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[Interview] : Le pain, super star de la table, est sous la loupe


Rédigé par Safaa KSAANI Mardi 13 Avril 2021

Farine, eau, levure et sel. D’une composition sommaire, le pain est le sujet de confrontation entre le Réseau marocain pour la défense du droit à la santé et le gouvernement.



Ali Lotfi, président du Réseau marocain pour la défense du droit à la santé

[Interview] : Le pain, super star de la table, est sous la loupe

- Dans un récent communiqué, vous demandez l’ouverture d'une enquête gouvernementale sur la qualité de la farine et du pain. Qu'est-ce qui a motivé votre décision, à quelques heures du début du mois de Ramadan ? 

 

- La problématique de la qualité du pain ne date pas d’aujourd’hui et ne revient pas uniquement au mois de Ramadan. Les associations de défense des consommateurs portent un jugement négatif sur le pain tout au long de l’année. Les marchés sont envahis par une gamme de produits alimentaires, pains et gâteaux de toutes sortes. C’est durant ce mois sacré qu’on consomme beaucoup de pain et des pâtisseries, préparés non dans les boulangeries mais dans l’informel, loin de tout contrôle d’hygiène et de sécurité. Les pâtisseries et les viennoiseries précisément peuvent provoquer des intoxications alimentaires, vu qu’elles sont pleines d’additifs. Le seul contrôle de ces aliments se fait dans les dépôts de farines. C’est l'Office National de Sécurité Sanitaire des Produits Alimentaires (ONSSA) qui assure ce contrôle. 

 

- Le Réseau a exprimé récemment sa préoccupation concernant des rapports de sociétés de protection des consommateurs sur la qualité du pain et sur l'absence d'implication du gouvernement. Quelles en sont les principales conclusions ? 

 

- Le blé est parmi les aliments qui reçoivent le plus de pesticides, dans toutes les étapes de sa culture et de sa transformation. En gros, on a constaté que la farine vendue au Maroc est impropre à la consommation, même pour le bétail ! On a également constaté l’emploi de la levure chimique, la présence du chlore dans l’eau mélangée à la farine ainsi que l’élimination de fibres alimentaires. Le transport du pain est souvent effectué dans des voitures loin de respecter les mesures d’hygiène. Ensuite, les mesures de conservation de ce produit laissent beaucoup à désirer. Un contrôle rigoureux est donc nécessaire.

 

 

- A combien estime-t-on le nombre des lieux non autorisés à fabriquer des produits alimentaires ? 

 

- Il y a des milliers de lieux non autorisés, présents dans toutes les villes marocaines. De nombreuses boulangeries qui fabriquent dans leurs propres ateliers du pain, des pâtisseries et des viennoiseries vendues au détail réutilisent le pain non vendu. Il s’agit là d’un des secteurs alimentaires les plus importants avec un chiffre d’affaires colossal. Les prix ne sont pas contrôlés et la qualité des produits utilisés diffère d’une boulangerie à une autre et d’une ville à une autre. Les départements et ministères concernés négligent le contrôle et le suivi de ce secteur important dans la sécurité alimentaire des Marocains. Dans le marché du pain, il y a la production artisanale et la production industrielle.   

 

- Que proposez-vous pour mettre fin à ce fléau ?
 

- Nous proposons la refonte totale des textes régissant toute la chaîne de production et d’approvisionnement. Un système de contrôle sanitaire exigeant le respect des normes sanitaires et de production du pain, de la farine et des produits dérivés, ainsi que des règles d’hygiène et de sécurité des employés. Ces derniers sont souvent confrontés à des maladies respiratoires. Un contrôle sanitaire à leur profit doit être exigé. Les ministères concernés doivent assumer leur responsabilité en diligentant une enquête globale et en procédant à la fermeture définitive des sociétés, des minoteries et des boulangeries qui mettent en danger la santé des citoyens. De plus, l'Office National de Sécurité Sanitaire des Produits Alimentaires (ONSSA) doit être une institution indépendante et autonome pour jouer pleinement son rôle, loin de toute intervention politique dans ses attributions et missions. Enfin, le prix du pain dans certaines boulangeries et grandes surfaces au Maroc est élevé et la qualité nutritionnelle reste à désirer. Par conséquent, une grande réforme du secteur et de sa chaîne industrielle est nécessaire, voire indispensable, pour garantir la sécurité sanitaire et alimentaire des Marocains.

 

Recueillis par Safaa KSAANI


Demande d’ouverture d’enquête

Une décision motivée par la santé de la population 

 La qualité du pain et de la farine est à nouveau pointée du doigt par le Réseau marocain pour la défense du droit à la santé. La semaine dernière, le Réseau a appelé les ministères de l'Agriculture et de la Santé à un contrôle strict pour le pain marocain et sa qualité et s’assurer de l'absence d'ingrédients dangereux pour la santé du consommateur.

“Le facteur motivant notre doléance au gouvernement est la santé de la population, qui nous concerne tous. Le poids réglementaire du pain subventionné, établi à 200g, n’est pratiquement jamais respecté. Cet aliment quotidien doit être sain et d’une bonne qualité. Or, ce n’est pas le cas”, nous explique Ali Lotfi, président du Réseau marocain pour la défense du droit à la santé. 

La dégradation de la qualité du pain a bien des raisons et une histoire. “Suite aux années de sécheresse, le prix de la farine a augmenté et donc le prix public du pain. Des négociations entre les boulangeries et le gouvernement sur le prix du pain n'ont pas débouché sur une bonne fin. C’est ainsi que la qualité du pain s’est dégradée et la voie vers la libération des prix s’est ouverte”, détaille notre interlocuteur. 

Des changements d'ordre sociétal et individuel ont également participé à cette dégradation. “Au fil des ans, les habitudes alimentaires des Marocains ont changé, spécifiquement après que la femme ait commencé à sortir de chez elle pour travailler. Et suite à l'adoption de l'horaire continu au travail, la demande du pain préparé à l’extérieur des foyers a augmenté”, tient-il à souligner.







 









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