
Comme à l’accoutumée, l’exercice African Lion se termine dans les champs de Cap Draâ, une vaste étendue désertique très propice aux manœuvres de grande envergure. Un désert qui s’étend à perte de vue avec des rafales de vent poussiéreux à couper le souffle. Il n’y a pas mieux pour simuler une bataille classique dans un théâtre typiquement africain. Pour les américains, un tel environnement permet de se familiariser avec les spécificités africaines et, surtout, de perfectionner la lutte anti-terroriste au Sahel où les groupes terroristes sont de plus en plus nombreux et, pire, plus armés et mieux organisés. Le déplacement durable de Daech dans la bande sahélienne justifie davantage le bien-fondé d’un exercice tel que African Lion.
L’enjeu de projeter des forces de coalition
Devant le regard attentif de l’Inspecteur général des FAR, le général de Corps d’Armées, Mohammed Berrid, et du Général Michael Longley, Chef de l’AFRICOM ( Commandement américain pour l’Afrique), les unités des Forces Armées Royales (FAR) et des forces américaines engagées ont manœuvré côte à côte à l’issue de plus de douzaine de jours de préparatifs. C’est là qu’on sort les grands moyens et l’armement lourd.
En gros, chaque année, cet exercice final est une sorte de synthèse où on exécute une vaste opération militaire conjointe avec le déploiement de tous les corps d’armée (aviation, l’artillerie lourde, l’infanterie motorisée...
Un choix pas anodin !
Cette année, les FAR et l’US Army ont opté pour une opération de riposte à un ennemi fictif. Le choix n’est pas anodin. A chaque fois, on s'entraîne principalement sur des scénarios défensifs, ce qui corrobore une nouvelle fois la doctrine des FAR dont la principale vocation est la défense des frontières du Royaume. African Lion est d’autant plus utile qu’il permet aux régiments marocains d’amender leurs tactiques de combat dans un milieu désertique qui ressemble au mur de la défense.
Secondées par les unités américaines, les régiments des FAR ont un objectif clair. Mener une contre-offensive implacable pour s’emparer des positions de l’ennemi. L’idée est simple : déployer massivement les régiments de chars et de blindés avec un appui aérien des F-16 et des hélicoptères Apache sans oublier l’artillerie. C’est une sorte d’opération éclaire. La guerre de mouvement dans toute sa splendeur. Il n’y a pas plus classique. Secondée par l’artillerie, l'infanterie mobile avance grâce au soutien de l'aviation. Pas droit à l’erreur.
Mais avant, il faut neutraliser la défense anti-aérienne de l’ennemie. Une mission qui incombe aux forces spéciales chargées de détruire une station radar anti-drones, ce qui montre à quel point les FAR intègrent les drones dans leur conduite des assauts.
Vient ensuite le rôle de l’artillerie qui demeure indispensable pour ouvrir des couloirs pour faire avancer les colonnes de chars et de blindés. Ces derniers peuvent avancer le moment venu en étant largement couverts après un déluge de feu lancé à la fois par les lance-missiles multiples HIMARS, soutenu par l’artillerie tractée. Les canons M109 lancent, en renfort, des tirs de longue portée pour atteindre des cibles précises.
Une fois le terrain déminé par les forces de génie militaire, l'assaut commence pour percer les premières lignes de l’ennemi et prendre possession des positions détruites. L’avancée des chars Abrams devient implacable surtout avec un appui aérien aussi massif. On reproduit ce schéma jusqu’à la prise des dernières poches de résistance.
L'intendance aussi vitale que le combat
Au fur et à mesure que le combat avance, la logistique doit suivre. C’est un élément vital. Les communications comme l’évacuation et le remorquage des véhicules doivent être infaillibles pour le succès de l’offensive. Idem pour l’évacuation de blessés qui se fait par voie aérienne. Lors de l'exercice, un hélicoptère de type Puma a été déployé à cet effet.
Les drones au centre du jeu
C’est l’une des rares fois que les FAR intègrent les drones dans un exercice classique, ce qui témoigne d’une nouvelle avancée doctrinale des Forces Armées Royales qui continuent de se convertir à la guerre contemporaine à tous les niveaux. Aujourd’hui, la guerre conventionnelle s’articule autour du drone qui est devenu l’arme de rupture par excellence comme on s’en aperçoit en Ukraine où l’usage massif de ce “fusils volants” des deux côtés aboutit à une guerre de position comme ce fut le cas pendant la première guerre mondiale. Par conséquent, il devient absolument nécessaire de tenir compte des dispositifs anti-drone de l’ennemi dans la planification des assauts et des contre-offensives. Les stations de radars et les installations de brouillage sont de facto des cibles prioritaires pour sécuriser l’avancée des troupes d’assaut, qu'il s’agisse de régiments d’assaut ou de petits bataillons de reconnaissance.
Les leçons d’El Guerguerat
Depuis la libération du passage d’El Guerguerat et la prise du “drôle de guérilla” du Polisario, les FAR recourent le plus souvent aux drones pour neutraliser les miliciens séparatistes qui s’aventurent près du mur des sables avec un succès quasi total. Résultats des courses : la zone tampon est, sans emphase, quasiment sanctuarisée sauf quelques incidents malencontreux comme le tir de roquette qui avait atteint Semara en octobre 2023.
En gros, tous les commandants polisariens tués depuis 2020 ont été liquidés par des tirs de drones. Le commandant de la dite “sixième région militaire”, Mustafa Ould Mohammed Laroussi, a subi un sort pareil récemment près de Mahbès.
Par ailleurs, la lutte anti-drone est devenue d’autant plus vitale pour les FAR que le Polisario a commencé à se familiariser avec l’usage des drones de reconnaissance comme l’avait montré une vidéo diffusée en décembre 2024.
L’usage de drones devient aujourd’hui indispensable que ce soit à l’échelon offensif ou défensif. Lorsqu’on parle aux militaires de ce sujet, ils s'amusent à dire qu’un drone moins cher inflige souvent plus de dégâts qu’un avion qui coûte des milliards. Face à une organisation terroriste comme le polisario, dépourvue de défense anti-aérienne, un drone peut s’avérer plus efficace et moins coûteux que l’aviation classique. Un drone kamikaze, par exemple, permet des attaques chirurgicales ultra-ciblées avec beaucoup plus de chance de réussite qu'un avion de chasse avec qu’un tir de missile air-sol très coûteux. Dans une guerre de haute intensité, la question est néanmoins plus complexe.