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Culture

Abdelghani Sannak, mouton noir


Rédigé par Anis HAJJAM le Dimanche 9 Juillet 2023

Avant le sacrifice animal, un sacrifice humain. Un artiste, les neurones vaseuses et le regard hagard, est capté par vidéo dans ces circonstances qui ne regardent que sa personne. Au comédien qui a donné avec foi et haut professionnalisme, on n’accorde qu’un pseudo-dérapage dont les auteurs de cet acharnement puant usent sans compter. Journalistes ? Que la divinité nous en garde.



L’artiste, cible d’une faune « journalistique » profanatrice.
L’artiste, cible d’une faune « journalistique » profanatrice.
Il y a le rituel et il y a la réalité. Ne nous laissons pas embarquer dans des barques d’incompréhensions. Faisons-la simple : le mouton est tellement épris de l’homme qu’il se laisse prendre par la gorge, les larmes en sus. L’homme, reconnaissant, lui rend cet amour en le caressant de la tête aux pieds, le déshabillant avec fougue, le débarrassant de membres inanimés. Une leçon aux brebis-galeuses d’une presse qui aimerait tendre son micro à ce pauvre animal en amont de sa mise à mort, et peut-être même en aval ? Le mouton ! Mais ils existent en masse ces charognards en bonne santé, sentant le soufre à des milliers de kilomètres de leurs agissements.

Et voilà : cette presse qui n’atteint même pas le caniveau est en reproduction inquiétante. Une famille, à deux mains gauches, désormais nombreuse. Après avoir dénoncé les feuilles de choux, nous voilà confrontés aux sites qui bèguent « consciencieusement ». Le mouton a des cornes et des burnes, le journaleux de cette écurie est dépourvu de burnes, encore plus de cornes. La dernière cible de cette faune profanatrice et dépitée de tout sens est le fin acteur et étonnant interprète Abdelghani Sannak.

Le comédien est filmé par l’un des nombreux creux-crânes que paie une chaînette électronique à scandale, à l’audience douloureusement conséquente. Sur les images volées, on voit un artiste éméché, faisant des pas et des gestes dignes d’un créateur ou d’une personne choisie pour un rôle à venir. Dans sa main, une limonade pas forcément améliorée puisque personne ne connaît son contenu.

La trouble vidéo est agrémentée de phrases qui entendent mettre à mal le concerné, sa famille, ses proches, sa fonction, ses nombreux admirateurs : « Clochardisé, pourtant il est prêt à encore donner. », « Le voilà dans un état irrationnel. » … Mieux : on appelle sa famille en Italie pour qu’elle vienne en aide au parent. Ce site au voyeurisme établi reçoit un gros vent de la part de ses interlocuteurs. Une vie privée, bande de frappas, s’appelle « vie privée » jusqu’à ce que mort s’ensuive. Que l’âme du mouton repose en paix. Quant aux chiens qui fouillent les poubelles … 

J’y suis, j’y reste 

A une époque, lointaine de quatre décennies, l’apprentissage se faisait sur le tas et parfois sur le tard. Les aînés, aux noms souvent volcaniques, accueillaient des aspirants démunis de toute velléité journalistique mais munis d’un vouloir absolu de se glisser dans un univers capable de rendre compte de tous les métiers du monde et jamais inversement. Le premier test est celui de coucher un texte pour un jugement d’attaque.

En ces temps, un journal est édité sur papier, cette matière mariée à l’encre qui marque les mains mais aussi le visage si une mouche vient le chatouiller et qu’on s’aventure à la dégager. La majorité des premiers « papiers », appelés communément articles, empruntent le chemin vertical, soit le jet pur et simple dans la poubelle la plus proche, une atroce sensation de grosse faiblesse de son émetteur et pas encore auteur. Suit, après une dégradation morale bien administrée, l’étape de l’apprentissage sommaire à l’issu duquel une première publication est accordée, largement revisitée et signée de votre nom, ce qui grossit le désarroi. Situation schizophrénique : vous et pas vous en même temps. Que faire alors ? Poursuivre ou lâcher ? Les deux se chamaillent dans une tête pas encore vraiment construite pour pareille aventure. Seulement, votre signature est déjà parue et vous ne rêvez que de continuer à publier, quitte à vous faire régulièrement massacrer. L’adrénaline s’installe, le métier n’arrive pas encore à vous tutoyer. Décidant d’adopter le « j’y suis, j’y reste », vous voilà pris dans l’étrier de l’une des expressions les plus nobles de l’histoire de l’humanité.
 
Art et vilenie 

Le journalisme est une culture, une vocation, des sacrifices. A partir du moment où on l’intègre en ferme conviction, on le sert avec sérieuse légèreté, graves approches, forte implication. Le léger, le grave et le fort se construisent une identité prête à tout traduire en une force de frappe fédératrice, s’érigeant à mille lieues de ce que cette presse assimilée aux lamentables réseaux sociaux inculque à des lecteurs du dimanche, à des proies faciles à influer. Une récente race d’employés aux (mauvaises) écritures s’acharne sur tout ce qui émet lumière ou espoir, saccage le bien au profit du mal, cogne le velours en léchant le rugueux, nage dans les eaux usées en snobant l’eau de roche, se meure en croyant vivre. Cette malheureuse presse, à la jouissance d’impunité criante, pousse continuellement à la haine, à la violence, au mépris de l’autre, à la fracture sociale, à la destruction de l’amour pour des idoles qui font rêver, fait cauchemarder les porteurs de projets d’avenir, promeut le chaos. Pour cette bien douteuse presse, dénigrer un grand artiste -Abdelghani Sannak- et sa carrière est un scoop ! Grotesque lorsqu’on sait que la discrétion est un art, la délation une vilenie. 
 
Anis HAJJAM







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