial du Maroc.

A noter que l’excellente collaboration dans la lutte contre le terrorisme et la migration illégale fait également pencher la balance vers le statu quo. Il est vrai que ces sorties hasardeuses, à la veille de la réunion Maroc-Espagne, de haut niveau, ne peuvent avoir aucun apport positif, mais nous aspirons et nous espérons que les sujets communs vont être abordés avec la confiance qui caractérise nos liens. Cette réunion donnera probablement un nouvel élan aux échanges économiques, à l’industrie, à la politique extérieure, aux infrastructures et à la sécurité et ne manquera pas d’explorer de nouveaux domaines de coopération, notamment l’éducation, la culture, les sciences et la technologie. Nous avons eu, en grande partie, une histoire commune. Notre présent et notre avenir ne peuvent être que communs, nous y croyons fermement au Parti de l’Istiqlal. 

Connexion Melillia Ghazaouet, une bouteille à la mer ? 
Asphyxiés par la fermeture de la douane commerciale, puis la fermeture totale de la frontière reliant Melillia à Nador, depuis mars dernier. La Confédération patronale de la ville occupée a décidé de se tourner vers l’Est en étudiant les possibilités d’une ligne maritime reliant Melillia au port algérien de Ghazaouet. Un geste qui ne semble pas compter beaucoup d’alliés au niveau du gouvernement central de Madrid, mais qui dépeint un tissu économique « melilien » aux abois après la fin subite des flux de contrebande. L’option algérienne reste peu fiable, vu l’obligation de visas pour accéder à la ville occupée et la dureté des procédures d’obtention desdits visas. Le gouvernement local semble lui aussi favorable à cette option vu la fonte des rentrées fiscales de la ville suite à la fin de la manne de la contrebande.
Vox, nouveau visage des franquistes
Fondé en 2013, à la suite de l’éclatement du système bipartisan qui régnait en Espagne depuis la fin du Franquisme, Vox a fait son entrée par la grande porte dans la politique espagnole en 2018 en décrochant 11% des voix aux élections régionales andalouses précipitant une région traditionnellement à gauche dans les bras de la droite.

Le parti dirigé par Santiago Abascal, se veut l’héritier de la pensée franquiste et maintient une ligne dure vis-à-vis du Maroc, il n’empêche que la formation a été épinglée pour des liens troubles avec des exilés iraniens dont il aurait reçu des financements.
 
Recueillis par Amine ATER