L'Opinion Maroc - Actuali
Consulter
GRATUITEMENT
notre journal
facebook
twitter
youtube
linkedin
instagram
search



Actu Maroc

African Lion 2022 : Cap Draâ sous un déluge de feu


Rédigé par Anass MACHLOUKH Samedi 2 Juillet 2022

Réunies sous le ciel du champ de Cap Draâ, les FAR et l’US Army ont déployé l’ensemble de leurs composantes dans un exercice tactique de grande envergure avec des tirs réels. Une simulation d’un conflit de haute intensité. Décryptage.



“FTX”, c’est l’abréviation donnée à l’un des plus grands exercices d’African Lion, si ce n’est le plus important en termes d’ampleur des forces engagées. Au champ de manoeuvre de Cap Draâ, à une trentaine de kilomètres de Tan-Tan, les Forces Armées Royales, aux côtés des Forces américaines, ont “fait la guerre ensemble” en procédant à un exercice interarmées global où toutes les composantes ont été déployées côtes à côte afin de conduire une opération tactique de grande envergure, devant une délégation militaire de haut niveau présidée par l’Inspecteur des Forces Armées Royales et Commandant de la Zone Sud, Belkhir El Farouk. Lequel est arrivé sur place pour suivre le déroulement des exercices.

L’Artillerie, l’infanterie et l’aviation ont opéré simultanément dans des actions offensives. L’ambition d’un exercice d’une telle ampleur est de rehausser la capacité manoeuvrière des différentes unités des Forces Armées Royales et d’améliorer l’interopérabilité opérationnelle avec les forces américaines, explique le Colonel Nabil Taoussi, Directeur de l’exercice tactique FTX au champ de manoeuvre Cap Draâ. Avec 2500 militaires marocains et américains engagés, les FAR et l’US Army ont simulé un scénario d’opération offensive dont le but est de neutraliser et percer les lignes ennemies par l’usage de toutes les composantes des deux armées.

Pour ce faire, il a été procédé à des séances de tirs bilatéraux avec différentes armes telles que les chars ABRAMS dont le Maroc en dispose, l’Artillerie lourde sol-sol et des lance-missiles antichars. “L’exercice a été clôturé par une manoeuvre interarmées comprenant des opérations de bombardement avec l’utilisation des drones de combat, des bombardiers stratégiques et de l’Artillerie lourde d’une portée de 300 kilomètres”, poursuit le Colonel.

L’Artillerie marocaine évalue ses capacités

De son côté, Mohammed El Maniti, Commandant de la Quatrième Batterie d’Artillerie Royale nous a expliqué que cet exercice a été une occasion pour cette Artillerie de tester ses capacités de frappe et faire le suivi de son évolution technique. “Ces exercices combinés se distinguent par la rapidité dans l’accomplissement des opérations. Ils ont permis l’échange des expériences et la consolidation de l’interopérabilité opérationnelle, d’une part, et, d’autre part, de suivre l’évolution technique de l’artillerie”, a souligné notre interlocuteur.

Ces actions sont accompagnées par des actions offensives contre des “lignes ennemies”, à savoir des bombardements aériens et l’utilisation alternée et coordonnée entre toutes les armées avec une combinaison de feu et de mouvement des forces terrestres.

Avions de chasse, hélicoptères de combat, chars, véhicules blindés et lance-roquettes et lance-missiles sont déployés dans un scénario d’opération tactique préparé minutieusement avec des objectifs précis. Pour mieux comprendre la stratégie fixée, mieux vaut avoir une idée sur le champ de Cap Draâ. Il s’agit d’une zone divisée en plusieurs lignes censées être prises pour cible et franchies ensuite par les forces déployées pour prendre le contrôle de la zone dans un espace de temps défini.

L’exercice est qualifié de réussite si les unités engagées sur le terrain et appuyées par les forces aériennes (hélicoptères et avions de chasse F-16, en plus des bombardiers) parviennent à sécuriser la partie Sud-Est de Cap Draâ et établir une tête de pont dans la région de Tadighoust et livrer ainsi une ligne de débouché pour le passage des forces de coalition.

Détails techniques sur le déroulement de l’opération

Tout a commencé avec une démonstration de force des F-16 qui ont survolé le champ de manoeuvre avec une vitesse éclair, suivie d’une frappe de drone au niveau de la ligne “O2”. Ensuite, les hélicoptères Apache AH 64 sont entrés en scène opérant des frappes en profondeur afin de prendre pour cible la ligne Oscar O1 et O2. Des lignes ciblées également par des frappes de drones et des bombardements menés par les bombardiers américains B1 et des tirs d’artillerie ainsi que des tirs de roquettes, en plus des tirs de véhicules blindés.

Des scénarios adaptés aux guerres symétriques et asymétriques à la fois La question qui effleure l’esprit c’est de savoir si les scénarios adoptés sont adaptés aux risques sécuritaires qui menacent le Maroc, notamment le risque de guérilla qu’incarnent les organisations terroristes.

Plusieurs officiers supérieurs sondés par nos soins sur place nous ont rassurés : les exercices de Cap Draâ sont adaptés à toutes les situations et toutes les menaces potentielles. Évidemment que la guerre conventionnelle symétrique est parmi les priorités. L’Armée doit être en mesure de mener et endurer une guerre de haute intensité, lâche un officier sous couvert d’anonymat, ajoutant que l’exercice FTX prend en compte tous les scénarios possibles aussi bien la guerre symétrique que toutes les formes de guerre asymétrique. Ici, il est question de guérilla et de guerre de contre-insurrection.



Anass MACHLOUKH

L'info...Graphie


Exercices tactiques


Les drones font leur apparition
 
Les drones ont été largement utilisés lors de l’exercice FTX. En plus des drones de surveillance, des drones de combat ont également été employés dans les manoeuvres aériennes. Il s’agit des drones “Kamikaze” que le Maroc a commandés auprès d’Israël en vertu de l’accord de coopération sécuritaire signé en marge de la visite de Benny Gantz au Maroc.

Ces drones sont conçus de sorte qu’ils soient employés dans des vols au-dessus du champ de bataille. Ils ont une double mission, à savoir faire de la surveillance (repérage de cibles potentielles) tout en menant des actions offensives. Le Maroc, rappelons-le, s’inscrit dans une tendance mondiale de “dronisation”, selon le terme utilisé par Emmanuel Dupuy, président de l’IPSE, dans une déclaration à « L’Opinion ».

L’expert dans les questions de défense estime que la guerre en Ukraine ainsi que le conflit du Haut Karabakh ont poussé vers un usage plus conséquent des drones dans les opérations militaires vu l’efficacité dont ils ont fait preuve dans les conflits susmentionnés.
 

Exercice FTX


Les observateurs internationaux impressionnés par la performance des FAR
 
En marge de l’exercice FTX, nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec de nombreux observateurs internationaux qui ont assisté à l’exercice tactique à Cap Draâ. Tous ont salué le niveau d’organisation des Forces Armées Royales et leurs capacités manoeuvrières. Le Colonel brésilien Claudio Mardine n’a pas caché son admiration pour l’Armée marocaine.

“Je suis très impressionné par le professionnalisme et la dextérité opérationnelle dont a fait preuve l’Armée marocaine. Cela nous pousse à vouloir travailler de façon plus intense avec elle dans les années à venir”, a-t-il indiqué, ajoutant que le Maroc et le Brésil gagneront beaucoup à améliorer davantage leur coopération militaire dans les années à venir.

“Cette année, le Brésil participe uniquement en tant qu’observateur et nous avons l’ambition de participer pleinement à l’exercice et essayer de mener des exercices conjoints entre nos troupes”, espère notre interlocuteur. Pour sa part, le représentant de la France, Colonel Yves Le Rol, a fait part de son admiration du déroulement de l’exercice tout en soulignant l’importance qu’un tel exercice ait lieu en Afrique.

De son côté, Jean Bruno Kouassi, représentant la Côte d’Ivoire, a estimé qu’African Lion est adapté aux réalités géostratégiques africaines. “Cet exercice est d’autant plus intéressant qu’il se passe dans le continent africain et demeure adapté à nos réalités géostratégiques”, a-t-il précisé, sans oublier de souligner l’excellence de la coopération militaire entre Rabat et Abidjan. “Il suffit de constater que la majeure partie de nos officiers sont formés au Maroc et j’en fais partie. La coopération entre le Maroc et la Côte d’Ivoire date de très longtemps et demeure parfaite et indéfectible”, s’est-il félicité.
 

Trois questions à Brady Johnson


« Les Forces Armées Royales sont un partenaire précieux de l’Armée américaine »
 
Brady Johnson, Lieutenant-Colonel de l’Armée américaine, a répondu à nos questions lors d’une déclaration à la presse sur l’exercice African Lion et précisément sur l’exercice FTX.

- Quel est, aux yeux des militaires américains, l’enjeu derrière cet exercice ?

- C’est une opération à caractère global où nous avons mené ensemble des opérations d’artillerie et des opérations d’attaque de cibles terrestres par l’usage d’aéronefs tels que les avions de chasse et les hélicoptères Apache. L’enjeu est simple : exécuter ensemble des manoeuvres avec des objectifs précis en utilisant l’ensemble des composantes des deux armées (Artillerie, unités motorisées et blindés). C’est une expérience inédite comme on en voit rarement.


- Comment jugez-vous le niveau de coopération avec vos partenaires marocains lors de cet exercice ?


- Les Forces Armées Royales sont un partenaire précieux de l’Armée américaine, et il est certain qu’elles nous donnent une plus-value en termes d’interopérabilité avec leurs systèmes et leurs propres unités d’artillerie et d’infanterie.


- Comment qualifiez-vous le niveau d’organisation des FAR et leurs capacités de manoeuvre ?

- À mon avis, et je parle en connaissance de cause, l’Armée marocaine fait preuve d’une organisation impressionnante. Les exercices que nous avons menés ensemble avec nos partenaires marocains nous ont montré à quel point des différentes composantes des FAR sont compétentes et surtout expérimentées.


 
Propos recueillis par
Anass MACHLOUKH