L’ambition affichée par le gouvernement se mesure désormais en chiffres : au 30 novembre, 3,8 millions de ménages marocains, représentant près de 12,4 millions de citoyens, bénéficient du soutien social direct. Présent à la Chambre des Représentants, lundi 8 décembre, Fouzi Lekjaa, ministre délégué auprès de la ministre de l’Economie et des Finances, chargé du Budget, a défendu les avancées d’un dispositif présenté comme l’un des chantiers structurants de la nouvelle architecture de protection sociale.
Face aux députés, il a insisté sur la rupture opérée avec les logiques administratives antérieures. Le nouveau mécanisme repose sur une approche fondée sur l’analyse des données, une grille de notation et des critères d’éligibilité objectivés. Cette grille intègre 35 variables en milieu urbain et 28 en milieu rural, permettant de tenir compte des écarts structurels entre territoires. Le seuil d’ouverture des droits est fixé avec une précision millimétrée : 9,743001 points.
Ce changement d’échelle dans le ciblage traduit une volonté politique assumée. Selon le ministre, l’actualisation permanente de la base de données permettra de mieux intégrer les évolutions socio-économiques, notamment après la publication des résultats du recensement général de la population. À ses yeux, ce rafraîchissement continu constitue la garantie d’un soutien plus équitable, en particulier pour les catégories les plus vulnérables.
Sur le plan budgétaire, les projections confirment l’importance accordée à la réforme. Fouzi Lekjaa a rappelé que le soutien social direct mobilise 25 milliards de dirhams en 2024, un montant qui passera à 27 milliards en 2025, puis à 29 milliards en 2026. Une progression qui témoigne, selon le responsable gouvernemental, de la volonté d’inscrire cet effort dans la durée, en consolidant l’un des piliers de l’État social.
La création de l’Agence nationale de soutien social (ANSS), dotée de représentations locales, constitue un autre maillon de cette architecture. « Elle aura pour mission d’assurer un accompagnement de proximité, de suivre les situations individuelles et d’évaluer l’impact réel des aides sur l’intégration et l’inclusion des familles », explique Lekjaa.
Mais si le ministre s’est attaché à souligner les avancées, les députés ont profité de la séance des questions orales pour mettre en lumière plusieurs dysfonctionnements. Une parlementaire a ainsi dénoncé les situations où des dépenses courantes - comme les recharges téléphoniques, les abonnements internet ou les factures d’eau et d’électricité - influencent l’indicateur social et entraînent la perte de l’aide directe ou des bourses universitaires. Un effet de seuil jugé injuste et en contradiction avec l’objectif de protection sociale.
La critique a également porté sur l’uniformisation des montants de l’aide et des indices entre régions, perçue comme insuffisamment sensible aux disparités territoriales. Certains élus estiment que le modèle actuel ne reflète pas encore assez les écarts de coût de la vie ou les réalités socio-économiques.
En réponse, Fouzi Lekjaa a reconnu le caractère anormal de ces cas. Il s’est engagé à revoir certaines variables du calcul de l’indicateur social afin d’éviter que des situations exceptionnelles ne se transforment en exclusions injustifiées. Selon lui, ces ajustements nécessaires n’enlèvent rien au bilan global du dispositif, qu’il estime « significatif » au regard du nombre de bénéficiaires couverts.
Après presque deux ans depuis son lancement, la réforme du soutien social direct apparaît à la fois comme une avancée structurante et un chantier en ajustement continu. Entre montée en puissance budgétaire, élargissement de la couverture et correction des effets pervers, elle illustre les défis d’un système voulu plus juste, mais encore en quête d’équilibre.





















