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Culture

MAGAZINE : Karim Bennani, rétro n’est pas de trop


Rédigé par Anis HAJJAM le Dimanche 7 Décembre 2025

L’espace casablancais African Arty Gallery représente désormais la succession de l’artiste disparu il y a deux ans. Un des pionniers de l’art moderne au Maroc, le plasticien lègue un travail foisonnant. Pour fêter cet évènement, la galerie organise à partir du 10 décembre une rétrospective incluant des œuvres inédites des années 1950 aux années 2020.



Sans titre, huile sur toile, 200 x 200 cm, 1970.
Sans titre, huile sur toile, 200 x 200 cm, 1970.
Une rétrospective, un round up, une évolution, un rappel, une récapitulation… Appelons comme nous voulons cet œuvre gravé dans les mémoires, l’œuvre quasi complet d’un artiste consciencieux qui prend l’art, le sien, par les deux bouts, campant un rôle déterminant dans le jaillissement d’une réflexion artistique propre au Maroc. Avec Melehi, Belkahia, Hafid, Chebaâ…, le ras-le-bol d’une qualification émanant d’un Occident qui se protège de rayons de soleil figurant l’ailleurs, se traduit par une offensive artistique moderne et contemporaine. Le Maroc a son mot à dire, a son imagination à inscrire. Parti à 87 ans en 2023, Karim Bennani aura inscrit ses accents dans le langage plastique du pays dès l’Indépendance. « Il entreprend d’abord des études commerciales qu’il abandonne en 1951 pour suivre les cours de l’Académie des arts de Fès. Il est admis en 1954 à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-arts de Paris, à l’Académie Julian et à l’Atelier Charpentier. La Galerie du Bac à Paris lui consacre une exposition en 1957. La même année, il est invité à la 2ème Biennale d’Alexandrie et, en 1963, il expose avec Farid Belkahia, Maurice Arama, Mohamed Ben Allal… à la Galerie Charpentier. » Jusqu’à la fin de ses jours, il reste fidèle à une approche de moins en moins fréquente : « Je peins pour moi-même et pour être aimé. Peu importe que mes toiles se vendent ou non, cela m’est égal car l’art est consubstantiel à mon être. J’y puise mon équilibre, j’y retrouve mon moi dans sa totalité. » Lorsqu’il rentre de France, Bennani continue de peindre en révélant également ses talents de décorateur. Avec Hassan Slaoui, il crée à Rabat « Structure BS », un espace regorgeant de découvertes entre 1974 et 1984. Entre-temps, il est convié au premier congrès de l’Union des artistes plasticiens arabes à Baghdad en Irak. Cofondateur de l’association marocaine des arts plastiques (AMAP), dont il assure la présidence pendant plus de vingt ans, Karim Bennani « fait partie de cette génération fondatrice qui a posé les bases d’une scène artistique professionnelle ouverte et porteuse d’une vision ambitieuse pour la création nationale. Son œuvre, d’une grande exigence esthétique, est marquée par l’alliance d’une rigueur remarquable du dessin, d’une spiritualité des formes et d’une exploration subtile de la couleur ». Au-delà, il y a ce côté sculpteur dont se revendique l’artiste : « J'ai toujours senti en moi l'artiste sculpteur. La sculpture est un élément moteur de mon travail. Elle illustre si bien mon souci pour le relief, la matière et la forme.  Je n'aime pas les cadres car ils bloquent et gênent l'espace de l'œuvre. Heureusement, la sculpture n'a pas besoin de cadre. Le relief c'est l'aboutissement à la sculpture. Il y a toujours cet attachement envers le contraste et le clair-obscur. J'ai fait une sculpture gigantesque et imposante en résine et peinte en or. C'est une expérience qui me tient à cœur depuis longtemps, c'est pourquoi j'ai fait plusieurs maquettes. Dans mon travail, comme vous l'avez bien remarqué, il y a beaucoup de lumière, des contrastes, du relief dans un sens. Cela veut dire qu'il y a déjà eu la naissance d'un regard de sculpture, il fallait seulement qu'il se débloque. Le temps est arrivé pour le faire sortir, car dans le domaine de l'art, il ne faut jamais forcer les choses, mais les laisser venir d'elles-mêmes », dit-il il y a une quinzaine d’années à l’occasion de l’exposition à Bab Rouah « Carnets de voyages » (1955-2008). Une exposition accompagnée d’une donation de l’artiste au Musée d’art contemporain de Rabat : « Très franchement, j'ai été un peu déçu par le ministère de la Culture, parce qu'il n'a pas saisi l'importance de la donation aussi bien au niveau événementiel qu'historique. Je pense que c'est un événement historique qui va toucher le grand public. J'ai fait ce geste pour les générations futures. Il s'agit d'un musée national qui appartient au Maroc et aux Marocains. »    

                                            
Equivalence spatiale

En 2003, Karim Bennani affirme : « Je ne veux plus être président de l’AMAP (Association marocaine des arts plastiques). J’offre ma place ! Je suis las, et ma santé ne me permet plus d’honorer mes fonctions. » En revanche, il crée en 2006 la Fondation Karim Bennani pour les arts et la culture. Ce qui émerge en définitive c’est sa contribution artistique. Elle a ouvert la voie à plusieurs générations d’artistes en quête d’affirmation d’une expression contemporaine ancrée dans des références marocaines et tournée vers l’universel. « African Arty Gallery accompagnera désormais la valorisation, la conservation et la diffusion de son œuvre, en étroite collaboration avec la famille de l’artiste », rassure la galerie. La vision de l’art pour Karim Bennani est souvent pragmatique, parfois philosophique : « L’art pour moi se veut un élément interne que nous possédons tous, mais il y a des choses qui se déclarent et d'autres qui restent enfouies en nous. L'artiste sait bien les mettre en valeur. Il s'agit désormais de construire et, par conséquent, de donner une équivalence spatiale et chromatique à l'univers surgi de la vision profondément secrète de l'artiste. » Et que vive le cosmique.
 
                                                                                                
         







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